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Mobilisation des habitants d’un quartier pour la préservation de leur cadre de vie

L’expérience de l’association de quartier La Bellevilleuse à Paris

06 / 2003

Mobilisation : un modèle de lutte associative pour le cadre de vie…

Créée en 1989, l’association de quartier « La Bellevilleuse » s’est opposée aux projets de la mairie de Paris qui devait conduire une intervention d’urbanisme sur le quartier du Bas Belleville ancien.

La mairie souhaitait rénover le quartier et lui donner une vocation commerciale en détruisant 90% du bâti (depuis longtemps préempté par la ville et laissé ensuite à l’abandon). Il faudra attendre 1996 pour que l’ère des négociations s’ouvre et que les premiers chantiers, en accord avec les propositions faites par l’association, se mettent en place. Aujourd’hui, on construit des logements adaptés aux besoins des habitants à la place des bâtiments trop vétustes, on réhabilite les autres immeubles grâce aux aides financières et au soutien technique de l’OPAH, Opération programmée d’amélioration de l’habitat, enfin on reloge ceux qui le souhaitent.

En amont du processus, les habitants regroupés dans l’association, ont su sensibiliser la population du quartier, s’allier les autorités scolaires et religieuses et un ensemble d’organisations concernées par les problèmes de logement et d’intégration des étrangers à Paris afin de faire pression sur les autorités municipales.

Au-delà de sa capacité réactive, la force de la Bellevilleuse a résidé dans sa capacité à faire des propositions alternatives. Si l’association est née dans l’opposition, sa démarche a été et reste celle de la négociation-discussion. La Bellevilleuse assure désormais le suivi de l’aménagement du Bas Belleville, « vigilance indispensable pour faire valoir l’intérêt général » et participe quotidiennement à l’amélioration du cadre et des conditions de vie des habitants.

Actions : Faire pression, proposer, contrôler

A l’origine, combattre la destruction du Bas Belleville

L’association a commandé à un bureau d’études un diagnostic économique, sociologique et architectural de l’îlot. Le résultat a été la réalisation d’un document qui plaidait pour le maintien des caractéristiques du quartier et montrait que la plupart des immeubles pouvaient être réhabilités. Une contre-expertise maison par maison établissant l’état réel du bâti, a remis en cause le grand projet de démolition-reconstruction. Dès lors, il a fallu 7 ans de procédures (succession de propositions et d’annulations) pour que le projet ZAC (Zone d’aménagement concertée) soit définitivement annulé et qu’une véritable négociation s’ouvre. En 1996, le maire de Paris Jean Tibéri reconnaît la Bellevilleuse comme interlocuteur légitime et partenaire capable d’engager une action efficace.

Le choix de la réhabilitation

L’association a joué un rôle important dans la mobilisation des habitants en insufflant le sentiment que l’espace urbain valait la peine d’être défendu. Aujourd’hui, le travail de discussion permanente, de négociations avec les pouvoirs publics se poursuit. L’association se mobilise contre la pauvreté, la précarité, pour le droit au logement, le droit à la ville, pour « faire de la politique autrement ». L’objectif est de défendre une réelle mixité sociale, en préservant les habitations : « que chacun y compris les personnes pauvres et celles d’origine immigrée, ait sa place dans la ville et dans la société ».

La Bellevilleuse a mené de front deux batailles :

  • la construction de logements sociaux en faisant pression et en contrôlant les engagements pris par la mairie (travail avec l’OPAC, Organisme public d’aménagement et de construction)

  • la réhabilitation du parc existant par l’OPAH (le Pact Arim étant maître d’ouvrage)

L’activité de la Bellevilleuse s’est réorientée vers le suivi quotidien des reconstructions, de la réhabilitation et des re-logements. Moins visible, cette action est nécessaire pour que les engagements soient tenus et que le projet ne s’enlise pas.

La permanence de la Bellevilleuse tenue par 3 salariés s’est transformée en « bureau d’assistance » urbain pour expliquer aux locataires leurs droits et leurs devoirs, donner aux propriétaires des informations sur les aides à la réhabilitation, inciter les habitants à assister aux réunions du conseil municipal et à discuter avec les élus locaux. La réhabilitation est aussi l’occasion de se mobiliser plus globalement.

Impacts : Devenir un interlocuteur compris et écouté

Des citoyens motivés sont devenus aussi pertinents que des experts gestionnaires de la municipalité. Cette question démontre que les questions de l’habitat peuvent être traitées par les habitants eux-mêmes.

La pratique de la Bellevilleuse a permis de décloisonner les interventions des différents services techniques de la Ville de Paris. Elle a permis également de faire comprendre aux élus municipaux, du moins à certains d’entre eux, que dialoguer seulement avec les services techniques ne peut pas suffire. Elle a facilité le suivi de l’opération et le contrôle des conséquences des décisions prises grâce à son rôle d’alerte.

« Avoir les pieds dans la boue » : le périmètre de travail de la Bellevilleuse se limite au Bas Belleville pour rester efficace et garder un ancrage local fort. Cette expérience a permis de mieux prendre en compte l’intérêt général et par-là même a favorisé le renforcement du lien social : elle peut rester un cas d’école ou alors être élargie et reproduite ailleurs…

Enjeux : Participer et faire participer…

Cette expérience démontre à quel point la formation et l’information sont nécessaires pour amener les populations à connaître et revendiquer le respect de leur droit au logement.

Le volet formation, échanges d’informations et d’expériences est à encourager. Cette initiative a connu un franc succès grâce au travail mené par les habitants et à l’encadrement de militants convaincus qui avaient des facilités pour s’informer et agir. Le dialogue, la concertation, et le travail en réseau peuvent faire baisser la tension, corriger les défaillances des politiques, et mettre en place des projets durables.

La Bellevilleuse a fait émerger une nouvelle pratique politique. Il s’agit d’obtenir que les élus reconnaissent et intègrent le savoir-faire et les compétences de ceux, notamment les habitants et les associations, qui sont confrontés à la réalité locale. Connaissant bien le quartier, ceux-ci sont porteurs de propositions innovantes, et souvent plus satisfaisantes que celles élaborées par les seuls administrateurs élus.

La Bellevilleuse a conscience de ses limites. Née pour une cause partagée, dans un contexte de forte mobilisation des habitants, le processus de participation n’est « jamais acquis, c’est une œuvre quotidienne, à réinventer et à remettre sans cesse en question ».

Cependant l’association est à l’origine d’un processus d’appropriation dynamique : la vie de quartier s’est enrichie avec la naissance d’associations, les propositions du conseil de quartier, la mise en place d’une régie…

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Belleville, au cœur de Paris (20ème arrondissement) a traditionnellement accueilli des populations immigrées. Ce quartier est un espace identitaire fort.

Le pacte est chargé de l’animation de l’OPAH jusque fin 2003.

Information des habitants et des médias, exposition des projets et création d’une maquette, lettres, réunions, manifestations, pétitions

« Il est toujours plus facile de dire non que de comprendre l’enjeu des propositions ». En 14 ans, l’association est passée de 10 à 350 adhérents.

7 ans de rapport de force 1990 : procédure, 1993 : annulation de la ZAC (zone d’aménagement concertée), 1994 : 2ème projet ZAC, 1995 : annulation définitive du projet ZAC, 1996 : dialogue et projet concerté

« Réhabiliter coûte plus cher que tout raser pour construire de grands ensembles »

Réhabilitation de la Forge, achetée par la ville de Paris, pour que les artistes puissent y travailler. Modernisation de l’école du 51 rue Ramponeau.

Les résultats et les objectifs :

  • Baisse de la démolition : 75% en 1990, 20% en 2003

  • Prolonger l’OPAH

  • Développement local

  • Travail avec le conseil de quartier

  • Mise en place d’une régie de quartier

  • Participation au PLU (Plan local d’urbanisme)

Une démarche qui fait des émules… ESH (Espace solidarité habitat) dans le 14ème s’est développé dans la lignée de la Bellevilleuse.

Processus de décision et de suivi réunissant :

  • pouvoir politique élu qui a un rôle d’animation, de suivi de dossiers et d’arbitre

  • experts de terrain, force de proposition et d’alerte (associations et habitants)

  • administration et services techniques, qui dialoguent avec les experts de terrain

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