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La formation au droit des paysans : l’expérience de Solidarités Paysans

2001

Solidarités Paysans, née en 1992/1993, est une branche syndicale créée à la suite d’une rencontre organisée par la Confédération Paysanne. Elle regroupe plusieurs dizaines d’associations départementales de défense des droits des paysans.

La majorité de ces associations, intitulées à l’origine pour la plupart "SOS Agriculteurs en difficultés", sont nées en 1986 suite à l’adoption d’une loi, dite "loi de faillite", instaurant la procédure de liquidation judiciaire des entreprises dans le commerce et l’industrie. Cette loi prévoyait pour les entrepreneurs en difficulté la possibilité d’avoir recours au tribunal au cours de procédures dites collectives, lorsque leur situation ne leur permettait plus de payer leurs créanciers. Le tribunal pouvait alors, après examen de la situation, soit autoriser l’entreprise à continuer sous certaines conditions, soit ordonner la fermeture de l’entreprise et sa liquidation (c’est-à-dire le calcul du montant des sommes à régler par l’entrepreneur et décider du paiement du montant des dettes si cela s’avérait possible).

Cette loi ne concernant pas à l’origine les agriculteurs, l’action des diverses associations composant Solidarités Paysans a consisté à faire pression sur les autorités publiques (la Direction Départementale de l’Agriculture) et les partenaires privés et financiers (les banques, principalement le Crédit Agricole) pour imposer son extension au monde paysan.

En 1988, le succès de l’opération se matérialise par l’amendement de la loi et l’extension de son bénéfice aux agriculteurs en difficulté. A partir de cet instant, deux systèmes vont coexister : la procédure collective de liquidation devant le juge d’une part, et le principe de la conciliation (judiciaire ou extra-judiciaire) d’autre part.

La conciliation judiciaire, dite également conciliation civile, prévoit la rencontre du paysan et de son banquier devant le juge. La conciliation extra-judiciaire quant à elle reste un accord amiable ; l’agriculteur et sa banque parviennent à un accord sans l’intervention d’un magistrat. Elle a pour avantage de permettre la survivance d’un dialogue direct entre les deux interlocuteurs (banquier-paysan) et ainsi d’éviter une radicalisation de la confrontation. Néanmoins, l’accord amiable perpétue une situation dans laquelle le créancier est en position dominante. A l’opposé, la conciliation civile devant le Tribunal de Grande Instance, permet le rééquilibrage des forces entre agriculteurs et partenaires financiers.

Aujourd’hui, même si les agriculteurs peuvent bénéficier de l’arbitrage d’un juge dans le cadre de la procédure collective, le recours à l’accord amiable pour le règlement de situations financières délicates reste encore prédominant. Toutefois, lorsque les agriculteurs sont engagés dans une procédure collective, on observe un inversement des tendances : pour 80 % de liquidations et 20 % de redressements prononcés entre 1986 et 1992, on compte aujourd’hui 80 % de redressements pour 20 % de liquidations. De plus, la nature des dettes du milieu agricole a changé : de moins en moins de paysans se trouvent en incapacité de payer.

Une évolution jurisprudentielle au profit des agriculteurs en difficulté s’est faite sentir dans toute la France.

Solidarités Paysans et l’utilisation du droit...

Le droit continue d’être l’élément moteur de l’action de Solidarités Paysans : dans un but social en matière de procédure collective dans le cas de liquidation d’exploitations paysannes ou pour maintenir l’agriculteur en faillite dans son logement ; dans un but d’information et de formation juridiques auprès des paysans en difficulté. En Charentes par exemple, des sessions pour agriculteurs en procédures collectives sont organisées afin de les aider à mieux maîtriser leur dossier. L’écoute y est privilégiée pour tenter de diminuer et d’éviter le stress que ces procédures ne manquent pas d’occasionner.

La pratique de Solidarités Paysans modifie la manière dont les agriculteurs perçoivent le droit...

L’essentiel pour Solidarités Paysans est d’Ĺ“uvrer à la démystification du droit et de parvenir à changer le rapport des agriculteurs au droit dans un milieu de tradition orale, y compris en matière de conclusion de contrats.

Dans cette optique, Jean Cadiot, secrétaire national de Solidarités Paysans, promeut auprès des agriculteurs une méthode devant leur permettre de transcrire un problème concret en langage juridique abstrait et ainsi leur donner les moyens de formuler des demandes devant les tribunaux. Un autre moyen de parvenir à changer les mentalités peut être l’organisation de rencontres, d’échanges avec des professionnels du droit.

Le résultat est probant : pour les agriculteurs engagés dans une procédure collective au contact de juristes professionnels, un "déclic" s’est produit et leur comportement vis-à-vis du droit a changé.

Solidarités Paysans cherche donc à promouvoir et imposer un autre discours : ne plus aller voir son avocat pour savoir comment faire, mais aller voir son avocat pour lui dire comment faire, pour défendre des principes plus que des articles de loi car, même si "ça ne tient pas la route juridiquement, parfois ça marche ! ", comme cette affaire de surendettement gagnée devant les tribunaux dans laquelle l’agriculteur avait invoqué des conséquences d’ordre social et de logement, alors que l’avocat en charge du dossier restait persuadé qu’un tel type de défense ne pouvait aboutir.

Key words

farmer, legal action, legal training


, France

file

Pratiques du droit, productions de droit : initiatives populaires, 2003

Source

Interview ; Internal document

Entretien avec Jean CADIOT, membre de Solidarités Paysans, jeudi 8 juin 2000

Solidarités Paysans, s/c Blanchard, 16000 Ventouse (FRANCE) - Tél. : 33 (0)5 45 22 21 16 - Fax : 33 (0)5 45 95 30 07

Juristes Solidarités - Espace Comme vous Emoi, 5 rue de la Révolution, 93100 Montreuil, FRANCE - Tél. : 33 (0)1 48 51 39 91 - France - www.agirledroit.org/fr - jur-sol (@) globenet.org

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