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Comment améliorer les conditions de travail des femmes dans l’horticulture africaine

ou quel est le véritable prix des fleurs et des plantes ?

Vanessa GAUTHIER

01 / 2008

La conférence « The Real Cost of Flowers and Veg ? Strategies to Improve Women’s Working Conditions in African Horticulture » (Le véritable prix des fleurs et des plantes ? Stratégies pour améliorer les conditions de travail des femmes dans l’horticulture africaine) a été organisée pour faire état des résultats du projet que le réseau Women Working Worlwide a mis en place sur la question depuis 2005. Ce projet a pour objectif général de donner la possibilité aux femmes qui travaillent dans les plantations horticoles de faire valoir leurs droits en tant que travailleuses.

WWW et ses partenaires en Zambie, Kenya, Ouganda et Tanzanie (1) ont ainsi mis en place depuis 2005 différentes activités : à la fois une recherche approfondie sur les filières d’approvisionnement des fleurs coupées et sur les conditions de travail en Afrique de l’Est, des actions de sensibilisation des travailleuses sur leurs droits et sur l’implication de celles-ci dans un travail de plaidoyer auprès des parties prenantes et enfin des rencontres de partage d’expériences à la fois en Afrique de l’Est mais aussi en Europe.

Le contexte international du marché des fleurs coupées

Le marché des fleurs coupées est un secteur relativement nouveau d’exportation vers l’Europe (années 1980) qui est actuellement en forte expansion. La fleur coupée est en effet passée d’un produit d’élite, relativement rare, à un bien de consommation de masse. Les pays importateurs se trouvent au Nord (surtout en Hollande qui redistribue une bonne partie des productions locales et internationales dans le reste de l’Europe mais aussi au Royaume-Uni, en France, aux Etats-Unis…).

Ses caractéristiques principales en font un marché très attractif particulièrement en Afrique de l’Est. En effet, dans ces pays, la terre est bon marché, la main d’œuvre non qualifiée est peu coûteuse et le matériel est disponible localement à moindre prix. Ce marché est essentiellement détenu par des investisseurs étrangers ; à titre d’exemple 80 % du marché des fleurs coupées en Tanzanie est maîtrisé par des étrangers. En Ouganda ce sont essentiellement des asiatiques et des Européens qui possèdent ces plantations.

Par ailleurs, le marché de la fleur coupée se caractérise par une multitude de codes de conduite et de labels qui finissent par renforcer le manque de transparence et de lisibilité pour le consommateur.

On note aussi la diminution de la présence des petits producteurs qui font difficilement face à la concurrence des grandes plantations à la fois au Sud mais aussi dans les pays européens. Leurs produits n’étant plus compétitifs, en termes de prix, ils ont du mal à écouler leurs marchandises.

Il faut relever aussi la place grandissante qu’occupent les supermarchés dans la distribution des fleurs coupées. Ces nouveaux acteurs du marché agroalimentaire mettent en avant la qualité, l’efficacité et la flexibilité et s’intéressent effectivement de plus en plus à d’autres produits, comme l’électronique, le crédit, le loisir mais aussi les fleurs coupées, notamment en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Ainsi, les pays d’Afrique de l’Est offrent pour ces derniers un réel avantage car au—delà des coûts moindres, la main-d’oeuvre est très peu organisée donc flexible à souhait.

Avec cette expansion, ce sont certes les possibilités d’emploi qui se multiplient, notamment en Afrique, mais malheureusement, ces emplois ne sont pas toujours « décents ».

Les caractéristiques générales de l’emploi dans ce secteur

La main d’œuvre est en majorité féminine (souvent jeune et sans éducation). La main- d’oeuvre migrante et temporaire est massive. L’emploi féminin est plus saisonnier et moins qualifié. Les hommes ont des contrats plus longs que les femmes et sont plus souvent amenés à se déplacer. Les femmes sont moins rémunérées et moins protégées. L’employeur ou « courtier » entretient souvent une relation paternaliste avec ses employées.

Les conditions de travail ne sont pas toujours mauvaises. Souvent des travailleurs et travailleuses qui ont des conditions décentes de travail (avec souvent un niveau d’éducation assez élevé) côtoient ceux et celles qui sont exploité-e-s et dont les droits sont bafoués. Ce sont souvent les employés temporaires qui sont abusés.

Or les audits restent souvent insuffisants pour révéler la présence des deux cas de figure et ne prennent pas en compte les cas de violations des droits humains.

Les constats en Afrique de l’Est

Les recherches du projet de WWW et de ses partenaires se sont basées sur 11 plantations en Zambie, 19 au Kenya, 15 en Tanzanie, 21 en Ouganda.

Les résultats montrent des tendances similaires dans les 4 pays. Entre autres :

  • Les employeurs préfèrent employer des femmes, plus flexibles

  • Les travailleuses permanentes ont des contrats en bonne et due forme alors que les travailleuses temporaires ne peuvent pas faire valoir leurs droits

  • Le nombre de travailleuses temporaires dépend entièrement de la demande et de la saison

  • Le congé maternité n’est possible que pour les travailleuses permanentes

  • Les travailleuses sont confrontées à des problèmes de sécurité importants (utilisation de pesticides pendant les heures de travail) sans être informées des risques qu’elles encourent, l’environnement est également touché.

  • De nombreux cas de harcèlement sexuel ont été signalés (mais les travailleuses n’osent en parler)

  • La législation nationale est souvent insuffisante pour protéger les droits des travailleuses (au Kenya, il n’a pas de salaire minimum) ou elle n’est pas appliquée (Tanzanie), elle a été améliorée en Ouganda mais reste en dessous des standards internationaux de l’OIT

  • Les syndicats sont très faibles dans ce domaine

  • Les travailleuses ne sont pas conscientes de leurs droits (93 % en Ouganda) et ne sont pas organisées en syndicats (77 % en Ouganda au début du projet)

  • Il n’y a pas de traitement particulier pour les femmes enceintes

  • La promotion dépend de la relation que les travailleuses entretiennent avec la hiérarchie

Les recommandations générales

Pour répondre à ces problèmes, différentes solutions existent : les approches volontaires des entreprises (codes de conduite), mais ces dernières ont montré leurs limites à cause notamment de systèmes de contrôle insuffisants, la législation (suivi, enregistrement des plantations, contrôle externe…) : cette solution n’est pas non plus satisfaisante car le marché des fleurs coupées est fortement infiltré par des réseaux d’économie informelle et reste donc en partie invisible.

Les deux solutions sont complémentaires.

Le projet de WWW et de ses partenaires a permis d’améliorer la situation, grâce notamment à une meilleure sensibilisation parmi les travailleuses, à un dialogue amélioré entre employées et employeurs, à un renforcement des capacités des femmes à s’organiser et à faire valoir leurs droits. On peut citer en exemple la formation d’un nouveau syndicat en Ouganda. Cependant, il reste beaucoup à faire.

La principale demande est la reconnaissance pleine et entière des syndicats sur les plantations de fleurs coupées. D’autres propositions ont été avancées :

  • S’appuyer sur les recherches effectuées dans le cadre du projet WWW pour aider les travailleuses à faire valoir leurs droits

  • Multiplier les recherches pour donner d’avantage de crédibilité aux actions de plaidoyer

  • Appuyer la société civile localement (syndicats et ONG)

  • Impliquer les gouvernements concernés et les organisations inter-gouvernementales (notamment l’OIT)

  • Faire appel aux réseaux internationaux quand les activités de défense des droits échouent localement

  • Changer les méthodologies d’audits (en impliquant les syndicats)

  • Renforcer les législations nationales et régionales

  • Allier une approche volontaire et à un système de régulation

  • Sensibiliser les travailleurs à l’aide de documents pédagogiques, d’ateliers de réflexion sur les lieux de travail, d’échanges entre les pays concernés

  • Communiquer auprès des médias, des décideurs politiques et des travailleurs

  • Mettre en application les codes existants (FLP : Flower Label Programm, FFP : Fair Flowers Sale)

  • Créer un espace politique pour les travailleurs et travailleuses, sans appeler au boycott de fleurs coupées.

D’autres initiatives et stratégies ont été présentées au cours de la conférence :

1 Workers’ Education Association Zambia, Tanzania Plantation and Agricultural Workers’ Union, Uganda Workers’ Education Association, Kenya Women Workers’ Organisation

Key words

working conditions, horticulture, women's rights, women work, international trade, information campaign


, East Africa

file

Defending Womens’ Rights in the Workplace in Developing Countries

Notes

Cette fiche a été rédigée à partir du Compte-rendu de la conférence de Women Working Worlwide à Londres, le 2 octobre 2007

The Real Cost of Flowers and Veg? Strategies to Improve Women’s Working Conditions in African Horticulture. http://www.poptel.org.uk/women-ww…

Source

Report

War on want, Growing pains, the human cost of cut flowers in British supermarkets, 2007

Riisgaard Lone, What’s in it for labour? Private social standards in the cut flower industries of Kenya and Tanzania, Danish Institute for International Studies, 2007

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