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dialogues, proposals, stories for global citizenship

Une commission de communication pour gérer les conflits permanents entre locataires et propriétaires en RDC

Une association réalise volontairement de la médiation paritaire logement pour éduquer à la paix

Ildephonse KASIHO

03 / 2008

A l’origine du projet

Ce projet est né d’une prise de conscience des locataires de la commune Ruashi de leurs conditions de vie inhumaines, de leur exploitation et de l’humiliation par les propriétaires des logements locatifs.

 

Objectifs et enjeux

1 Éduquer et informer les locataires sur leurs droits et devoirs

2 Sécuriser les locataires contre la hausse incontrôlée des loyers

3 Lutter pour la dignité du locataire et la stabilité de sa famille

4 Contribuer à la résolution pacifique des conflits entre locataires et propriétaires

5 Faciliter l’accès au logement locatif

6 Faciliter l’accès à la propriété du logement.

 

Philosophie du projet et création d’une commission de communication

La philosophie de ce projet est d’apporter assistance aux locataires dans leurs rapports avec les propriétaires et l’administration. Il défend leurs intérêts et veille à ce que les bailleurs procèdent à leur égard conformément au droit et a l’équité. Il les assiste dans tout ce que le langage juridique peut avoir d’obscur, les protège de l’arbitraire et de la partialité de certaines applications juridiques. Il agit pour faire connaître les normes juridiques relatives au bail et pour promouvoir leur application. Le projet aide le locataire ou le bailleur lorsque l’un d’eux pense être l’objet d’une injustice ou d’un traitement inacceptable de la part de son partenaire.

A l’issue d’une réunion, le conseil d’administration avait décidé de mettre sur pied une commission de communication dont le mandat était de :

  • Prendre contact avec les autorités locales et les responsables des institutions religieuses afin de les tenir informés de l’existence du projet et de sa mission ;

  • Identifier et sensibiliser les locataires sur leurs problèmes, les convaincre de leurs droits socioéconomiques et les informer de la législation du bail en vigueur en République Démocratique du Congo ;

  • Enquêter sur les causes de leurs problèmes ;

  • Susciter et stimuler leur adhésion à l’association.

Les Activités exercées par la commission de communication

Après ses premiers contacts avec les autorités du quartier Bendera de la commune Ruashi, la commission fut enrichie par 2 unités volontaires. L’adhésion de ces habitants du quartier aux objectifs de la commission de communication facilita l’identification des locataires ainsi que les enquêtes sur leurs problèmes particuliers de logement. Au cours des entretiens de sensibilisation, les locataires fournirent des informations alarmantes présentées en détail dans le rapport de la commission. Certains entretiens durèrent environ une heure. Cela demandait plus de temps et d’efforts aux membres de la commission qui faisaient du porte à porte sans un quelconque moyen matériel. Pour ne pas frustrer ces locataires qui avaient trouvé pour la première fois une occasion de se défouler, les membres de la commission proposèrent au comité d’organisation d’ouvrir un bureau d’écoute et de gestion des conflits entre locataires et propriétaires. Cela fut fait rapidement, et grâce à l’adhésion volontaire de deux autres habitants du quartier, une commission de conciliation fut créée pour assurer la permanence. En même temps que le fonctionnement du bureau ou de la permanence, les membres de la commission de communication continuèrent leurs contacts avec les responsables paroissiaux et les autres chefs de quartiers. A l’unanimité, tous les responsables de paroisses locales collaborèrent avec la commission. Sur ce, ils acceptèrent de lire et de commenter notre communiqué de sensibilisation des locataires après leurs cultes.

Après les contacts avec les responsables des paroisses, les chefs des quartiers et le Bourgmestre de la Commune Ruashi, d’autres contacts furent pris avec les Bourgmestres de deux autres communes de la ville de Lubumbashi à savoir : la Commune Kenya et Kampemba. Au terme des entretiens positifs sur les objectifs du projet, ils nous encouragèrent et promirent de collaborer afin d’harmoniser les rapports entre locataires et propriétaires dans leurs communes respectives.

Activités exercées par la commission de conciliation de la commune Ruashi : information et éducation des locataires sur leurs droits et devoirs

Depuis le lancement des activités de la commission, plusieurs locataires sont passés au bureau pour se renseigner sur un certain nombre de problèmes parmi lesquels, nous citons les modalités de versement et de remboursement de la garantie locative, le payement du loyer, la durée légale du préavis, les modalités de payement des charges d’électricité et de l’eau… Etant donné que la mission première du projet consiste à informer et à éduquer les parties prenantes au bail, les précisions furent fournies à tous ceux qui en avaient besoin. Quelques documents juridiques mal connus par la population nous servaient de support pour nos activités d’éducation, de sensibilisation et de mediation. Il s’agit entre autres du contrat de bail, modèle unique et de quelques communiqués officiels parus dans les journaux.

Aperçu des affaires traitées

Plusieurs problèmes ont été traités par la commission de conciliation au cours de l’année 2006. Nous allons vous présenter tour à tour leurs statistiques et nous ferons allusion aux consultations et médiations que nous avons faites.

  • Statistique des affaires traitées :

Depuis l’installation de la commission de conciliation de la commune Ruashi, 44 cas ont été traités parmi lesquels 36 étaient posés par les locataires et 8 par les propriétaires. La majorité des cas posés par les locataires avaient trait à la résiliation abusive du contrat locatif et à la restitution de la garantie locative. A ce propos, plus ou moins 32 cas sur 36 avaient été enregistrés, soit 88%. Les autres cas avaient trait à la préoccupation de jouir d’un préavis légal. A ce stade, 4 cas sur 36 avaient été enregistrés, soit 11% des cas soumis par les locataires. Quant aux plaintes présentées par les propriétaires, elles avaient trait globalement à la mauvaise foi de leurs locataires qui se traduisait notamment par le mauvais maintien de la maison.

  • Les consultations des parties au conflit :

Au niveau des consultations, nous utilisions trois procédures : nous avions eu à descendre sur le terrain chez les familles pour y chercher des informations nécessaires, ou alors nous envoyions des invitations aux personnes concernées afin de les entendre au bureau. En cas de refus, et c’était souvent le cas, nous nous décidions de suivre l’intéressé dans sa famille pour lui apporter nos informations en la matière, nos conseils et notre éducation à la paix. Enfin, nous recevions des locataires et des propriétaires qui venaient solliciter des informations et des conseils afin de tenter de régler eux-mêmes le conflit existant ou potentiel.

  • La médiation :

Notre médiation consistait en rapprochement des vues entre les parties lorsqu’il y avait rupture de dialogue entre elles. Par une approche méthodique reposant sur des consultations et des négociations, les membres de la commission de conciliation usaient de toute leur diplomatie et patience pour convaincre les 2 parties à se retrouver autour d’une même table (notre bureau ou chez l’une des parties) en vue d’abord, de reprendre le contact, ensuite d’amorcer le dialogue et enfin de trouver des solutions qui les mettaient d’accord en vue de restaurer la fraternité, la convivialité et l’entente.

  • Quelques cas litigieux :

Nous considérons comme cas litigieux tous les cas auxquels nous n’avons pas pu apporter une solution conciliante. Pour la plupart, c’étaient des cas où les arrangements entre locataires et propriétaires n’étaient pas écrits. Tout avait été convenu verbalement sur base d’une confiance réciproque. En cas de conflit, notre peine consistait à croire ou à ne pas croire aux déclarations contradictoires soutenues par les deux parties quant à ce qui concerne l’état des lieux, la valeur de la garantie locative etc.

Données pratiques

Échelle territoriale : Commune Ruashi

Public cible : Locataires des maisons des particuliers

Acteurs du projet : L’association pour la Paix et le Bien-être des locataires - Le service communal de l’urbanisme et de l’habitat - Les Chefs des quartiers de la Commune Ruashi - Les pasteurs des Églises protestantes et les curés des paroisses catholiques.

Durée actuelle : 8 ans

Résultats actuels : Locataires et propriétaires de la ville de lubumbashi sensibilisés sur leurs droits et devoirs - Expression des locataires en difficulté libérée - Espace de règlement des conflits à l’amiable disponibilité - Conflits réglés à l’amiable entre certains locataires et propriétaires - Prise de conscience du problème du logement par les autorités politiques.

Source de financement : Cotisation des membres

 

10 Principes de Bonne Gouvernance

10 Questions ont ensuite été posées lors de cet entretien pour mieux comprendre comment cette expérience peut s’approcher des principes de Bonne Gouvernance énoncés par {l’Alliance pour un monde responsable, pluriel et solidaire en juin 2001 in «Les principes de la gouvernance au XXIe siècle» et ce afin d’échanger ces pratiques avec celles du Congo en matière d’habitat et de gestion des déchets.

1-Se fonder sur une approche territoriale et le principe de subsidiarité

Cette initiative découle d’une prise de conscience des habitants locataires de la commune Ruashi de leur situation inconfortable, situation à laquelle ils ont cherché à apporter une solution équilibrée. Pourquoi aller voir tout le temps le bourgmestre de la commune pour toute incompréhension ou malaise, au lieu de dialoguer afin de nous entendre ? L’élaboration par les habitants des mécanismes de gestion de conflit relatif au bail, la collection et l’exploitation des textes juridiques souvent monopolisés par les institutions publiques, l’encouragement de ces derniers par les autorités locales, en particulier les chefs des quartiers et les bourgmestres des communes, est une parfaite reconnaissance et une illustration du principe de subsidiarité.

2-Instituer un dialogue au sein de communautés plurielles

Les locataires constituent une catégorie sociale diversifiée du point de vue économique, religieux, politique, matrimonial, générationnel et culturel. Raison pour laquelle, les porteurs de ce projet avaient réussi à faire passer leur communiqué dans différentes paroisses et églises locales, voir même dans différentes couches de la population. Que ce soit les jeunes, les personnes âgées, les femmes, les hommes, les fonctionnaires de l’Etat, les chômeurs, les riches, les pauvres, les célibataires, les veufs, les mariés, les nationaux autant que les étrangers, eh bien tout le monde était attentif au message et encourageait à sa manière l’initiative. “Il faut mettre de l’ordre dans ce domaine disait-on ça et là”. Bref, la situation de locataire les unissait, même si chacun vivait son problème à sa manière, le dialogue était voulu.

3-Gérer les ressources naturelles et remettre l’économie à sa juste place

Sans objet

4-Se fonder sur une éthique universelle de responsabilité

Dans le cadre de ce projet, l’éthique universelle de responsabilité s’explique par le fait que les locataires n’estiment pas qu’ils ont toujours raison face aux propriétaires. De fois c’est justement le contraire. Un dialogue franc, modéré par une personne neutre a plusieurs fois favorisé un échange transparent et un établissement des comptes impartial .L’esprit de gagner au détriment de l’autre ne fait pas partie de la philosophie de ce projet. Bref, en cas de compréhension, se traduisant éventuellement par la signature d’un accord sans animosité et par le rétablissement d’un climat de convivialité, tout le monde gagne en temps et en relation.

5-Définir un cycle d’élaboration de décision et contrôler les politiques publiques

La complexité du problème de logement dans la ville de Lubumbashi, l’absence de logements sociaux ou publics ont mis l’Etat dans une situation d’impuissance à organiser un dialogue autour d’une question qu’il devrait résoudre lui-même. Voilà pourquoi des dialogues personnalisés ou informels sont facilités par le projet, question de se prendre en charge, en attendant que l’Etat trouve une réponse durable en la matière.

6-Organiser la coopération et les synergies entre acteurs

L’encouragement des porteurs de ce projet par les autorités locales, le transfert qu’elles font de certains cas litigieux au niveau de l’association pour faciliter un règlement à l’amiable, la mise à disposition des documents juridiques par ces dernières aux membres de l’association, témoigne d’une coopération entre acteurs. De même, l’orientation des nouveaux locataires et bailleurs à respecter les règles du bail, constitue à notre humble avis une preuve de synergie entre les parties prenantes.

7-Concevoir des dispositifs cohérents avec les objectifs poursuivis

Sans objet.

8-Maîtriser les flux d’échange des sociétés entre elles et avec la biosphère

Le désamorçage de plusieurs conflits entre locataires et propriétaires par une structure communautaire est une preuve d’une valorisation du savoir–faire des habitants. Du reste, la coopération et la synergie entre acteurs du projet, résulte d’une bonne communication. En conséquence, les locataires auxquels les propriétaires reprochent de ne pas s’occuper de la salubrité des logements qu’ils louent, s’en occupent désormais à partir du moment où ils sont bien informés sur leurs responsabilités. Du point de vue de la biosphère, c’est un plus.

9-Gérer la durée et savoir se projeter dans le temps

Le projet ci-présent avait bénéficiait d’un démarrage aisé, suite à la présence de personnes motivées à l’époque et des encouragements provenant de toute part. Malheureusement, en moins de 2 ans, le problème du logement s’est aggravé dans la ville de Lubumbashi, suite à une immigration inouïe. En ce moment, si un locataire ose se plaindre, cela constituera une bonne nouvelle pour un autre, qui est prêt à accepter n’importe quelles conditions pourvu qu’il ait un toit pour son ménage. La demande en logement est très très forte ! La réflexion est celle de savoir maintenant s’il faut taire le problème et laisser tout locataire se soumettre (comme c’est redevenu le cas) ou s’il faut faire pression sur l’Etat pour qu’il construise des logements sociaux. Certes, ce fut une promesse de campagne électorale dont les gens attendent la réalisation. Le projet vise donc à être durable, en dépit des conditions critiques. Dans l’entre temps, une stratégie d’adaptation à la situation présente doit être pensée, ce qui donne l’impression de l’arrêt du projet, alors que…

10-De la légalité à la légitimité de l’utilité, des valeurs, des méthodes

La légitimité de ce projet n’est plus à démontrer, compte tenu du soutient moral dont il bénéficie. Personne n’aime vivre éternellement en conflit. La réalité urbaine impose même à un propriétaire d’abandonner sa propre maison et de redevenir locataire en cas de mutation professionnelle vers une autre ville. Cela étant, il y aura toujours des locataires et des propriétaires dans toutes les villes du monde. Ces deux groupes ayant des intérêts contradictoires, il faudra toujours avoir une structure de médiation afin de maintenir l’harmonie et la paix sociale dans la société.

Key words

mediation, mediation for peace, access to housing, housing management, governance, active subsidiarity


, Democratic Republic of the Congo, Ruashi

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Bonne Gouvernance en matière d’habitat et de gestion des déchets

Comments

Malgré les difficultés rencontrées dans la mise en Ĺ“uvre de ce projet, son fonctionnement n’avait pas posé de problème car il répondait à un besoin social. Il peut facilement être reproduit dans chaque ville.

Questions que pose cette expérience :

1 Qu’attendent les autorités de la RDC pour répondre à un besoin fondamental de la population comme le logement ?

2 Quelle sera la qualité de la bonne gouvernance dans un milieu où il y a déficit des organismes communautaires ?

3 Si l’Etat Congolais n’élabore pas une politique d’appui des organismes communautaires, comment survivront-ils ?

Notes

Cette fiche a été élaborée dans le cadre d’un échange d’expériences sur les pratiques de Bonne Gouvernance en matière d’HABITAT et de GESTION DES DÉCHETS entre le Congo et la Belgique en 2007 et 2008.

Source

Interview

Entretien avec

  • le permanent de l’APBL, Kasiho Masikilizano, Membre de l’APBL

Tél : 00243 812532226 - Mail : Monsieur Ildephonse Kasiho

  • Chef de Quartier Bendera, C/ Ruashi, Monsieur Kazadi

Tél : 00243 997122661

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