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Campagne « Tescopoly » : Qui paie le prix fort ?

Peuples Solidaires

07 / 2010

En 2001, Tony Blair, alors Premier Ministre de Grande-Bretagne, déclare que les supermarchés anglais « tiennent les agriculteurs entre leurs mains ». Ces multinationales contrôlent en effet 80% du marché alimentaire et, en tant qu’acteurs les plus puissants dans le commerce alimentaire et tout au long de la chaîne, sont en mesure de dicter les conditions, les termes et les prix à leurs fournisseurs. Des enquêtes et des témoignages récoltés par des organisations de la société civile indiquent que le succès de Tesco, l’une des multinationales de la grande distribution au Royaume-Uni, repose en partie sur des pratiques commerciales qui ont des conséquences fâcheuses sur leurs fournisseurs, leurs salariés à travers le monde, sur les agriculteurs et sur le commerce de proximité et l’environnement. Une alliance regroupant associations de solidarité internationale, syndicats et mouvements paysans a décidé de faire connaître cette situation et de campagne pour réguler les pratiques de la Grande distribution.

Tesco, le géant anglais

Tesco contrôle aujourd’hui plus de 30% du marché de l’épicerie alimentaire au Royaume-Uni. En 2009, cette chaîne de supermarchés annonçait 3 milliards de profits.

Tesco est présent à travers le monde dans 13 pays grâce à sa stratégie d’expansion : en novembre 2007, Tesco a d’ailleurs annoncé que d’ici 10 ans, plus de la moitié de ses revenus proviendrait de ses activités en dehors du Royaume-Uni, contre un quart actuellement.

Après un développement progressif en Irlande et l’échec de son implantation en France, dans les années 90, Tesco a entamé, à la fin de cette décennie, une expansion rapide dans les pays dits émergents se concentrant sur l’Europe de l’Est et l’Asie du Sud-est. La multinationale a réussi à devenir l’un des acteurs clés de la distribution dans la plupart de ces pays et est finalement entrée sur le marché américain en 2007. Elle tente actuellement de se développer en Inde. Cependant, la majorité des magasins Tesco sont situés au Royaume-Uni, environ 2 000 magasins sur près de 3 500 au total (chiffres en 2007).

Tesco n’est pas seulement un acteur clé dans l’épicerie et l’alimentaire. Au Royaume-Uni, 25% des vêtements sont achetés chez Asda (autre géant de la grande distribution) et chez Tesco. De telles parts de marché leur donnent un pouvoir immense sur le marché et en particulier sur celui du marché du textile.

Les pratiques d’un géant

De plus en plus souvent, si les fournisseurs veulent avoir accès au marché du Royaume-Uni, ils doivent négocier avec les supermarchés anglais. Ces derniers usent de leur pouvoir en tant qu’acheteur dominant sur le marché (buyer power) pour imposer aux fabricants et aux agriculteurs de baisser leurs prix, de livrer leurs biens de plus en plus rapidement et dans des délais de plus en plus courts.

Cette pression est répercutée sur les salariés de ces entreprises à travers la baisse des salaires, l’insécurité du travail et des conditions de travail dégradées.

Une enquête d’Action Aid publiée en 2007 démontre que les femmes au Bangladesh qui fabriquent des vêtements pour Tesco et Asda gagnent 6 centimes d’euros par jour sur des journées de travail pouvant aller jusqu’à 14 heures.

Des salariés au Costa Rica, travaillant dans les plantations de banane destinées à être vendues dans les supermarchés de Tesco, gagnent à peine 35centimes d’euros de l’heure, un salaire si bas qu’ils ne peuvent même pas se permettre de prendre une heure de pause quand de dangereux pesticides sont épandus sur les bananiers. Les salaires ont baissé dans ce secteur et la précarité a augmenté depuis que les supermarchés se sont lancés dans une guerre des prix de la banane.

Les syndicats anglais expriment leurs inquiétudes pour les salariés au Royaume-Uni. Les salaires et les conditions de travail peuvent, selon eux, être négativement affectés par la rupture d’un contrat avec un fournisseur ou par la délocalisation à des fins de réduction des prix. Dans la ville de Chard en 2006, des syndicalistes du GMB (syndicat anglais) ont organisé une manifestation devant le supermarché Tesco de la ville pour protester contre la rupture d’un contrat avec une entreprise ayant entraîné la suppression de 850 emplois dont 500 pour la ville de Chard.

Le développement de la grande distribution a aussi un impact sur l’environnement. La disparition des petites épiceries et des magasins de proximité a entraîné une utilisation croissante de la voiture. Au Royaume-Uni, un trajet en voiture sur dix a pour objet l’achat de biens alimentaires. La DEFRA (Departement for environment, food and rurals affairs), une agence gouvernementale responsable de la protection de l’environnement et du suivi des normes alimentaires suggère que l’utilisation de la voiture comme mode de transport pour faire son « shopping » engendre un coût de près de quatre milliards et demi d’euros par an pour la société en terme d’émission de CO2, de bruits, d’accidents et d’embouteillage. La taille des supermarchés Tesco pose aussi un problème dans le domaine de l’énergie. Les déchets et le gaspillage sont aussi parmi les problèmes soulevés.

Une alliance inédite

En 2000, la Commission de la concurrence du Royaume-Uni publie un rapport sur les pratiques injustes, inéquitables et jugées anti-compétitives de la Grande distribution. Le rapport relève 52 types de pratiques abusives. La réponse apporté par l’OFT (Office for Fair Trading), un organisme gouvernemental en charge de la protection des intérêts des consommateurs, a consisté à mettre en place un code de conduite volontaire. La plupart des douze principales recommandations de la Commission de la concurrence ont été affaiblies. Un suivi réalisé un peu plus tard par l’OFT montre que la plupart des pratiques identifiées en 2000 sont toujours appliquées et une étude conduite par les Amis de la terre (UK) en 2003 démontre qu’il est toujours imposé aux agriculteurs des délais de paiement allant au-delà de 30 jours après la facturation, des coûts de transports ou d’emballage augmenté en raison de modification des demandes des supermarchés et le remboursement des invendus.

L’alliance qui a lancé la campagne et le collectif Tescopoly s’est créée en 2005, notamment en réponse à ce constat. L’objectif est de mettre en lumière et en question l’impact négatif de Tesco et de ses pratiques sur toute la chaîne des fournisseurs à l’échelle nationale et internationale, sur le commerce de proximité, la vie en communauté et l’environnement. La campagne vise, à travers l’exemple de cette multinationale, à obtenir une législation nationale et une régulation internationale des pratiques de la Grande distribution.

L’originalité de cette alliance réside dans la diversité de ses membres : par leur taille (de grandes ONG internationales à des petits mouvement de la société civile) et par leurs priorités (syndicats, associations de solidarité internationale, de protection de l’environnement, de consommateur…).

L’alliance Tescoploy se mobilise ainsi que ses réseaux pour obtenir:

  • des lois qui protègent les droits des salariés au Royaume-Uni et dans le monde

  • un « chien de garde » indépendant avec des pouvoirs pour protéger les consommateurs, les agriculteurs et les petits commerces

  • l’arrêt de l’expansion des supermarchés

  • un code de conduite légalement contraignant.

Les membres de Tescopoly sont : Banana Link, Friends of the Earth, GMB London, Labour Behind the Label, Nef (The new economics foundation), the Small and Family Farms Alliance et War on Want.

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