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La recherche en Afrique: nécessité ou mirage?

Le sud a t-il son mot à dire ?

Théo DELPONT-RAMAT

05 / 2011

Malgré les difficultés, la recherche scientifique existe sur le continent africain. Certains pourraient s’interroger : pourquoi consacrer des fonds à la science quand les besoins fondamentaux d’une population ne sont pas satisfaits ? Justement parce qu’une recherche africaine peut apporter des solutions efficaces.

En Afrique, les projets de recherche se concentrent en priorité dans le domaine agricole afin de repousser le spectre de la famine et d’améliorer les rendements. Il ne viendrait à l’idée de personne de construire aujourd’hui un accélérateur de particules en Afrique. Question de priorité, question aussi de moyens. «Le Sénégal est un pays très rural. Il est important de répondre aux besoins de notre pays, et ces besoins sont agroalimentaires, explique le professeur Samba Sylla, spécialiste en microbiologie des sols et responsable du département de biologie végétale à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal). J’ai malheureusement parfois plus le sentiment de travailler pour les revues spécialisées dans lesquelles je publie que pour la population de mon pays.» Pour ce professeur, le développement de la recherche en Afrique est avant tout une question de moyens: «Même dans la recherche appliquée nous manquons de moyens, de matériel et d’infrastructures.» Pour remédier à ces difficultés, les universités ouest-africaines multiplient les partenariats avec des laboratoires étrangers. «Principalement français mais de plus en plus aussi avec d’autres pays, souligne-t-il. Sinon, nous passons par des entreprises privées. Séquencer de l’ADN en Corée du Sud est beaucoup moins cher et plus rapide qu’au Sénégal.» Financer un projet de recherche relève par ailleurs du parcours du combattant. Il faut souvent combiner fonds publics, aides internationales et accords de partenariat avec des laboratoires plus modernes.

Une barrière linguistique

Mais les chercheurs africains ne veulent surtout pas être le parent pauvre de la recherche mondiale, celui qui récupère les restes et boit les paroles de chercheurs disposant de matériel plus avancé et de moyens. Pour Abdul Hakeem Ajijola, conseiller régional pour l’Afrique de l’ouest et l’Afrique centrale du Centre de recherche pour le développement international (CRDI), les problématiques africaines ne peuvent être l’objet de recherches faîtes par le Nord. «Les chercheurs occidentaux, bien qu’experts dans leur domaine, n’ont pas la culture africaine nécessaire. Des questions, prioritaires ici, pourraient leur paraître tout à fait secondaires.» Les langues dans lesquelles sont écrites les publications scientifiques posent également problème. «Un article écrit en Uruba (l’une des langues nationales du Niger) apportera une compréhension différente du problème car les modes de pensée changent en fonction de la langue utilisée », renchérit le conseiller. La recherche africaine est prise dans un véritable étau linguistique. Dans de nombreux pays d’Afrique noire, les sciences sont encore enseignées dans la langue administrative héritée de la colonisation, alors que la majorité de la population ne parle qu’une langue nationale. L’obligation de publier en anglais corse un peu plus les choses, isolant encore davantage le monde de la recherche. Au croisement des influences politiques, économiques et culturelles, la recherche africaine se cherche encore une identité. Elle doit trouver les moyens pour concrétiser les espoirs qu’elle suscite et ne pas devenir un luxe absurde.

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