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De la prise de responsabilités dans une association intervillageoise de développement au choix de suivre un stage d’alphabétisation

L’itinéraire de deux membres actifs de l’ORDIK

Anne FONTENEAU

10 / 1994

Durant l’année 1994, un stage d’alphabétisation en soninke a été proposé aux responsables de l’association intervillageoise ORDIK (Organisation Rurale pour le Développement Intégré de la Kolimbine)basée à Kabate (Mali). Il s’est déroulé au Sénégal grâce à l’appui du CEFP de Bakel (Centre d’Echanges et de Formation Pratique)et a regroupé pendant deux périodes d’une vingtaine de jours chacune, treize personnes, soit responsables du Comité, organe de décision de l’association, soit personnes ressources issues des villages adhérents et associées au travail des commissions thématiques. Tous chefs de famille, âgés de 30 à 45 ans pour le plus vieux, ils n’avaient pas jusqu’alors eu la possibilité d’apprendre à lire et écrire, leur zone ne possédant aucune école pendant la période coloniale, ni après l’indépendance, lorsqu’ils étaient enfants. Certains d’entre eux étaient d’anciens migrants parlant le français, sachant transcrire par écrit quelques chiffres et quelques mots dans cette langue. Mais tous avaient délibérément fait le choix de quitter famille et occupations habituelles pour plus d’un mois plutôt que de suivre les cours régulièrement dispensés dans leur village. La formule intensive leur est apparue comme le meilleur moyen pour une concentration optimale, loin des dérangements quotidiens et pour un apprentissage rapide. A raison de six heures par jour, l’écriture et la lecture ont été abordées de façon approfondie. Quant au calcul, les quatre opérations ont été étudiées : addition et soustraction avec retenues, multiplication, division simple. A l’issue de la formation, les stagiaires ont été soumis à un test d’évaluation. Sur treize participants, deux seulement ont obtenu des résultats insuffisants, ce qui illustre la force des motivations initiales. Pour Fodie Kanoute, être alphabétisé, c’est accéder à l’autonomie personnelle mais aussi contribuer à celle de l’association qui ne peut qu’être consolidée par la présence de membres plus formés et donc plus compétents. Fodie déclare : "Ca nous a apporté beaucoup. Il faut savoir que quelqu’un qui a 40 ans, qui n’a jamais été à l’école, qui a fait un mois pour écrire et lire et qu’il arrive à écrire son nom ou le nom de quelqu’un, vraiment, c’est très important." Quant à Douga Diakité, il a découvert grâce à l’action alphabétisation de l’ORDIK dans les villages que le soninke n’était pas condamné à l’oralité, qu’il pouvait être couché sur papier. C’est ce qui l’a incité à essayer par lui-même ce que d’autres avaient réussi avant lui. Tous les deux avouent avoir déjà ressenti les effets positifs des efforts qu’ils ont consentis. Responsable de l’entreprise puits de l’association, Fodie suit mieux et seul désormais, l’approvisionnement des chantiers et les fluctuations des stocks en notant le tout dans un dossier. Douga, gestionnaire de la coopérative agricole de Kabate se sait maintenant plus efficace. Ils sont convaincus de l’utilité de l’alphabétisation et prêts à communiquer leur enthousiasme : Fodie compte participer aux cours d’alphabétisation correspondant à son niveau, dispensés dans son village pendant la saison sèche et encourage sa femme à poursuivre ceux qu’elle a débutés la campagne précédente. Quant à Douga, il n’est plus hostile à l’alphabétisation en soninke pour ses enfants inscrits à l’école coranique. Le tabou de l’incompatibilité entre instruction et éducation religieuse est en train d’être sérieusement ébranlé. Mieux, pour Douga, avoir fréquenté la medersa, c’est ne pas être tout à fait novice dans l’apprentissage d’une langue donc avoir peut-être plus d’atouts pour aborder l’alphabétisation en langue locale.

Key words

elimination of illiteracy, communication, autonomous development, community development, development history, national language, community organization, education and social change


, Mali

Comments

Si les bénéfices d’un tel stage semblent indéniables, il est clair aussi que les acquis d’un mois de formation nécessitent d’être renforcés. Les deux participants rencontrés expriment eux-mêmes ce besoin et souhaitent une formation complémentaire pour pratiquer ce qu’ils ont appris et surtout aller plus loin, notamment en calcul.

Source

Interview

FONTENEAU, Anne; KANOUTE, Fodie; DIAKITE, Douga

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