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Comment affronter les 500 ans à venir ? Mémoire et projet des Indiens du Mexique

Sébastien LE RAY

06 / 1997

Face à la célébration du 5ème Centenaire, le mouvement indigène mexicain apparaît divisé, malgré quelques manifestations symboliques qui ont eu du mal à voir le jour. Martine Dauzier, de l’Université de Paris XII, Val de Marne, s’intéresse plus partculièrement à des communautés du Guerrero, Morelos et Oaxaca. Il en ressort un sentiment de perpétuation de l’exploitation qui change de tête (les Etats-Unis ont repris le flambeau des Espagnols). La lutte se veut ouverte à des alliés non indiens mais avec une forte dominante nationaliste.

Octobre 1992 marque l’avènement d’une commémoration sur fond de polémique et de divergence particulièrement au Mexique, même dans les sphères officielles. Les voix qui se font le plus entendre à ce sujet sont celles des intellectuels. Pour étayer ses dires, l’auteur rappelle l’existence d’un grand nombre d’organismes, d’instituts anthropologiques, de conférences... Mais la question qui se pose est celle de leur représentativité.

La réaction indienne face à ce 5e Centenaire arrive au Mexique bien plus tardivement que celle de la Bolivie et de la Colombie, amorcée depuis 1989. Le conseil mexicain "500 ans de résistance indienne et populaire" se forme en juillet 1990 au siège d’un syndicat indépendant, surtout présent dans les zones indiennes du Chiapas : le CIOAC. Dès le début, c’est le principe d’union qui domine et le comité passe en un an de 19 organismes à plus d’une centaine (indiens et non indiens). Des liens sont même tissés au niveau international (intérêt pour les références aux luttes de libération nationale, aux projets des organisations onusiennes...); on redécouvre la place du Noir dans la société. Ces échanges avec l’extérieur ont aussi pour vocaton d’empêcher tout risque de marginalité.

Et pourtant les divisions subsistent et le mouvement indien mexicain apparaît éclaté : la plupart des organisations importantes n’intègrent pas le conseil du fait de différences ethniques, culturelles, de manipulations politiques... Pour Martine Dauzier, il faut dépasser les querelles d’appareil et de personne afin de permettre une autre commémoration. Elle cite en exemple les cérémonies du "Dia de la Raza", le 12 octobre (qui a été un temps, avant l’époque de Cardenas, le jour de la Découverte de l’Amérique)qui deviendraient le "Jour de la Dignité des Peuples Indiens", lieu de manifestation et acte symbolique de la présence indienne. A Mexico, sur l’avenue du "Paseo de la Reforma", les membres de la Coordination nationale des Peuples Indiens brûlèrent les fleurs qui entouraient la statue de Colomb et déposèrent en offrande du maïs en brûlant aussi de l’encens devant la statue du dernier combattant aztèque, Cuauhtémoc. Parallèlement, ils demandèrent au Président de retirer la statue du marin gênois et de la remplacer par celle de Macteruma. Dans le même temps, le cortège du conseil des 500 ans arrive sur le Zocolo avec des danseurs et des orateurs. Mais quelle que soit la manifestaton, il n’existe pas de travail de création sur de nouvelles dates, de "nouveau panthéon". Le portrait d’E. Zapata est toujours présent, parfois accompagné de celui de Cardenas et de Coreh, le seigneur Maya, auprès de Cuauhtémoc.

Martine Dauzier nous présente ensuite les résultats de son étude sur les répercussions de cette célébration sur les communautés de Guerrero, Morelos et Oaxaca. En été 1991, lors de sa rencontre avec les leaders des communautés, ce qui la frappe c’est leur manque d’information sur cet événement. Et pourtant l’histoire de la conquête et de la colonisation est encore bien présente dans l’esprit de chacun des autochtones. Elle fait un rapprochement saisissant entre le passé et le présent : hier, les Espagnols; aujourd’hui, l’impérialisme des Américains."ls veulent dépasser le deuil et ne pas s’en tenir à une contre-célébration. Il y a une politique pour faire connaître la culture indienne à l’extérieur et non plus seulement défendre le bilinguisme, pour se défendre contre le monde extérieur". "Orgueil, dignité sont les mots qui reviennent le plus souvent, non pas seulement pour dire la résistance au sens défensif du terme, mais un nouveau projet de société qui implique une ré-évaluation des apports des non-indiens et des relations symétriques à construire avec eux". La nostalgie d’un âge d’or n’a plus cours et la commémoration doit être simplement un facteur de mobilisation. Il s’agit de voir plus loin que 1992. A côté des revendications purement ethniques, viennent d’autres exigences : annulation de la dette, démocratisation, véritable politique de l’environnement. La difficulté vient de se faire entendre au niveau des médias et de l’impact de la campagne contre le 5ème Centenaire.

Des ambigüités persistent dans le discours notamment à propos du nationalisme. Comme le souligne l’auteur, "les comuneros de Tepotzlan ont le sentiment très vif d’être les porteurs, les garants d’une identité non seulement ethnique mais bien mexicaine. C’est au nom du Mexique qu’ils prennent la parole. Gouvernement et communautés de base se retrouvent ensemble et tiennent le même discours pour lutter contre l’implantation des sectes religieuses qui amènent les gens à refuser de reconnaître le drapeau national et les autres symboles patriotiques.

Key words

history, restoring historical truth, colonization, cultural alienation, cultural resistance


, Mexico

Comments

Cette analyse de M. Dauzier insiste beaucoup sur le fait que le mouvement de résistance indien ne se base pas sur des critères purement ethniques (il accorde par exemple la place à des mouvements non indiens); on évite ainsi tout risque de repli identitaire. Par contre, le risque vient d’une possible déviance nationaliste. Aujourd’hui, par exemple, les Indiens zapatistes en rébellion dans le Chiapas défilent toujours avec le drapeau mexicain, chantent toujoursl’hymne national. Faut-il rappeler que le mal ne vient pas seulement de l’extérieur (des Etats-Unis notamment)? Les patrons mexicains exploitent eux aussi des Indiens dans leurs fermes.

Notes

L’auteur de l’article enseigne à l’université Paris xII-Val de Marne et au CREDAL

Source

Articles and files

DAUZIER, Martine, IPEALT=INSTITUT PLURIDISCIPLINAIRE POUR LES ETUDES SUR L'AMERIQUE LATINE in. Caravelle, 1992 (France), 59

CEDAL FRANCE (Centre d’Etude du Développement en Amérique Latine) - France - cedal (@) globenet.org

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