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Nicaragua : l’éducation bilingue et interculturelle contre vents et marées

Diego GRADIS

03 / 1994

Dès le "triomphe" de la révolution sandiniste en 1979, le gouvernement révolutionnaire du Nicaragua entame sa croisade pour l’alphabétisation. Les populations indiennes de la Côte Atlantique voient soudain déferler des hordes d’intellectuels au crayon entre les dents décidés à les enrôler dans un programme d’alphabétisation en espagnol conçu autour d’un système de valeur étranger à leur mode de vie. La connaissance de l’espagnol sur la Côte Atlantique est tout à fait relative. L’anglais et les langues indiennes, (le miskito et le sumu - le rama a disparu)sont les langues maternelles. L’espagnol est marginal. Les populations s’opposent à cette intrusion du système scolaire de la Côte Pacifique dans le cadre de vie de la Côte Atlantique.

Suite à une analyse et à une autocritique, les Sandinistes, au coeur de la guerre dans le milieu des années 80, révisent le mode des relations entre les deux Côtes et lancent le PEBI (Proyecto de Educaciôn Bilingue Intercultural). En fait ce projet a été voulu et conçu spontanément par les instituteurs indiens de la région. 90

des instituteurs de milieu rural ont une formation qui ne dépasse pas le primaire.

L’idée est d’adapter dans les régions sumu et miskito l’enseignement primaire à la réalité linguistique et culturelle locale. Une équipe est mise en place à Puerto Cabezas, ville de la Côte Nord Atlantique, siège de la délégation régionale du MED (Ministerio de Educaciôn). Le PEBI est antérieur à la loi créant les régions autonomes Nord et Sud de la Côte Atlantique. Il a été un des fondements intellectuels du processus d’autonomie formalisé plus tard par la loi n°25 du 30 octobre 1987.

La mise en oeuvre du PEBI s’est faite en deux étapes. Il s’est agi d’abord d’isoler dans les régions concernées (le Nord vers le Honduras pour les Miskitos et à l’Ouest vers les mines pour les Sumus)les zones scolaires à prédominance indienne, et de sensibiliser les instituteurs de ces écoles à la valeur de l’enseignement bilingue. Simultanément ont été élaborés avec les moyens du bord des textes scolaires en langues indiennes. Au début, l’opposition des parents indiens au PEBI était virulente : pourquoi étudier dans notre langue maternelle que nous connaissons déjà cette langue est la cause de notre sous-développement / la preuve qu’il s’agit d’une éducation de seconde catégorie, les livres du PEBI sont beaucoup moins beaux que ceux de l’éducation espagnole. Les premiers résultats et l’engouement des instituteurs pour le PEBI ont permis de surpasser ces oppositions.

Dans un second temps ; il s’est agi de consolider le PEBI en l’étendant à plus d’établissements dans les mêmes régions, et à publier des livres d’une qualité - quant au fond et à la forme -identique à celle des livres de l’éducation officielle. Par ailleurs autour du projet s’est développé un lent mouvement de valorisation du savoir traditionnel indien.

Malgré ses promesses et ses engagements répétés, le gouvernement qui en remportant les élections en 1989 a mis un terme à l’expérience sandiniste, a cherché depuis à supprimer le PEBI. De 7 personnes, qu’il y avait à Managua, une seule reste aujourd’hui pour coordonner le programme. A Puerto Cabezas de treize ils veulent réduire à quatre l’effectif de l’équipe de coordination miskito, et à Rosita de trois ils veulent ramener à une seule personne l’équipe sumu.

Sans le soutien technique et financier reçu d’organisations gouvernementales et non gouvernementales européennes, le PEBI aurait disparu. Aujourd’hui s’y intéressent les Norvégiens, les Français, les Italiens et les Anglais.

Key words

bilingualism, social inequality, democracy, mobilization of the inhabitants


, Nicaragua

Comments

La grande valeur du PEBI par rapport à des initiatives comparables en Amérique latine est qu’il s’agit d’une initiative de la base qui s’est déroulée, grâce à un soutien extérieur, à l’intérieur du cadre gouvernemental de l’enseignement public. Ce soutien extérieur a évité que cet effort ne soit annihilé par des décisions politiques d’un gouvernement central hostile au processus d’autonomie hérité du gouvernement antérieur.

S’il n’avait été le fruit de la volonté et du travail des protagonistes - les instituteurs indiens - le PEBI n’aurait pas reçu l’approbation de ses bénéficiaires - les parents et les enfants indiens.

Le PEBI, à son origine, a apporté une substance à l’autonomie des régions Atlantiques du Nicaragua. Aujourd’hui, il constitue un des piliers de la mise en oeuvre de ce processus - une des bases de l’action du gouvernement régional - et par conséquent un obstacle pour les adversaires de ce processus qui préféreraient le voir disparaître.

Notes

Diego Gradis est responsable de "Traditions pour demain", réseau associatif contribuant à la promotion et la défense des identités amérindiennes.

Source

Original text

TRADITIONS POUR DEMAIN

legal mentions