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dialogues, proposals, stories for global citizenship

Transformation du service public

Et si les habitants avaient leur mot à dire ?

Suzanne ROSENBERG

12 / 1997

Suzanne Rosenberg a participé à l’élaboration du rapport Picard (1). Son expérience de différentes formation-actions interservices l’amène à approfondir son analyse et ses propositions en ce qui concerne les relations entre les habitants et les agents des services publics.

LA PAROLE DES USAGERS ET DES AGENTS : UNE MATIERE PREMIèRE POSITIVE

On peut émettre l’hypothèse que le mal-être des agents représente la demande sociale en négatif et exprime l’inadéquation entre les attentes du public et le fonctionnement des institutions. L’usage que les habitants font des services publics et l’opinion qu’ils manifestent, ne serait-ce pas leur mode de participation à la transformation de leur cadre de vie? Or, il n’existe pas de lieu où la parole de chacun serait considérée comme une matière première positive. Dans les groupes de formation-action, il s’agit de partir de la colère des habitants et des agents pour définir un nouvel espace social local et les moyens d’y parvenir afin d’aboutir à un projet d’action qui passe par la restitution des propositions aux responsables. Ce travail a aussi permis de dégager un objectif supplémentaire : la résolution des tensions par la qualification mutuelle des services publics et des utilisateurs potentiels.

L’EXPÉRIENCE D’UNE COOPÉRATION ENTRE JEUNES ET AGENTS DES SERVICES

En 1993-94, nous avons mené dans le quartier Franc-Moisin à Saint-Denis, une formation-action visant à instaurer de meilleurs rapports en amenant les jeunes à savoir se faire entendre (autrement que par la violence)et en donnant aux services publics la capacité de proposer des réponses nouvelles mieux adaptées. Un premier travail de coopération a permis aux agents et aux jeunes de se parler "sans haine et sans crainte" puis ce collectif, constitué des deux groupes, a élaboré un projet où deux axes ont été proposés : créer un lieu d’échanges et enclencher un processus de reconnaissance des savoir-faire - techniques des agents, par les habitants. Ce travail en commun a permis d’aborder autrement la notion d’insertion professionnelle des jeunes et a abouti à une seconde démarche de "qualification mutuelle entre jeunes et services publics".

LA QUALIFICATION MUTUELLE à L’ÉPREUVE, DES RÉSULTATS ENCOURAGEANTS

Lors du bilan de la première formation-action, plusieurs responsables de services ont exprimé un besoin en personnel techniquement capable de jouer un rôle de médiation sociale vis-à-vis des publics du quartier. Or, de nombreux jeunes du quartier revendiquent un savoir-faire et se proposent de remplir ce rôle. Les dysfonctionnements des services étaient jusqu’alors mis sur le compte de la population et n’étaient pas compris comme la manifestation d’une inadaptation entre l’offre et la demande. La seconde démarche prévoyait l’embauche de douze jeunes en alternance dans les services publics (leurs observations et leurs conseils devant servir de supports à des transformations)et un regroupement avec notre équipe pour définir de nouvelles modalités d’intervention. En 1995, le projet a été monté et soumis aux élus. La solution retenue a été le contrat emploi solidarité (CES). Malgré des difficultés rencontrées, l’expérience terminée en 1996, s’est révélée intéressante pour les différents partenaires.

Au départ les jeunes se considéraient comme des victimes des services publics mais l’image de toute puissance des institutions s’est peu à peu transformée pour laisser place à une représentation plus nuancée. Du côté des services, la difficulté à intégrer des jeunes a été flagrante, leur fonction d’observation critique était difficilement comprise par la hiérarchie intermédiaire. Mais les rapports avec les agents ont été très fructueux (apprentissage de la médiation): des échanges constructifs, grâce à l’analyse des comportements en situation réelle, ont permis aux agents d’effectuer des micro-adaptations comportementales vis-à-vis du public.

Avec les emplois ville et les emplois jeunes, il existe un cadre pour généraliser de telles expérimentations. Or, l’offre porte sur la médiation (services publics de l’éducation, de sécurité, de transport)sans que le processus de transformation des services ne soit envisagé et sans qu’il y ait une réelle remontée des conclusions vers les décideurs.

Key words

public service, proximity services, young person, mediation, professional qualification, social regulation, urban neighbourhood, knowledge exchange


, France, Seine-Saint-Denis, Saint Denis

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UNE DÉMARCHE à GÉNÉRALISER

Il faudrait donc se poser la question de la restructuration de l’espace social, par un travail local en commun, sur la base du rapport Picard. A travers les expériences auxquelles j’ai participé, je peux avancer quelques éléments : les groupes de projet de services publics produisent toujours une déconstruction puis une reconstruction de la perception de l’espace social local. Il en résulte une transformation des pratiques (pour les institutions et pour la population). Mais la diffusion des acquis et la généralisation de cette transformation ne sont pas reprises par les décideurs et par les acteurs locaux, même si des éléments du projet sont mis en uvre.

Plusieurs motifs à ce phénomène peuvent être avancés : limite du rôle des équipes de maîtrise d’ uvre urbaine et sociale, rigidité des services publics, manque d’expérience en matière de démocratie locale... Mais ces raisons ne sont que la conséquence d’un fait plus général : l’impossibilité de remettre en cause la légitimité des décideurs et les circuits de décisions que constituerait la prise en compte des points de vue des acteurs de terrains, recueillis hors des circuits traditionnels qui les normalisent.

Cependant, on peut penser que les effets de la fracture sociale devraient inciter les élus et les responsables à rechercher d’autres modes de traitement des problèmes sociaux. Dans ces conditions, la qualification mutuelle pourra contribuer à la restructuration de l’espace social. C’est pourquoi il faut continuer à travailler dans cette direction. Pour ma part, je m’y emploie.

Notes

(1)rapport Picard : l’amélioration du service public dans les quartiers, 28 pages, juillet 1991.

CONTACT : Suzanne ROSENBERG, 8, avenue René Coty, 75014 Paris. Tél : 33 0(1)43 21 33 51, fax : 33 0(1)43 21 86 98, mail : suzannerosenberg@capway.com

Entretien avec ROSENBERG, Suzanne

Source

Resource person ; Articles and files

Les services publics entre adaptation et territorialisation in. Les cahiers du DSU, 1997/12 (France), n°17

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