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Principes de l’intervention civile

Pierre Yves GUIHENEUF

04 / 1999

Les interventions de la communauté internationale dans des conflits régionaux ont fait apparaître son incapacité à mettre en uvre des formes d’intervention civiles qui puissent prendre part de façon efficace au processus de paix. Pourtant, de véritables stratégies non-violentes peuvent être mises en place.

La première forme d’ingérence non militaire est la sanction économique. Un embargo peut toutefois s’avérer difficile à supporter pour la population civile, c’est pourquoi il peut être décidé en concertation avec les forces démocratiques du pays visé, de façon à faire plier le régime en limitant les effets pour la population, notamment sur l’alimentation, la santé et la communication. Mais la population supportera d’autant mieux ce type de mesure qu’elle est prête à en accepter le coût pour obtenir à terme un changement politique. Il est également préférable, pour la même raison, de préférer les sanctions financières aux sanctions commerciales, car elles touchent au premier chef les classes dirigeantes. L’élimination des armes légères et des mines anti-personnel est une mesure de fond, qui ne peut être prise que dans le cadre d’une action à long terme mais qui peut contribuer au retour à la paix après cessation du conflit.

Quand les sanctions internationales sont insuffisantes, une intervention civile sur le terrain peut être envisagée, afin d’accomplir des missions d’observation, d’information, d’interposition, de médiation ou de coopération. Le but est d’abord de séparer les adversaires pour éviter le recours à la violence, ensuite de les réunir pour qu’ils se parlent. Définie en tant que stratégie, l’intervention civile est une alternative à l’intervention militaire. Son champ d’action n’est pas le champ de bataille, mais la société civile, ses institutions et ses associations. Il ne faut pas s’imaginer des personnes désarmées venant séparer des milices ou des armées sans scrupules, ce serait là une action sans espoir. Mais il faut concevoir une intervention réfléchie auprès des populations civiles, dont le désir de paix est souvent plus grand que celui des dirigeants et dont le soutien - au moins passif - est nécessaire aux combattants.

Les membres d’une intervention civile ne sont pas neutres, au sens où ils ne prendraient pas parti. Ils doivent au contraire prendre partie pour chacun des belligérants, c’est-à-dire essayer de donner à chacun selon son dû. Ils ne sont donc pas neutres, mais équitables. Etre équitable ne signifie pas renvoyer dos à dos les deux parties : dans un conflit, il est rare que les responsabilités soient également partagées. Il faut prendre le parti de la justice, de la non-violence et de la liberté. Si un mouvement s’engage dans ce sens, il faut être partisan en sa faveur.

Une paix durable ne peut être que le résultat de la volonté des parties en présence. L’intervention civile a pour objet de créer un espace politique dans lequel cette volonté puisse se développer. Il faut pour cela que les personnes extérieures au conflit travaillent en étroite relation avec les leaders locaux de la société civile et identifier ceux qui se situent dans une logique de paix et ceux qui se situent dans une logique d’affrontement. Il peut également être utile de faire intervenir des brigades de paix composées de femmes, de façon à mieux approcher la population féminine qui est la plus à même de reconstituer le tissu social et de contribuer à la réconciliation.

L’intervention civile doit afficher clairement son caractère non-violent, de façon à désamorcer d’éventuelles réactions de violence et de rejet.

Impliquer la population, apparaître désarmés, ouvrir des espaces de dialogues : tous ces objectifs peuvent être atteints plus facilement par des civils que par des militaires, fussent-ils "casques bleus". Car ceux qui sont décidés à alimenter la violence ne tardent pas à les présenter comme une force d’occupation étrangère.

Cependant, pour garder son caractère impartial, aucune personne appartenant à un groupe local ne doit participer au processus de décision qui détermine les actions à entreprendre. Concrètement, cet équilibre entre la solidarité avec la population et l’indépendance est parfois difficile à maintenir sur le terrain.

Ceux qui participent à de telles missions d’intervention courent des risques majeurs, car l’un des facteurs de réussite de leur mission réside précisément dans leur vulnérabilité. Mais en se confiant eux-mêmes comme otages aux mains de belligérants, ils se placent de fait en position délicate. C’est pourquoi une formation psychologique doit leur être dispensée, afin de leur permettre d’affronter les tensions et de réagir de façon adéquate en cas de besoin. Il peut parfois être utile que des forces militaires assurent leur protection, par exemple lors de leurs déplacements.

Dans nos sociétés, les militaires sont quasiment les seuls à être formés, disponibles et organisés pour intervenir sur le théâtre de conflits extérieurs. Pourquoi la violence est-elle si organisée et la non-violence inorganisée ?

Pourtant, une intervention civile est possible. Elle peut prendre la forme de missions d’observation et de médiation, d’ingérence informationnelle, d’interposition non-violente ou de missions de reconstruction de la paix (voir fiche : Méthodes de l’intervention civile). De telles actions peuvent être efficaces, leur grande faiblesse réside dans leur faible visibilité. Il est en effet impossible d’évaluer combien de morts ont ainsi été évités au Cambodge, en Amérique centrale ou dans les Balkans, alors que l’action violente, elle, est bien plus visible. Ces interventions se heurtent également à des limites et à des difficultés, il serait malhonnête de le nier. L’art de la paix doit encore se construire et conforter sa légitimité.

Key words

civil intervention, irenical methodology, international interference, construction of peace, non violent movement, non violence, peace, peace craftsman, international mediation, mediation for peace, right to humanitarian interference


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Source

Book

MULLER, Jean Marie, Principes et méthodes de l'intervention civile, Desclée de Brouwer, 1997 (France)

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