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dialogues, proposals, stories for global citizenship

Les réunions ’hors sol’ au risque de frustrer les participants

Pierre VUARIN

09 / 1998

Le terme "hors sol" provient de l’appellation des élevages industriels qui utilisent peu ou pas les produits végétaux originaires des terrains qui les environnent. L’ensemble ou la plus grande partie de l’alimentation est un assemblage d’aliments produits dans des régions ou pays plus ou moins éloignés. Par extension, nous utilisons le concept " réunion hors sol " pour désigner des réunions qui ne permettent pas aux participants d’avoir de rééls contacts et l’occasion de connaître un minimum un pays. La réunion se fait alors souvent dans un endroit facile d’accès, fonctionnel, pas trop loin d’un aéroport. L’autre dimension du caractère hors sol correspond au fait qu’une réunion se réalise sans relation avec des enjeux locaux ou que les acteurs intéressés par ces enjeux sont complètement absents de cette rencontre.

Nous avons organisé quelquefois des réunions hors sol, lorsqu’un groupe n’avait pas beaucoup de temps et qu’il était nécessaire de prendre une décision rapide. Cela a été le cas en 1995, lorsque le comité de suivi du RIAD s’est réuni deux jours à Montévidéo dans un hôtel. La réunion n’était pas facile. Il y avait des questions à régler. Le fait que les personnes aient fait un long déplacement sans rien voir de l’Uruguay, pour discuter de questions internes, est resté un mauvais souvenir. Le comité du RIAD a, depuis, refusé d’organiser ce type de réunion.

Les responsables de la réunion de Bertioga de l’Alliance pour un monde responsable et solidaire, en décembre 1997, avaient aussi fait le choix d’éviter les visites. Avant cette réunion, les paysans et responsables Ong présents impliqués sur les questions d’alimentation et d’agriculture étaient très curieux de voir ce qui se passait au Brésil, notamment le Mouvement des Sans Terre et la problématique de la sécurité alimentaire . Ils n’en ont pas eu l’occasion. La forme de la réunion, son objectif même ne le permettaient pas. Or ils venaient du Vietnam, de Chine ou d’Afrique. Ils n’étaient pas du tout sûrs de revenir dans ce pays. C’était certainement une erreur. Il aurait été bienvenu que ces paysans africains voient des mouvements urbains et les nouvelles formes de participation dans les villes. Ce temps de visites est aussi un temps différent de celui des réunions formelles. Il permet de mieux rentrer dans la réunion elle même, de mieux comprendre ce qui est expliqué par une partie de l’assemblée. En l’occurence cela aurait pu faciliter la compréhension des Asiatiques, Africains et Européens concernant l’expression des Brésiliens ou des Latinos-Américains pendant la réunion.

Nous avons vécu une autre réunion hors sol, à Paris, qui réunissait, pendant une journée, des ONG européennes et américaines concernant les questions d’environnement et d’OMC. Les personnes se connaissaient pratiquement toutes. L’objectif était de répliquer rapidement au projet du gouvernement US qui voulait, lui même, choisir des Ong pour monter un dialogue USA-Europe sur ces questions. Cette rencontre a plutot bien fonctionné. L’objectif de créer une dynamique de dialogue USA-Europe entre des Ong s’est réalisé. Un agenda a été monté avec quelques prises de responsabilité.

Voici maintenant, pour montrer tout l’intérêt de la démarche inverse, quelques exemples de rencontres qui ont pris la réalité locale en compte. En 1993, la rencontre au LARZAC avec les partenaires APM au niveau international a inauguré une formule avec des réunions de 8 heures à 13h30 (ou 14h)avec un break petit sandwich à 11heures. L’après-midi, le temps était consacré à des visites à partir de 15h ou 15h30. Les repas et les nuits se passaient souvent chez des particuliers. Idem pour une réunion concernant un projet de formation rurale à San José, en Uruguay et aussi pour la réunion de Cascavel (Brésil)avec l’ensemble des réseaux et partenaires du réseau mondial APM. Les visites ne se sont pas limitées au milieu rural, mais aussi à des visites dans les favelas et dans des quartiers réurbanisés à Rio de Janeiro.

Un excellent exemple du lien entre une réunion et un enjeu local est fourni par l’exemple de la réunion de Rio sur les réformes agraires et foncières. (cf la fiche DPH sur cette réunion). Cette rencontre a été l’occasion de réunir des expériences du monde entier autour des questions agraires du Brésil, avec une bonne partie des acteurs du débat dans ce pays. L’enjeu brésilien a pu être aussi abordé parce que cette réunion internationale fournissait un prétexte plus neutre. Cela a permis de réunir des acteurs qui auraient cherché à s’éviter dans une autre occasion. Il n’y a pas eu de visites pendant cette rencontre, mais les étrangers avaient eu l’occasion de visiter le pays et Rio, les jours auparavant. Cette même démarche a été utilisée pour la réunion de Rennes, en janvier 1998, sur les questions d’eau et d’agriculture dans l’ouest de la France. Des étrangers avaient été invités (Equatoriens, Américains, Suisses..). Ceux ci ont sillonné la région pendant plusieurs jours. Ils ont été interviewés par la presse et la radio. Puis ils ont participé à une réunion d’une journée avec 750 personnes à Rennes. Leur parole pendant la réunion a porté. Ils pouvaient exprimer un point de vue modifié par ce qu’ils avaient vu dans les campagnes et dans les villes. Cela a été un succès. Ces visiteurs étrangers ont été particulièrement ravis. Cette démarche a augmenté l’impact et l’efficacité, à tous points de vue, de cette réunion et de ses suites.

Key words

methodology


, Brazil, Uruguay, France

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Nous voyons bien, à partir de ces quelques exemples, qu’il ne faut pas faire une règle absolue concernant les réunions hors sol. Néanmoins, certaines réunions, de par leur objectif et la composition du groupe, nécessitent encore plus cette dimension de visites, de contacts avec le pays qui accueille la rencontre. Il me semble que la règle devrait être de toujours chercher à donner cette dimension à une rencontre, et si elle n’existe pas, de s’en expliquer clairement. Il existe certes des raisons pour ne pas organiser ces contacts et visites :

1)cela prend du temps. Mais gagne t-on en temps et en efficacité à passer quatre ou cinq journées entières de discussion ?

2)Cela coûte de l’argent. Mais le fait de rester un peu plus longtemps permet souvent de réduire le coût des billets d’avion et les coûts d’hébergement sont souvent moins chers hors des capitales.

3)Les personnes n’ont pas le temps. Mais déplacer une personne en Chine ou ailleurs, pendant quatre jours de réunion, sans rien voir ni vivre, n’a pas beaucoup de sens.

4)C’est plus compliqué à organiser, mais cela évite aussi beaucoup de tensions pendant la réunion et procure souvent de la convivialité, des temps d’échanges informels, et c’est par ailleurs un beau cadeau par rapport aux efforts déployés par les participants.

Source

Experience narration ; Original text

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