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Aperçu de la notion théologique de guerre sainte dans les trois religions monothéistes

Ricardo SOSSA ORTIZ

04 / 1999

Les trois religion monothéistes - catholicisme, islam, judaïsme - ont des arguments théologiques pour définir, sanctifier et limiter, ce qu’elles appellent la ’guerre sainte’ ou ’guerre juste’.

En partant de la théorisation que fait Jean Touscoz, on va essayer brièvement de caractériser le concept de ’ guerre juste ’ dans les trois religions. Pour commencer, Touscoz démontre la difficulté que pose la définition du concept ’ justice ’ dans les religions monothéistes. Il repère, au moins, deux aspects du terme :

1)Au plan humain la justice appartient à l’univers du droit, de la légalité, de la légitimité et des institutions ; la société rend la justice ou crée les conditions de la justice. Au plan divin, Dieu juge, il sépare les justes et les pécheurs, il participe au combat des justes contre le mal.

2)Mais le salut n’est pas qu’un jugement, il est aussi l’exercice de la miséricorde de Dieu. Il manifeste sa justice par son amour et il appelle l’homme à l’amour.

Le judaïsme : les guerres prescrites et recommandées

Israël se voit ordonner de procéder à l’élimination des peuples habitant la terre de Canaan, donnée en héritage à ses ancêtres. Le but de ces guerres saintes est d’établir en Israël le règne de la justice et de la paix voulues par Dieu.

Les diverses traditions rabbiniques sont d’accord, semble-t-il, pour distinguer deux catégories d’ennemis d’Israël :

1)Amalek, peuple hostile vouant une haine inexpliquée à Israël. Il semble que, selon certaines traditions, Amalek soit assimilé, en toute époque, à l’ennemi qui veut la destruction totale d’Israël. Hitler et ses partisans par exemple seraient Amalek et contre eux la guerre sainte s’impose.

2)D’autre part, sept peuples habitaient la terre de Canaan au moment du retour d’exil : les Hittites, les Guigachites, les Amorites, les Cananéens, les Périzites, les Hiuvites et les Jébusites (Dt 7, 1); ces peuples n’étaient pas particulièrement belliqueux ni hostiles à Israël mais ils étaient idolâtres et toute cohabitation avec eux était interdite au peuple élu. Il s’agit de guerres ’ recommandées ’ ; selon les traditions rabbiniques qui considèrent que ces prescriptions correspondent à des circonstances historiques précises (l’installation d’Israël en Canaan)et qu’elles n’ont plus aucune actualité. Certaines écoles considèrent cependant que ces concepts sont toujours valables aujourd’hui et qu’ils s’appliquent aux relations contemporaines d’Israël avec les Palestiniens.

Touscoz nous rappelle que la doctrine de la guerre sainte a des limites dans les trois religions monothéiste. Dans le cas juif, on s’accorde à reconnaître que les guerres défensives contre des envahisseurs sont licites. Pour les autres guerres, qui sont quelquefois offensives ou d’annexion, les opinions varient ; en tout cas, c’est à partir de critères rationnels (légitime défense préventive, amélioration de la sécurité d’Israël, etc.)que la ’ justesse ’ de ces guerres est appréciée.

Le droit positif hébraïque, la halakhah, limite le champ de la guerre : celle-ci doit être exceptionnelle, être décidée en dernière instance, lorsque toutes les offres préalables de paix ont été rejetées par l’adversaire. Cependant, les écoles rabbiniques se divisent sur des interprétations ; certaines par exemple, voulant justifier les guerres défensives (la défense du territoire d’Israël), insistent sur la ’ sainteté ’ de celui-ci, qui vient de ce qu’il est le lieu où est proclamée et respectée la Thora.

D’autres, arguant que le Seigneur Dieu est le Dieu de la paix et de la justice, soutiennent que les termes de guerre et de justice sont radicalement incompatibles.

Le catholicisme : les croisades

La notion de guerre sainte évoque immédiatement celle de ’croisade’, terme qui est né lorsque le pape Urbain II, en 1095, a lancé un appel aux chevaliers de la Chrétienté latine pour qu’ils se ’croisent’, c’est-à-dire qu’ils ornent d’une croix leurs vêtements pour aller libérer Jérusalem des ’infidèles’.

Il est bien évident que le catholicisme aujourd’hui ne saurait admettre de telles entreprises ni d’autres aventures comparables contre quelque adversaire que ce soit ; l’enseignement contemporain du magistère est parfaitement clair à ce sujet.

Le catholicisme tend aussi à limiter la guerre et la base doctrinale de cette limitation a été donné par Augustin qui développe une argumentation légitimant, dans certains cas, le recours aux armes pour un chrétien : à titre individuel, un chrétien doit se laisser tuer plutôt que de tuer son assaillant, mais la défense de l’autre, plus faible (la veuve, l’orphelin, le vieillard), oblige à repousser l’injustice. D’autre part, c’est aimer son ennemi (selon le précepte évangélique)que de l’empêcher de faire le mal, lorsqu’il est agresseur.

Cette doctrine a donné lieu à de vives controverses. Certes, elle tendait à limiter la guerre mais elle conduisait aussi à la légitimer dans certains cas.

L’islam : le ’ djihad ’

Le mot ’djihad’ signifie littéralement ’effort laborieux et éprouvant’. Il est utilisé avec trois sens différents : le combat contre soi-même, la lutte pour l’expansion de l’islam, donc le combat contre les infidèles et la lutte contre les mauvais musulmans.

Le djihad est une entreprise de purification du monde et des hommes ; c’est une guerre totale, qui a pour objet la soumission à Dieu de l’humanité entière.

Après la victoire sur des gens du Livre (chrétiens et juifs), le djihad conduit à l’établissement d’un ordre coranique auquel ils doivent se soumettre, bénéficiant d’un ’pacte de protection’ (dhimma)aux conditions requises par le Coran ; en ce qui concerne les autres incroyants (qui n’adhèrent à aucune religion du Livre); le djihad aboutit soit à leur conversion à l’islam, soit à leur réduction en esclavage, soit à leur mort.

Il est certain que tous les musulmans ne partagent pas cette présentation du djihad, certains même la dénoncent. Ainsi, les trois religions monothéistes étudiées engendrent, lorsqu’elles sont associées à des sociétés dotées d’institutions théocratiques, des doctrines de légitimation de la guerre, elles sanctifient la guerre, elles la rendent sacrée.

La guerre juste chez les musulmans a aussi ses propres limites. Certains parmi eux soulignent que l’islam est la religion de la paix. Ils citent à l’appui de leur thèse plusieurs sourates, et notamment : ’ S’ils inclinent à la paix, fais de même ; confie-toi à Dieu car il est celui qui entend et qui sait ’ (8, 61).

Le djihad doit donc être défensif : c’est face à l’agression que le musulman doit rétablir l’équilibre des lois voulues par le créateur.

Finalement, il est soutenu que le Coran n’autorise pas le croyant à user de la force pour convertir l’infidèle.

Key words

war, justice, christianity, judaism, islam, peace and justice, ethics of justice, religion and violence

Comments

Les trois religions étudiées ont proposé tout au long de l’histoire et à des époques précises, la conceptualisation de ’ guerre sainte ’ et de ses limites. Mais peut-on aujourd’hui justifier une guerre sous ces doctrines théologiques et alors que la violence ne peut plus être limitée ?

Notes

Fiche réalisée dans le cadre de l’atelier sur ’religions et paix’, La Haye, mai 1999.

Source

Original text

On peut également consulter l'ouvrage de <TORELLI, Maurice>: <Religions et guerre>aux Editions Mame, France, 1992.

Centre de Recherche sur la Paix - Institut catholique de Paris - 21 rue d’Assas, 75006 Paris FRANCE- Tel 33/01 44 39 84 99. - France - www.icp.fr/fasse/crp.php

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