español   français   english   português

dph is part of the Coredem
www.coredem.info

search
...
dialogues, proposals, stories for global citizenship

Construire la réconciliation dans les pays du Caucase : le rôle des veuves de guerre

Ina RANSON

11 / 1999

Les guerres de sécession, dans les années 1990-93, après l’indépendance de la Géorgie, ont laissé des blessures profondes.

Pourtant, les anciennes régions autonomes (l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie)sont liées à la Géorgie par l’histoire, par une culture commune, par des impératifs économiques... Parmi les personnes oeuvrant pour une réconciliation, les veuves des guerres peuvent jouer un rôle primordial.

"Le fonds pour la mémoire des soldats" (Soldiers Memory Fund)a été fondé en 1992, par des veuves qui venaient de perdre leurs maris et qui se réunissaient de temps en temps, de façon tout à fait informelle. Elles voulaient parler de leur douleur commune, échanger leurs soucis et s’entraider. Peu à peu, l’idée a pris forme de rencontrer les femmes de l’autre côté des frontières, celles qui avaient subi le même sort. Et, encore en 1992, les veuves se sont mises à travailler sur le projet d’une grande réunion où devaient se trouver les veuves et leurs enfants de la Géorgie, de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud.

Quand, en décembre 1992, la guerre éclata de nouveau, les femmes eurent le sentiment de subir une nouvelle défaite. Mais elles n’oubliaient pas leur projet et elles ont obtenu qu’il y ait un début de réalisation.

En 1997, a donc eu lieu, en Russie, sur un terrain neutre, une réunion encore assez officielle, préparée avec de nombreuses mesures de protection, entre des veuves géorgiennes, ossètes, arméniennes et azéries. Les veuves abkhazes ont aussi été invitées, mais elles n’ont pas pu venir.

Cette rencontre fut un succès. "Nous avons senti que nous nous comprenions vraiment" dit Maja, responsable du groupe géorgien. "Nous, les femmes géorgiennes, avons joué le rôle de médiatrices entre les veuves arméniennes et les veuves azéries. Et surtout, il y avait les enfants. Ils jouaient ensemble, tout simplement, et ils se faisaient des amis. Nous sentions bien, nous toutes, que nous avions un seul grand adversaire commun : la guerre. Et nous avons exprimé le désir de nous soutenir, de lutter ensemble pour l’avenir de nos enfants."

Pourtant, tout en exprimant ces désirs et ces sentiments, les femmes évitaient de parler de politique. Ce fut d’un commun accord. "Quand certaines se mirent à soulever ces sujets, nous les avons arrêtées. Cette rencontre fut vécue comme un moment très positif, comme quelque chose de très précieux. Et toutes sentaient qu’il ne fallait pas le gâcher par des débats politiques."

Les femmes parlaient d’abord de leur vie quotidienne, difficile pour toutes. Mais certaines racontaient aussi des histoires vécues : comment des Arméniens avaient aidé les Azéris et vice-versa, dans la vie de tous les jours, avant les événements tragiques, et même au cours des conflits... Cette face cachée de la guerre est rarement visible. Le plus souvent, les gens n’en parlent pas : ces choses vont à contre-courant des sentiments nationalistes exacerbés en temps de crise. "Mais nous sentions que nous n’étions pas des ennemies les unes pour les autres".

Les veuves décidèrent alors d’adresser des lettres aux hommes politiques. Ce qu’elles exprimaient était en premier lieu leur forte émotion, leur désir d’arrêter la guerre. Elles conçurent l’idée de fonder une ONG commune, Mika, ce qui veut dire "peaceful Caucasus".

Il s’est bientôt avéré qu’il était trop difficile de fonder une organisation qui réunissait des personnes par-dessus les frontières. Rares étaient les femmes qui pouvaient disposer d’un ordinateur. Et la plupart d’entre elles était inexpérimentée dans le domaine de l’organisation, sans parler des difficultés soulevées par les gouvernements respectifs. Il était plus simple que les veuves continuent leurs actions indépendamment les unes des autres dans leur propre pays, mais tout en cultivant les contacts de façon informelle : par lettres, par des personnes interposées (des ONG internationales, par exemple)...

Pourtant, les femmes voulaient réaliser d’autres projets communs, en particulier elles souhaitaient réaliser une autre rencontre. Par exemple : les femmes et les enfants pourraient se rencontrer dans un grand camp de vacances, de façon moins officielle. Dans ce camp, il y aurait beaucoup de sport pour les enfants, mais aussi des activités pour la protection de l’environnement, de la formation au développement durable...

Les veuves voulaient aussi intensifier les contacts avec les femmes ossètes et abkhazes.

Il est vrai que la situation avait changé depuis. "Quand la douleur était très grande, après la mort des maris, le contact était spontané, très chaleureux, immédiat", dit Maja. "Maintenant, la douleur est toujours là, mais de façon différente ; il faut chercher autrement à approfondir les liens. Ce qui importe à toutes les femmes, c’est que les enfants restent amis. Et c’est pour cela que nous devons faire des efforts maintenant."

Pour l’instant, il n’y pas de possibilité de financements.

Key words

construction of peace, peace education, woman


, Georgia, Tbilisi

Comments

Pour tisser des réseaux solides, il sera inévitable de parler quand-même, un jour ou l’autre, de politique. Comment faire ? Julia Kharashvili, responsable des IDP (Internal Deplaced Persons)est en train de réfléchir sur un projet de formation à la "recherche sur la paix" pour les femmes des IDP et les veuves de guerre. Il s’agit de permettre à ces femmes de concevoir une approche différente des problèmes qui enveniment les rapports entre les ethnies, les régions, les groupes d’intérêt... Il leur est en effet très difficile de sortir des discours passionnels, quand elles n’ont pas un minimum de formation politique, psychologique, sociologique... Le projet de Julia me semble du plus grand intérêt. (voir aussi les fiches sur le travail de Julia Kharashvili)

Notes

Contact : Maja Buchukuri, Bureau de HCA, Tsinamdzgvrishvili Street, 31, Tbilisi, 380002 Géorgie - Tél./Fax : (995 32)96 15 14 - icblgc@access.sanet.ge. Contact en France : Ina Ranson, Tél. : 01 30 21 25 50 - ina.ranson@wanadoo.fr

Entretien avec BUCHUKURI, Maja

Source

Interview

Recherches de Tina Bochorishvili, présidente de l'Association de Recherche sur la Paix à Tbilisi ; entretien avec Julia Kharashvili.

Tbilisi Peace Research Association - 30 Chavchavadze Avenue, 2 Entrance, 4 Floor, and Apt 15/380079, Tbilisi, GEORGIA - Tel (995-32)22-34-68. E-mail: - Georgia - tinab (@) access.sanet.ge

legal mentions