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L’origine, l’organisation et les difficultés d’une association de femmes au Burkina Faso : l’AFBO (Associaton des Femmes Burkinabé de Ouahigouya)

Les rapports hommes-femmes

Madeleine BARRY, Séverine BENOIT

07 / 1998

a) Origine de l’AFBO

A l’origine de l’AFBO (association créée en 1977 à Ouahigouya), on trouve un groupe de 7 femmes dont Mme Barry, la présidente actuelle de l’association. Sa position d’enseignante était un encouragement à créer une association car elle avait une bonne connaissance du milieu. Le but de l’AFBO est d’aider les femmes. Le début de l’association est lié à la conscience qu’il fallait s’organiser pour aider les femmes. Madeleine Barry se sent une responsabilité: « On a eu la chance d’aller à l’école « . Pour les femmes analphabètes en difficulté, ce n’est pas un manque d’intelligence mais un manque de connaissance. Le statut de la fille bloque son développement. Dans certains cas, la naissance des filles n’est pas attestée car les maris refusent les filles et il n’y a pas de déclaration à la mairie et pas d’école. Alors que l’école est un moyen de développement. « La situation des femmes est douloureuse ici « . Les femmes manquent d’informations. Ce problème nécessite une solution car il y a une grande injustice. La femme a un rôle très difficile. « Elle fait tout, à tous les niveaux, d’accord, l’homme est chef de famille, mais est-ce qu’il assume sa responsabilité ? La question peut se poser. Les hommes font-ils vraiment des efforts ? Tout repose sur les femmes ». La majorité des femmes ont les mêmes problèmes, par rapport au statut de la femme. « L’homme nous mène ». Pour eux, la femme doit être marginalisée. L’homme ne reconnaît pas son savoir-faire. Il faut lutter. « Il faut s’organiser pour améliorer notre situation sociale ». Par exemple, dans les programmes de développement menés au niveau de certains services étatiques de la Province, on ignore totalement la femme, écartée d’office. Or, un programme de développement ne concerne pas que les hommes. Avec le temps, il y a eu une évolution mais il y a 20 ans la marginalisation était grave, notamment dans les programmes de développement. Par exemple, dans les programmes concernant les paysans, les femmes étaient complètement mises de côté.

b) L’organisation de l’AFBO

L’AFBO est une organisation de femmes affiliée à une association-mère de Ouagadougou. Les activités sont différentes en ville et dans les villages. L’activité de l’AFBO est socio-économique. L ’organigramme se présente ainsi :

- une assemblée générale regroupe toutes les femmes de l’association (2 650 femmes en 1997). Il y a des sympathisants hommes; « c’est encourageant, surtout dans le milieu rural où leur aide n’est pas négligeable pour certaines activités »;

- un bureau exécutif de 16 membres qui travaille en collaboration avec un « conseil des sages ».

Pour s’organiser, il faut un cadre. Par exemple un lieu de réunion pour mettre en place des activités. D’abord il y a eu la formation du bureau et une sensibilisation dans les quartiers. Il faut parler des problèmes. Il faut des responsables élues par la base dans chaque secteur.

- chaque cellule de base a son bureau de 4 personnes : la présidente, la secrétaire, la trésorière, la commissaire aux comptes. Dans chaque quartier, il y a des cellules d’au minimum 38 femmes, et jusqu’à 100 femmes.

Cette première organisation, lors de la création de l’association, a pris un mois. L’organisation s’est faite d’abord en ville puis dans les 17 villages autour de Ouahigouya. Après la formation des bureaux et la désignation de responsables, l’AFBO a commencé ses activités. La première activité a été liée à la réflexion sur l’environnement. Elle a été de grande envergure puisqu’il s’agissait, pour la première fois, de faire une action de salubrité sur le marché central et dans les maternités. L’hygiène est essentielle pour la santé. Le marché est le lieu où tout le monde se trouve. Le 1 mai 1977, il y a eu une action de salubrité sur le marché. Il y avait plus de 1000 femmes. Toute la ville. « On aurait dit que les femmes attendaient ce moment « . En une heure, tout était propre.

c) La pression des hommes sur les associations de femmes

Les hommes ont voulu casser cette organisation. Les hommes politiques surtout, les responsables. Ils avaient peur de perdre le contrôle des femmes. Deux mois après la journée de salubrité, il n’y avait plus que 500 femmes. Les maris se sont dressés contre leurs femmes ; celles-ci ont subi des pressions. Les maris leur ont interdit d’assister aux réunions de l’AFBO, avec des menaces de divorce. Chez les femmes responsables, la pression a été plus ou moins forte. Par exemple, le mari de Mme Barry était contre mais il n’a rien dit, ce qui a été encourageant. « Baisser les bras, c’est donner raison aux hommes. Nos activités ont pour but de donner confiance aux femmes en elles-mêmes. Il faut tenir « . Quant aux relations avec les autres associations locales, l’AFBO fait partie du Collectif d’associations de développement de la Province. « Nous nous imposons ». Même si c’est plus difficile pour une association de femmes. Sur 34 associations, il y en a seulement 4 de femmes mais il n’y a pas trop de conflits avec les autres.

Pour l’instant, il n’y a pas de collectif d’associations féminines mais c’est un objectif. De nombreuses initiatives ont été contrecarrées. L’argument avancé par leurs détracteurs selon Mme Barry est que : « ces femmes ont des appuis politiques, sont politisées ». En réalité, les femmes seraient prêtes à soutenir un politicien qui écouterait les femmes et reconnaîtrait qu’elles ont des droits. L’AFBO est la seule association de femmes à Ouahigouya qui ait pu tenir. Pour cela, il faut être motivée et travailler. Maintenant, il y a un boycott local : l’association est mise à l’écart ou on essaie de l’exploiter en reprenant ses réalisations. Néanmoins, les femmes ont compris qu’elles avaient intérêt à compter d’abord sur elles-mêmes et pas sur les hommes qui veulent les utiliser, notamment à des fins politiques. Et c’est encourageant ».

Key words

women’s organization, gender, traditional cultivation, conflict, social inequality


, Burkina Faso, Ouahigouya

Comments

La présidente d’une association féminine créée en 1977 à Ouagadougou (et existant depuis 1997 à Ouahigouya) explique que « l’homme nous mène, il faut lutter ». Elle décrit l’organisation mise en place dans chaque quartier de la ville et les villages environnants. Elle montre la pression exercée sur les femmes, en particulier sur leurs épouses, par les hommes pour contrecarrer les initiatives de l’association. Et aussi comment elles résistent.

Notes

L’entretien avec Madeleine Barry a porté sur plusieurs sujets. Les difficultés de promotion d’une association féminine sont résumées dans cette fiche.

Entretien avec BARRY, Madeleine, réalisé en juillet 1998.

Source

Interview

GRAD (Groupe de Réalisations et d’Animations pour le Développement) - 228 rue du Manet, 74130 Bonneville, FRANCE - Tel 33(0)4 50 97 08 85 - Fax 33(0) 450 25 69 81 - France - www.grad-france.org - grad.fr (@) grad-france.org

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