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Relations et rivalités entre une association paysanne (FAPAL) et les ONG travaillant dans la même région (Sénégal)

Le point de vue du Secrétaire Général de l’association.

Malick SOW, Benoît LECOMTE

02 / 1998

Malick Sow, Secrétaire Général de la FAPAL (Fédération des Associations Paysannes de Louga): "Il y a beaucoup d’ONG dans la région de Louga. Nous travaillons avec certaines, mais aucune ONG ne nous a fait d’apports financiers. On sent, avec certaines ONG de la place, une rivalité avec le mouvement paysan. Elles assimilent la FAPAL à une ONG. Or, nous n’en avons pas le statut.

La FAPAL est une association d’individus libres. Les premiers avoirs de la FAPAL sont les cotisations de ses membres. La FAPAL encadre des groupements qui sont organisés. L’ONG est une structure extérieure. Les donneurs de fonds, qui se trouvent dans les grands pays du Nord (Etats-Unis, Angleterre, France, etc.) donnent leur argent à cette ONG qui n’est en fait qu’une succursale de ces partenaires étrangers. Tous les initiateurs, les membres de la FAPAL sont issus du milieu rural. Alors que pour les ONG, ce sont des personnes étrangères qui viennent. C’est toute la différence.

Les ONG estiment qu’aujourd’hui la FAPAL n’a pas besoin d’être soutenue financièrement par elles, dans la mesure où nous avons déjà un partenaire. Par contre, à chaque fois que nous avons besoin d’appui pour la formation ou la réflexion, nous associons celles qui le veulent à tout ce que nous sommes en train de faire.

Nous avons les mêmes cibles et les mêmes activités mais nous faisons mieux que les ONG. Raison pour laquelle elles nous interpellent en nous demandant pourquoi nos activités réussissent mieux que les leurs. "Pourtant, disent-elles, en tant qu’ONG, ce que nous mettons à la disposition des gens est quatre fois plus important que ce que la FAPAL met à leur disposition !" La seule explication que nous pouvons peut-être donner se situe au niveau de notre approche. Celle-ci est plus efficace :

- nos cibles dans les villages s’approprient la FAPAL ;

- ces cibles sont associées à tout ce que nous initions, à tout ce que nous faisons ;

- le suivi est "interne"; nous l’exerçons sans prendre la place ni donner de leçons ou imposer quelque chose de contraignant et d’extérieur. Les ONG, elles, imposent leurs idées, imposent des activités.

Si une ONG dit vouloir intervenir dans une localité pour résoudre tel problème, le premier réflexe des populations est de dire : "Oui, nous aimons" même si cela ne répond pas à leurs besoins. L’autre problème également est que les leaders avec lesquels ces ONG travaillent sont des responsables politiques ou sont en dehors du développement. Souvent, ces leaders ne font pas l’unanimité dans le village. Tandis qu’avec la FAPAL, c’est le groupement qui choisit, sans influence ni trafic, en toute liberté, les gens qui gèrent.

Un exemple : à l’assemblée générale de la FAPAL en 1995, nous avions invité une ONG de la place. Celle-ci intervient, même dans mon village, avec les mêmes cibles, mais avec des responsables différents des nôtres. Quand nous avons discuté le rapport, leur représentant s’est senti un peu frustré. Il a dit que leurs actions ont été étouffées par celles de la FAPAL. Selon eux, nous avions initié une démarche d’étouffement au niveau de nos groupements, mais la cause n’était pas cela. Cette ONG choisit des responsables dans chaque village; et si ceux-ci ne font pas l’unanimité, une partie des gens ne se sent pas concernés par telle ou telle activité. C’est la raison de l’échec de l’ONG. Nous avons discuté avec celle-ci et tiré la leçon. Depuis lors, à chaque fois, cette ONG essaie de nous inviter aux rencontres qu’elle convoque au niveau du village. Mais cela reste complexe ! En effet, leurs représentants, au niveau d’un village, sont soit des parents, soit des pères, des oncles, des grands-pères de nos membres. Nous, les plus jeunes, n’avons pas la même vision qu’eux ce qui engendre des conflits ou des ruptures familiales. Mais nous ne les souhaitons pas. On évite ce télescopage. Ce n’est pas une question de génération car il y a des vieux qui sont avec nous comme des mères ! Mais c’est sur le plan des idées et des opinions que nous avons des divergences avec certains vieux qui n’ont pas la même perception que nous. Ou bien avec ceux qui sentent que nous, en tant que jeunes, avons des "visées aux dents longues" pour vouloir les éjecter et gérer tout à leur place. Ils sentent que leurs intérêts sont menacés".

Key words

countrymen’s organization, North NGO, financing, conflict, social change


, Senegal, Louga

Comments

La légitimité d’une ONG aux yeux des villageois c’est l’aide qu’elle apporte. La légitimité d’une OP, aux yeux de ceux des villageois qui n’en sont pas membres, n’est-ce pas aussi l’aide qu’elle apporte ? Encore faut-il que l’OP ne réserve pas ses moyens et ceux de l’aide qu’elle reçoit à ses seuls membres. Concurrentes les fédérations d’OP et les ONG ? Bien sûr. Avec, pour les OP compétentes, l’avantage d’être comme poissons dans l’eau et de durer et l’inconvénient qu’elles obtiennent plus difficilement de l’aide "directe", celle qui ne transite pas par une ONG du Nord avant de leur arriver.

Notes

Entretien avec SOW, Malick en décembre 1997 à Thiès (Sénégal).

Source

Interview

GRAD (Groupe de Réalisations et d’Animations pour le Développement) - 228 rue du Manet, 74130 Bonneville, FRANCE - Tel 33(0)4 50 97 08 85 - Fax 33(0) 450 25 69 81 - France - www.grad-france.org - grad.fr (@) grad-france.org

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