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Les femmes burkinabés face aux procédures du système d’aide ?

Recommandations d’une animatrice burkinabé à ceux qui aident les activités des groupes

Mariam MAIGA, Christophe VADON

11 / 2001

Mariam Maïga animatrice qui a travaillé à Ouahigouya au sein de la Fédération des Unions de Groupements Naams (FUGN) et à Ouagadougou pour l’ONG Terre des Hommes-Genève recommande 4 pratiques à ceux qui viennent aider particulièrement les femmes :

1/ Ne pas fixer de plancher à la somme qu’ils accordent aux projets d’un groupe de femmes :

"Vous voyez, les femmes ont toujours peur des grosses sommes ; or, moi j’ai vu des bailleurs, face à des femmes qui ont conçu leur projet où elles n’ont besoin que d’un million, répondre : "on ne peut pas vous donner un million, nous on ne rentre pas dans les histoires d’un million, il faut que ça soit 10 millions !" Cela fait peur aux femmes. Si elles vous soumettent des projets, tenez compte de leur demande. Et si vous arrivez à les satisfaire et à les former (parce que votre financement fera appel à une formation), après ces femmes qui ont demandé un million pourront demander peut-être deux millions. Car quand elles demandent un million et que vous dites : "si c’est pas 7 millions je ne finance pas", comment elles vont faire ? Elles vont aller inventer les 6 autres millions ? Elles ont demandé un million en fonction de leurs capacités et de leurs connaissances. Si c’est mon cas, qu’est-ce que je vais dire à moi-même ? Je retourne sur moi-même et je vais me dire : "qu’est-ce qui ne va pas ? Suis-je incompétente ? Ou bien que faut-il aller chercher pour faire les autres six millions ?" Cela me met en doute sur moi-même. Peut-être qui si ce sont les hommes à qui on répond cela, eux pourront vite repartir et remettre une nouvelle demande ! Même, si vous voulez à 10 millions !! Mais est-ce que la gestion ira bien ensuite ? Par contre si les partenaires pouvaient tenir compte des demandes quelque soient leur montant, cela mettrait les femmes en confiance.

2/ Epauler plutôt des groupes que des femmes individuellement :

Je pense que c’est mieux quand on aide une communauté bien organisée plutôt qu’un individu, parce que c’est plus efficace et que même si l’individu n’est pas là le travail continue. J’ai organisé des groupes de femmes qui actuellement sont autonomes même si je ne suis plus sur le terrain avec elles. Je me dis que si les bailleurs de fonds agissent dans ce sens, ce n’est pas mal en soi, cela permet à toute une génération de profiter de leur appui et, par la suite, de chercher d’autres outils puisque plus on avance plus on a besoin de nouvelles méthodes pour continuer. Mais si c’est un seul individu, je crois que cela n’est pas facile en soi. C’est ce que je pense. Et le fait d’aider un groupe de personnes prouve que ce groupe-là est capable de se gérer. Car si il ne peut pas se gérer, en tous cas si vous mettez des financements, un jour il y aura des problèmes. Dans les communautés bien formées, si vous les financez, les gens savent qui est responsable de quoi et les activités se poursuivent sans problème et les gens se disent : "Cette aide-là c’est pour nous tous, ça n’est pas pour Marie ou pour Mariam ; c’est pour tout le village". Donc tout le monde a l’oeil sur ce que vous avez mis en place. Mais l’aide individuelle actuellement, sincèrement moi je ne suis pas pour ! Peut-être l’aide individuelle à travers un groupe ?

3/ Saisir l’occasion d’aider un groupe pour faire progresser sa capacité de gestion :

Les gens ici avaient l’habitude de se regrouper. Notre gestion avant, c’était quoi ? C’était vraiment la tradition, les gens n’étant pas alphabétisés tout se faisait comme ça, on retenait tout dans la tête : "toi tu fais ça, moi je fais ça". Rien n’était matérialisé, on ne voyait pas. Mais actuellement, avec tout ce qui se met en place, les gens évoluent, on n’est plus au stade de l’oral, il faut écrire, garder des documents, les présenter... Et cela nous contraint à mieux nous organiser. Quand on a le souci de s’organiser bien, on a le souci aussi d’être compétent et on va chercher la compétence. Toi et moi on peut travailler pendant longtemps ici, discuter des choses sociales et autres, mais quand nous allons aborder l’aspect financier, il faut que je comprenne ! Et si les gens ne sont pas bien formés, cela peut entraîner des querelles et le groupe peut se disloquer.

4/ Négocier directement avec les femmes responsables des groupes sans intermédiaire :

Pour être utile, il faut d’abord organiser les femmes pour que cela dure. Ainsi plus tard, elles pourront trouver le financement par elles-mêmes. Je crois que par cette approche-là aussi on montre l’autonomie de leur structure. Bien organisée, elle peut taper à la porte de certains projets d’aide pour dire : "Voilà, nous, nous avons fait ça, nous voulons faire ça". Il ne faut pas que la recherche de financement soit liée à ta personne automatiquement. Il faut donner aux femmes tous les moyens de s’instruire pour qu’elles puissent aller négocier avec des partenaires et leur dire : "Voilà, nous sommes un groupe de femmes organisées dans tel village". Ce sont les hommes qui ont toujours négocié en notre nom, pourquoi pas elles ? Il faut leur apprendre. Si vous avez une moto vous prenez une d’entre elles, si vous avez une voiture vous en prenez plusieurs et vous partez ensemble au niveau d’une ambassade, pour déposer votre requête. C’est par ce processus qu’on peut arriver à responsabiliser les femmes et à leur montrer aussi que l’argent il faut aller le chercher. C’est une question de démarche. Il y a des organismes qui sont prêts à défendre la cause de la femme, mais il faut que la femme aussi arrive à défendre son morceau".

Key words

woman, South NGO, popular organization, economic dependence, donor agency, local development, development strategy, negotiation


, Burkina Faso, Ouagadougou

Comments

Mariam Maïga craint que des appuis individuels apportés par un organisme d’aide entraîne des querelles et une mauvaise gestion des ressources. Elle plaide pour que les groupes de femmes se forment à la gestion et gèrent l’apport d’aide en même temps que ses ressources propres. Elle insiste pour que les partenaires des organismes d’aide soient les groupes de femmes eux-mêmes et non les intermédiaires. Comment ne pas lui donner raison sur tous ces points !

Notes

Entretien avec MAIGA Mariam, réalisé à Ouagadougou en août 1998

Source

Interview

VADON, Christophe

GRAD (Groupe de Réalisations et d’Animations pour le Développement) - 228 rue du Manet, 74130 Bonneville, FRANCE - Tel 33(0)4 50 97 08 85 - Fax 33(0) 450 25 69 81 - France - www.grad-france.org - grad.fr (@) grad-france.org

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