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Dzerzhinsky/Ygresha en Russie se reconstruit en retrouvant son passé

Les habitants d’une petite ville s’unissent pour restaurer ensemble leur monastère historique - une expérience qui crée des liens durables entre les citoyens

Ina RANSON

12 / 2001

Elena Egorova, est la présidente de "Seven I", association qui a une influence considérable sur les affaires de Dzerzhinsky, une petite ville d’environ 80 000 habitants, située à une vingtaine de km de Moscou. Mais peut-être Dzerzhinsky s’appelle-t-elle aujourd’hui Ygresha, d’après le nom du fondateur du monastère de la ville ? Les habitants en décideront bientôt - et ce n’est pas une mince affaire ! Pour la population, il s’agit de retrouver ses racines, de revaloriser une tradition abandonnée pendant le régime soviétique. Depuis peu, un monument moderne d’Ygresha, en chevalier armé du Moyen Age se dresse non loin de son concurrent et lui ravit la moitié de ses partisans - mais sans lui enlever sa popularité. En effet, Dzerzinsky, un proche de Lénine, a quand même réussi une ouvre importante en transformant l’ancien monastère Saint Nicolas en un lieu de vie pour orphelins, en un lieu où ceux-ci pouvaient tout apprendre, se sentir heureux et où ils reviennent en pèlerinage encore aujourd’hui.

Elena Egorova votera pour Dzerzhinsky, mais elle acceptera volontiers aussi le choix de ses camarades. Oui, de ses camarades : dans sa ville, elle connaît "presque tout le monde" - et c’est vrai pour un grand nombre des habitants. Comment cela se fait-il ? Les habitants de Dzerzhinsky/Ygresha se sont rassemblés autour d’un projet commun : il fallait restaurer le monastère Saint Nicolas. "Parce que c’est notre histoire, notre culture". Chacun y allait et contribuait selon ses possibilités.

Ce grand monastère dont les traces visibles remontent au 14e siècle avait été un important lieu de pèlerinage, notamment pour les tsars. Ceux-ci, comme tous, faisaient la route entre Moscou et Saint Nicolas à pied. Depuis la révolution, les bâtiments avaient subi de nombreuses transformations servant d’orphelinats, d’écoles, d’hôpitaux. Après la perestroïka et l’écroulement du système soviétique, quelques moines vinrent s’y installer. Et femmes, hommes, jeunes et vieux de Dzerzhinsky se dirent : nous avons le devoir de reconstruire ce lieu ! Elena souligne : "Il s’agit d’une vraie décision populaire, prise ensemble en 1993. Tout le monde allait participer aux travaux : des orthodoxes, des protestants, des musulmans, des athées...". Elena se rappelle qu’elle priait quand elle prit le risque de monter sur une vieille échelle pour repeindre le portail. L’ambiance était si joyeuse ! Il n’y avait pas de hiérarchie sociale. La femme du maire lavait les dalles par terre. Chacun faisait ce qu’il pouvait, depuis le maire jusqu’au simple citoyen. Même les enfants aidaient. "C’était aussi pour se ressourcer. Les gens sont fatigués des destructions. Il y avait la joie commune de reconstruire notre ville ensemble. On travaillait parfois jusqu’à 4 heures du matin !"

Quand vint le jour où enfin le patriarche Alexis put bénir la cathédrale reconstituée, ce fut une grande fête. La cathédrale était redevenue magnifique. "Avec son iconostase à 7 niveaux, c’est la beauté parfaite."

Aujourd’hui, les uns y viennent pour prier, les autres pour visiter les musées qui racontent l’histoire de ce lieu. "Tout le monde vient pour s’y ressourcer"

Les habitants de Dzerzhinsky ont été ressoudés par ce projet. En travaillant ensemble, pendant des mois et des mois, ils ont appris à se connaître. Le futur maire et les délégués de tous les partis avaient évidemment participé très activement. "Un contact proche s’est créé avec les habitants. Les délégués sont maintenant bien obligés de les écouter et de faire ce que ceux-ci leur demandent - peu importe le parti qu’ils représentent ! Ils dépendent plus des habitants que de leur bureau central à Moscou !"

Seven I : "sept bonnes choses que je voudrais faire"

Après l’aventure de la reconstruction du monastère, Elena a pris un nouvel engagement en fondant, avec des amis, l’association Seven I : "Sept choses bonnes que je voudrais faire", dans le domaine de la justice et de l’aide, explique-t-elle. L’idée est née au cours des travaux à Saint Nicolas. Il fallait absolument faire quelque chose pour tous ceux que l’Etat avait abandonnés : les enfants dans les rues, les jeunes sans travail, les vieilles personnes... L’association a été fondée avec le maire, et les liens sont restés très forts. "Nous le contactons directement dès qu’il nous semble qu’il existe quelque part une grande injustice."

Un des domaines où "Seven I" s’investit tout particulièrement, est la prévention contre la drogue et contre le sida. Cette année, l’association a invité les jeunes et les adultes en difficulté à profiter gratuitement, tous les soirs, d’une salle de sport. Comme plus de 50 personnes y viennent maintenant régulièrement, Elena cherche de l’argent pour louer d’autres salles. Par qui les activités de "Seven I" ont-elles été financées ? La municipalité, les citoyens y participent. Une fois, un soutien est venu d’une petite ONG des Etats-Unis, une autre fois d’une ONG anglaise.

Au cours des dix dernières années, beaucoup de choses ont été faites à Dzerzhinsky/Ygresha, grâce à la bonne coopération des citoyens : la ville a créé des écoles maternelles et même une structure spécifique pour des enfants handicapés. Il existe cinq écoles dans la ville, parmi lesquelles, une école de l’Unesco, un lycée technique, un lycée classique, et depuis 3 ans, une université, avec maintenant 300 étudiants. "Nous avons voulu que tout soit fait pour l’avenir des enfants".

Où trouver des financements ? Un peu auprès de l’Etat et bien sûr auprès de la municipalité. Les parents aident beaucoup. Il existe un fonds de soutien pour les jeunes professeurs. La ville leur réserve des appartements dans les maisons nouvellement construites.

Y a-t-il à Dzerzhinsky/Ygresha des problèmes de corruption ? "Chez nous ; il y en a très peu ! Les habitants veillent !"

Y a-t-il des problèmes de chômage ? "La proximité de Moscou nous aide, en ce domaine. Et la municipalité fait beaucoup. Pour 2002, le parlement de la ville a voté un projet de réparation des rues. Ensuite ce sera au tour de l’intérieur des maisons. Dans chaque quartier de notre ville, il y a une association des habitants. Le projet du parlement fournira du travail à ceux qui en ont besoin. Par ailleurs, de nouvelles entreprises se sont installées dans notre ville, notamment dans l’industrie du plastique. C’est surtout avec l’Allemagne que nous avons développé une bonne coopération. "

Et les problèmes de l’environnement, de pollution ? "Il y en avait beaucoup à l’époque soviétique. Mais aujourd’hui, l’industrie chimique qui travaillait pour les militaires est arrêtée. A Dzerzhinsky on trouve la plus grande centrale électrique d’Europe, au gaz, donc peu polluante - c’est-à-dire, il y a deux ans, elle a été équipée de filtres, en coopération avec des Allemands. ! Et depuis deux ans, la neige est de nouveau blanche !"

Key words

mobilization of the inhabitants, housing management, citizen initiative, social cohesion


, Russia, Dzerzhinsky

Comments

Elena Egorova a raconté cette histoire comme un vrai conte de Noël russe. Peut-être, a-t-elle idéalisé des choses, par enthousiasme et par fierté. Mais c’est le cas pour tout acte fondateur !

Notes

Contact : Elena Egorova, president of Seven I, Dzerzhinsky, Moscow Reg. P.O.B.245, Moscow 140090, Russie - seven@monnet.ru

Cette fiche a été rédigée lors de l’Assemblée mondiale des citoyens organisée par l’Alliance pour un monde responsable, pluriel et solidaire, Lille, décembre 2001.

Entretien avec EGOROVA, Elena

Source

Interview

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