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Quelle est l’utilité sociale du métier de journaliste dans un pays perturbé comme le Burundi

Les médias tiennent aujourd’hui une place prépondérante dans les sociétés. Certaines formes journalistiques sont souvent décriées et remises en cause par le grand public. Il est toutefois difficile de décider de ce qui peut être diffusé ou pas dans les pays à conflit comme le Burundi.

Amélie MOREL

12 / 2001

Au Burundi, pays d’Afrique centrale, règne un conflit entre deux ethnies majoritaires : les Hutus et les Tutsis. Il n’est pas simple dans ce contexte d’exercer le métier de journaliste. Innocent Muhozi s’y attache pourtant avec ferveur. Il a débuté comme journaliste-réalisateur il y a dix-sept ans et est depuis six ans directeur général de Radio-TV Burundi, chaîne publique. Il se définit lui-même comme un journaliste politiquement engagé. Arrivé dans le métier par hasard, Innocent Muhozi s’est engagé à tenir une certaine ligne de conduite dans sa pratique du journalisme. Pour lui, un journaliste doit avoir un minimum de conscience sociale et politique afin d’apporter une contribution la meilleure possible à la vie des citoyens. Cette conscience représente la « boussole quotidienne de son travail ». En effet, un journaliste subit une pression permanente de la part des différentes forces politiques et sociales. La prise de parole du journaliste est donc importante, il a un rôle public et doit affirmer ses convictions sans minimiser les risques encourus.

Pour tenir sa ligne de conduite, Innocent Muhozi a organisé la gestion de sa Radio-TV autour d’un triptyque qu’il s’est engagé à respecter en toute circonstance :

- Ne pas faire la promotion du « fascisme » ethnique.

- Essayer de " brouiller les cartes " dans les reportages sur la violence, de sorte que soient condamnées les violences sans pour autant provoquer la haine ethnique. Par exemple, Innocent préfère inviter des Hutus qui condamnent les actes d’autres Hutus que des Hutus incriminant des Tutsis. Il se refuse ainsi à être un vecteur supplémentaire du conflit.

- Faire tout ce qu’il est possible pour mettre en avant le personnes créatrices de « ponts », c’est-à-dire de réseaux d’échanges entre les groupes ethniques différents. Ce choix conduit Innocent à prendre des risques face aux forces politico-ethniques en conflit.

Innocent Muhozi a la possibilité de tenir son cap car, autour de lui s’est développée une synergie de forces agissant dans le même sens. Toujours avec le soutien de ces forces en corrélation, le directeur général de Radio-TV a pu constater des résultats encourageants de son action sur la société de son pays. Il a notamment acquis une crédibilité au sein de son public et de la profession. Pourtant, il rencontre encore des limites. Certes, les médias sont présentés comme le quatrième pouvoir, un pouvoir fort parfois difficile à gérer. Mais il continue à s’interroger sur la pertinence du chemin qu’il a choisi devant la difficulté à changer les choses. Selon lui, il ne faut pas se faire trop d’illusions sur l’évolution du métier et sur son utilité sociale, même s’il envisage d’étendre son engagement à la culture, à la fiction, à la musique.

Key words

journalism, influence on violence of the media, media and peace culture, civil war, freedom of the press


, Burundi

Comments

Cela fait deux semaines que la violence va crescendo autour de la capitale du Burundi. Les Burundais vivent avec la mort au quotidien. Le changement espéré par Innocent Muhozi, la possibilité pour les Burundais d’être des personnes « normales », qui réclament le droit à la vie et au respect aussi bien alimentaire que sanitaire, est une nouvelle fois taché de sang. Sa vision du journalisme m’a semblée pleine d’espoir pour son pays et, si des interrogations subsistent, ses objectifs restent clairs : être socialement impliqué et utile pour son pays.

Notes

Fiche rédigée dans le cadre de l’Assemblée Mondiale des Citoyens, Lille, décembre 2001.

Source

Interview

Entretien avec Innocent MUHOZI

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