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Vivre dans la rue

Logements de fortune à Rome

Karine SENEY

06 / 2008

Selon les pouvoirs publics, la capitale italienne comptait 6 000 sans-abri en 2005. Ce chiffre ne comprend pourtant pas les occupants qui squattent des bâtiments abandonnés, ni ceux des campements insalubres en périphérie de la ville… Difficile donc de savoir précisément combien de personnes vivent aujourd’hui dans la rue à Rome. A défaut de les compter, nous pouvons en revanche tenter de montrer qui sont ces personnes, où elles vivent et comment elles occupent l’espace urbain.

Réfugiés et demandeurs d’asile : entre centres d’accueil et occupations précaires

Parmi les personnes sans-abri, les réfugiés et demandeurs d’asile sont particulièrement représentés. Selon le rapport 2005 « Observatoire romain sur les migrations » de la Caritas Roma, la municipalité de Rome coordonne vingt centres d’accueil destinés à loger, pour une durée déterminée, 600 personnes, et à leur permettre d’accéder aux services publics (apprentissage de la langue, accès aux soins, recherche d’emploi). Cependant, le nombre de structures d’accueil apparaît insuffisant : plus de 7 000 demandeurs d’asile et réfugiés vivaient à Rome en 2005 et ce chiffre ne cesse d’augmenter. De plus, ces centres d’accueil, qui répondent aux besoins primaires des individus, ne permettent pas de vivre en famille.

C’est pourquoi les réfugiés se regroupent par familles ou par communauté et occupent, selon les possibilités, des édifices abandonnés qu’ils gèrent de manière autonome, ou parfois avec l’appui d’associations de lutte pour le droit au logement, telles que le Coordinamento Cittadino di Lotta per la casa, ACTion etc. Plus d’une vingtaine de sites étaient occupés en 2005 : Tiburtina, Collatina, Porto Fluviale, Via Bravetta, Via Sannio… Autant de lieux qui accueillent chacun entre 50 et 500 réfugiés et demandeurs d’asile en attente de papiers, d’un emploi et d’un logement décent. Et lorsque le propriétaire décide de réinvestir son bien, c’est l’expulsion immédiate et parfois violente de tous les occupants vers la rue.

Des camps de travailleurs immigrés ressortissants de l’Union européenne

Les immigrés en situation illégale sont également singulièrement concernés par des situations de logement très précaires. Sous les ponts, le long du fleuve Tevere, protégés par la végétation ou dans des camps en périphérie de la ville, vit une population importante de travailleurs immigrés, venus souvent des pays de l’Est en quête d’un emploi.

Michele, Roumain de 60 ans, vivait en 2005 le long du fleuve Tevere avec deux amis, dans des abris auto-construits. « C’est pas facile d’obtenir un travail en Italie, mais c’est toujours mieux qu’en Roumanie où je gagnais 50 euros par mois. Et tant que je suis en bonne santé, je préfère continuer à vivre près du fleuve que de louer une caravane 250 euros par mois, sans eau, ni électricité, dans un camp en périphérie de ville ». Trois abris individuels s’organisent autour d’une petite table basse et de quelques caisses en bois. Fabriqués à partir de matériaux récupérés, ils sont dépourvus d’intimité, du confort minimum et sont totalement exposés aux agressions extérieures : pourtant c’est bien là que vivent les trois hommes.

La réalité de Michele n’est pas un cas isolé. Depuis l’adhésion de la Roumanie à l’Union Européenne en 2007, le nombre de Roumains a considérablement augmenté en Italie. Selon l’organisation Caritas, le pays compte aujourd’hui 556 000 Roumains dont 170 000 de la communauté Rom. Dans la capitale, les Roms seraient environ 8 000, regroupés dans une vingtaine de camps, vivant dans des conditions insalubres, sous des cabanes faites de cartons, de tôles et de bâches en plastique. Mais leur situation pourrait se dégrader encore. Le nouveau maire de Rome, Gianni Alemanno, ancien néo-fasciste, a été élu fin avril 2008 grâce au mot d’ordre « Fermons les camps roms », ce qui préfigure des expulsions massives.

De faibles revenus face à la hausse de l’immobilier : des retraités expulsés

Les dernières personnes qui subissent les expulsions massives sont les personnes âgées, les retraités, qui ne peuvent assumer des augmentations importantes de loyer.

Leurs habitations vendues à des entreprises immobilières privées, ils sont nombreux à avoir été confrontés à des propositions d’acquisition ou à des augmentations de loyer exorbitantes. Une vieille dame témoigne lors d’une manifestation anti-expulsion : « Avec une pension de 700 euros et un loyer de 500 euros, j’ai déjà du mal à aller de l’avant. L’immeuble où j’habitais a été vendu à un privé, qui m’a aussitôt envoyé une lettre pour me proposer l’acquisition de l’habitation, où je vis depuis quarante ans, pour la modique somme de 210 000 euros. Mais comment je fais avec une pension de 700 euros ? ». Comme elle ne disposait pas d’un revenu suffisant pour acheter son logement, et qu’aucune banque n’autorisait de prêt à cette femme âgée de plus de 70 ans, elle a du quitter les lieux.

C’est ainsi que des occupations spontanées gérées uniquement par des femmes ont vu le jour depuis 2005. Le 8 mars 2008, un groupe de femmes, encouragées par le mouvement pour le droit à habiter ACTion, a été expulsé de l’établissement qu’elles occupaient depuis plusieurs mois. Ces femmes s’étaient organisées en collectif pour faire face à l’insécurité et à la précarité de la rue. Elles se retrouvent à nouveau dehors. Un tunnel sans fin…

Le cas d’un groupe de réfugiés politiques expulsé d’une occupation, Via Sannio Rome, 2005

Le 28 septembre 2005, 58 réfugiés et demandeurs d’asile, Erythréens et Ethiopiens ont été expulsés d’une occupation spontanée Via Sannio par la Commune de Rome.

Ils vivaient depuis un mois dans une maison abandonnée, sans électricité ni eau courante. Soucieux de leur avenir et du voisinage, ils avaient pris soin d’informer le quartier de leur présence en apposant sur la grille d’entrée un panneau expliquant leur situation. Tous étaient en possession d’une carte de réfugié ou d’un permis de séjour pour asile politique. Tous estimaient donc être sous la responsabilité de l’Etat italien. Quelle a été la réponse de ce dernier ?

La maison a été murée et les familles ont été contraintes d’investir le trottoir. Dans des conditions déplorables, sans une protection minimum, sans accès aux services sanitaires. Disposant de deux abris improvisés de bâches plastiques qui séparaient leur « espace privé » de la rue, ils dormaient dehors à tour de rôle, les lits alignés sur le trottoir et assuraient chacun à leur tour la sécurité du groupe. Ils cuisinaient, mangeaient et se lavaient dans la rue, à la vue de tous les passants. Ils sont restés ainsi plus d’un mois et demi, à l’abandon.

La seule solution proposée par la municipalité a été le placement des femmes et des enfants dans différents centres d’accueil, dispersés dans la ville, au prix de l’éclatement des familles.

Quelques tentatives de mobilisation des associations, comme ACTion, ASF, le Centre Astalli et le Cir ont vu le jour. Mais les listes d’attente pour accéder à un logement ou même à une place dans une occupation étaient si longues que cette situation n’a pas été considérée comme un cas urgent. Des personnes sont venues apporter leur aide pour trouver des solutions de relogement. La municipalité a obtenu ce qu’elle cherchait : l’épuisement a conduit à l’éclatement du groupe. Les personnes ont finalement trouvé refuge chez des amis ou dans des occupations temporaires.

Pour en savoir plus

La città presente. Rapporto su Roma 2005. Caritas diocesana di Roma. Ed. Franco Angeli.

Osservatorio Romano sulle Migrazioni. Rapporto 2004 a 2007 : caritasroma.it

Le site de la municipalité de Rome, section politique de l’habitat : www.comune.roma.it

Le site Unione inquilini : www.unioneinquilini.it

Il manifesto « Roma, in 10 mila contro gli sfratti », 30 ottobre 2005

Il manifesto « Roma, si suicida per lo sfratto », 12 ottobre 2005

L’Unità Roma « A Roma i poveri sono 300mila », 11 ottobre 2005

La Repubblica « Sfrattato, si butta dalla finestra », 11 ottobre 2005

Le Monde « Le nouveau gouvernement italien s’attaque à l’immigration clandestine » 14 mai 2008

Le Monde « Désignés à la vindicte populaire, les Roms d’Italie tentent de nouer le dialogue » 2 juin 2008

Palabras claves

desalojo, derecho a la vivienda, vivienda insalubre, vivienda precaria


, Italia, Rome

dosier

Europe : pas sans toit ! Le logement en question

Notas

Karine Seney est architecte. Elle a été volontaire à Rome auprès d’Architettura Senza Frontiere en partenariat avec Architecture et Développement et Echanges et Partenariats. Contact : seneyk (at) architectes.org

Fuente

Cet article est en partie la réactualisation d’un texte écrit en octobre 2005, avec Mélanie Playe, dans le cadre de l’échange associatif entre ASF Roma, Architecture et Développement et Echanges et Partenariats. Texte d’origine : http://emi-cfd.com/echanges-partenariats2/…

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