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La victoire du pot de verre sur le pot de chair ou l’émergence d’un monde sans pitié

Agnès DE SOUZA

1995

A la suite de la lecture de l’ouvrage "Le désir du gène" du Professeur Jacques Testart, le philosophe Michel Serres a analysé "la tentation d’excellence", une course au meilleur qui, pour lui, voue à l’échec le combat de l’utérus de chair contre son plus grand rival des temps à venir, l’utérus... de verre. Combat perdu d’avance pour l’utérus de chair, qui ne résistera pas plus au voisinage de son homologue de verre que le pot de terre de notre fabuliste ne résista à celui de son invulnérable ami de fer.

Loin d’être un accident de parcours dans notre histoire, cette "tentation d’excellence", telle qu’il l’analyse, paraît chevillée au corps de l’homme occidental. Privée ou publique, elle est en effet une exigence de tout le monde tout le temps, de faire, d’avoir, de construire, d’obtenir partout, dans tous les domaines, ce qu’il y a de meilleur. Qui ne souhaite vivre dans la meilleure société ou n’essaie de trouver pour ses enfants la meilleure institution? Et pour n’importe quoi le meilleur rapport qualité/prix? Comment alors pourrions-nous renoncer, si l’on en a les moyens, à créer les meilleurs fils et filles? Or, ces moyens, les progrès de la génétique les mettent désormais à notre portée. Ils s’appellent élimination des maladies géniques en amont de l’embryon et instauration d’une sélection parmi les possibles encore à naître. Et la dérive est aisée du possible au probable.

La course au meilleur:

Nous ne sommes jamais sortis de cette "tentation d’excellence". L’histoire nous montre que les sociétés ont toujours été gouvernées par les meilleurs, les plus forts ou les plus cultivés: la démocratie n’est qu’une aristocratie déguisée des "nantis et des favorisés, face au tiers et au quart monde des laissés pour compte" mais qui a changé de nom, comme l’eugénisme en changera pour être accepté. Michel Serres dénonce ici un darwinisme social sous-jacent qui ouvre la voie à l’eugénisme dont le projet est de sélectionner les meilleurs, comme le font jardiniers et éleveurs. Il ne se fait pas d’illusion quant à l’issue de cette recherche du meilleur qui ne peut engendrer que le pire, car comment l’homme pourrait-il savoir ce qui est le meilleur pour lui? Il faut compter avec les interactions qui font qu’une avancée incontestable prise en elle-même va dans son rapport avec une autre donner un résultat global négatif, tel élément mauvais pouvant à l’inverse rendre bon l’ensemble combiné de ses voisins. Michel Serres met en lumière le fait que l’eugénisme (qui veut améliorer l’espèce)pose les mêmes problèmes que l’idée de progrès (qui veut améliorer le monde alentour)et il appelle l’homme à la prudence et à la lenteur, rappelant que c’est de la recherche exclusive du meilleur que sont morts tous les grands empires.

Sujet, objet, instrument :

Tout comme Jacques Testart, Michel Serres dénonce le procédé par lequel notre société, et les sciences de la génétique en particulier, font cyniquement un objet d’un sujet, à despfins utilitaires ou d’expérimentation, en prenant toujours ces objets d’études parmi les moins forts ou les moins bons, animaux, femmes, enfants. En sciences humaines, voit-on des bergers des Pyrénées venir étudier les moeurs des professeurs au Collège de France? Notre société ne tarde pas à faire de l’objet un instrument: ainsi, l’animal-objet d’études fournira-t-il des organes de rechange. L’homme lui-même n’échappe pas à cette règle! J. Testart a remarqué qu’en quelques années le moment de la mort (dans sa définition)s’est beaucoup avancé tandis que celui du commencement de la vie a eu tendance à retarder... pour que nous puissions utiliser quelques objets demi-vivants ou morts à demi pour la technique et le commerce! L’important n’est pas tant la définition de la vie ou de la mort que ce vers quoi dérive l’effort de définition, vers l’objet puis vers l’instrument.

Le coeur, contre-pouvoir de la raison :

La compétition féroce dans laquelle se trouvent plongés le progrès et la recherche scientifique oblige à la course au meilleur, et parallèlement, à fabriquer le meilleur des hommes. Pour l’épistémologue qu’est Michel Serres on voit pour la première fois l’histoire s’identifier à la science, comme explication et transformation du monde, et lui dicter sa réponse. C’est pourquoi le remède au risque d’eugénisme se trouve moins entre les mains des scientifiques, plongés dans la concurrence que du côté de la morale, du droit, du coeur, de l’émotion qui pour lui, comme pour J. Testart, pourrait et devrait devenir un régulateur des applications de la science. Mais à l’échec prévisible de la lutte contre l’eugénisme, le Pr. Testart voit entre autres raisons le désir invincible d’éradication des émotions, auquel précisément le tri préalable des oeufs et le diagnostic préimplantatoire devront leur succès. Ainsi Michel Serres voit-il l’Occident rationnel s’acheminer vers un "meilleur des mondes" mortuaire et froid comme la pierre, excellent et dénué d’amour comme de pitié, tel que l’était le glorieux 17° siècle méprisant des souffrances et de la pauvreté. De toute urgence, le coeur et l’amour doivent être réhabilités, qui, seuls, permettent au meilleur de ne pas tourner au pire. L’amour ignore la comparaison et la hiérarchie, comme le montre cette jolie parabole: l’humanité naquit de ce qu’un Adam un jour crut qu’existait pour lui une Eve unique et singulière, et non pas plus belle ou plus riche ou meilleure. Mais de la pomme, à la tentation de laquelle ils succombèrent et qui s’appelait comparaison -le diable leur dit qu’ils deviendraient COMME Dieu- naquit l’Histoire, fleuve de larmes et sang mêlés qui prit la place du merveilleux jardin.

Palabras claves

investigación, genética, filosofía


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Comentarios

Le Progrès tel qu’il est conçu en occident, aliéné à la recherche scientifique, ne favorise pas les attitudes qui iront dans le sens d’une meilleure humanité. Cet article dans lequel se déploie la lucidité de l’épistémologue, a l’intérêt, à travers l’analyse qui est faite de la tentation d’excellence, de nous alarmer sur le triple caractère: historiquement inéluctable, moralement inacceptable et philosophiquement absurde, de l’eugénisme. Inéluctable à un moment donné de notre histoire, comme une des composantes de notre Progrès. Moralement inacceptable, car outre qu’est odieux tout procédé qui tend à faire de l’individu un moyen et non une fin en soi, l’eugénisme est "inhumain", au sens où la définition même de l’humain se réfère à la bonté, à la compassion, à la faiblesse et à la fragilité qui caractérisent la place de l’homme dans la nature, et non à la force la plus grande ou la place la meilleure. Enfin, philosophiquement absurde, car la recherche du meilleur ne peut donner que le pire dans la mesure où l’homme ne peut posséder le savoir absolu qui lui permettrait de connaître ce "meilleur".

Cette tentation d’excellence qui définit si bien l’homme occidental n’est cependant pas universelle. L’ethnologie nous décrit des sociétés qui en sont, semble-t-il, dépourvues, et nous enseigne donc la possibilité, si l’on veut rendre -ou donner- à l’humain son humanité, d’autres modèles.

Notas

TESTART, JacquesLe désir du gène, Champs-Flammarion, 1994, 2 08 081282 4, 281p

Fuente

Artículos y dossiers

SERRES, Michel, De chair ou de verre, Edinter in. Impact médecin hebdo, 1993/01 (France), 175

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