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Les défauts des ONG bailleuses de fonds (Tchad)

Marc MOUGNAN, Benoît LECOMTE

04 / 1998

Marc Mougnan, Vice-Président de l’ASSAILD (Association d’Appui aux Initiatives Locales de Développement) explique ceci :

1/ L’aide comme un cheveu sur la soupe.

"L’aide extérieure, généralement, et surtout dans notre pays, c’est ce que les bailleurs imposent et non ce que la population elle-même souhaite avoir. Par exemple, PpM (Pain pour le Monde) a proposé aux paysans des pompes parce qu’il pense qu’ils peuvent faire du jardinage. Quand le premier groupement a reçu une moto-pompe, tous les groupements, tout le long du fleuve Logone ont demandé des moto-pompes. Ils les ont distribuées mais elles n’ont jamais fonctionné. L’aide casse l’autonomie des gens parce que le bailleur s’impose. Il n’est pas venu pour aider, mais il est venu avec une idée arrêtée de ce que nous devons faire. Les gens sont obligés de s’orienter dans la ligne de conduite du bailleur plutôt que d’emprunter leur chemin. Le gâteau c’est bon, mais si le type est habitué à manger les beignets de mil, il faut l’aider à produire plus de beignets de mil plutôt que de lui dire: "Le gâteau, c’est très nourrissant; il y a du sucre, ceci et cela". Lui, son besoin est de manger le beignet de mil et vous venez lui proposer un gâteau. Cela ne va pas car il faut qu’il ait les moyens de faire ce gâteau, qu’il produise assez de blé pour continuer à manger ce gâteau, qu’il connaisse la technique de fabrication de ce gâteau.

Les aides n’ont pas vraiment perçu le besoin des gens, ce que les gens veulent réellement. Par exemple lorsque vous faites un projet vous-mêmes, que vous êtes déjà train de le réaliser et que vous le proposez aux bailleurs, ils disent : "Non, cela n’entre pas dans notre ligne", ou "on ne peut pas financer". C’est l’inverse de ce qu’il faudrait faire : regarder ce que les gens font ! Quelles sont leurs difficultés ? Qu’est-ce que les gens eux-mêmes ont à proposer comme solution ? Les gens sont-ils déjà en train de faire quelque chose vers ces solutions ? Même si ce sont des choses qui ne sont pas entrées dans les lignes des bailleurs, ils doivent essayer de comprendre et laisser les gens s’orienter de cette manière. On doit voir ce que les gens cherchent, ce qu’ils sont déjà en train de faire et il faut les accompagner dans ce qu’ils font. Mais les gens de l’aide viennent avec des techniques nouvelles et veulent les imposer. Les gens d’ici, qui ont toujours besoin de l’aide, disent : "Nous sommes prêts à recevoir", mais la gestion de cette aide-là ne va pas loin !

C’est normal que les bailleurs essayent de voir l’utilisation de ce qu’ils ont mis à la disposition des gens. Mais ils ne sont pas obligés d’aller eux-mêmes sur le terrain puisqu’il y a des gens qui font justement le même travail, qui sont sur place et qui peuvent leur donner des informations. Cela a été un des problèmes qu’on a eus avec PpM ou EIRENE (ONG européenne de volontariat) ; ils refusent d’intervenir s’ils n’ont pas quelqu’un pour vérifier sur le terrain. Les bailleurs, s’ils veulent vraiment aider, ne sont pas obligés d’aller dans les petits villages. Ils peuvent faire confiance aux intervenants qui sont sur le terrain. Pour apporter une aide dans un canton comme Oudinya, pourquoi ne pas demander à l’ONDR (Office National de Développement Rural) ou à l’ASSAILD (Association d’Appui aux Initiatives Locales de Développement) de surveiller et de faire des comptes-rendus aux bailleurs ? Il faut demander cela à des gens proches des populations, qui les rencontrent souvent, utiliser nos associations pour vérifier le travail accompli, la motivation".

2/ Deux exemples montrant qu’une aide adaptée est difficile à obtenir.

- Les promesses non tenues : "Après trois ans de fonctionnement sans aide, les banques de céréales avaient besoin d’appui. J’ai discuté avec les amis de Pain pour le Monde qui m’ont conseiller de faire une demande auprès d’eux. On l’a fait. Après, ils nous ont dit qu’ils allaient venir visiter les magasins. Ils sont venus visiter tout ce que nous avons fait. Six mois après, ils nous ont écrit pour dire : "Maintenant, puisqu’on s’occupe en priorité des handicapés, c’est impossible de venir vers vous". Puis deux mois plus tard, ils nous ont proposé de réintroduire la demande. C’est ce qu’on a fait et ça a tourné en rond à Moundou et à N’Djaména jusqu’au moment où je suis allé les voir pour qu’ils éclaircissent la situation.

- Les bailleurs ne touchent pas les plus déshérités : "Ils sont toujours dans les alentours des grandes villes, mais quand vous leur proposez un projet dans un village éloigné, on vous dit qu’il n’y aura personne pour aller contrôler, et que donc il n’y aura pas d’intervention. J’ai vécu ce cas dans un village de mon canton, un village assez abandonné qui, parfois pendant la saison des pluies, est coupé du reste du Tchad. Il y a trop de maladies dans cette zone (morsure de serpent, tuberculose, méningite, etc.) et les enfants mouraient à tous moments. On a proposé la création d’un centre médical et envoyé la demande à PpM. Les paysans ont même fabriqué des briques ! Mais les gens de PpM ont demandé qui allait contrôler, gérer. J’ai répondu, pour le contrôle : "Vous allez venir voir, mais la gestion est communautaire donc vous n’avez pas besoin de mettre des gestionnaires formés". Nous étions prêts à faire la formation de gestionnaires sur le tas. Comme ils étaient réticents, j’ai donné de mes propres moyens pour installer une pharmacie au village pour montrer que c’était nécessaire qu’ils nous aident, qu’on avait la volonté de changer la situation. Quand leurs agents sont enfin venus voir l’état de santé des gens, ils ont dit qu’ils pouvaient nous aider. Ils ont envoyé 3 ou 4 millions pour construire un centre médical qui sauve désormais beaucoup de gens".

Palabras claves

comunidad campesina, solidaridad, ONG del Norte, ONG del Sur, desarrollo local, proyecto de desarrollo, agencia financiadora


, Chad, Moundou

Comentarios

En quelques formules et deux histoires, notre interlocuteur tchadien décrit les trois principaux défauts de l’aide extérieure : savoir à la place des gens ce dont ceux-ci ont besoin, imposer leurs points de vue et enfin ne pas s’intéresser assez aux organismes sur place qui pourraient les aider à voir plus clair et à gérer correctement.

Notas

Notre interlocuteur travaille comme cadre dans l’Office National de Développement Rural (ONDR) à Moundou et milite dans diverses associations régionales.

Entretien avec MOUGNAN, Marc, réalisé en avril 1998.

Fuente

Entrevista

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