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La pêche artisanale en Afrique de l’Ouest

Réalisé par l’ADEPA

08 / 2000

La pêche artisanale en Afrique de l’Ouest

Présentation du secteur

Zone géographique : région ouest africaine qui s’étend de la Mauritanie au Nord, au Nigéria au Sud. Au total 16 pays dont treize bordent la côte-est de l’Océan Atlantique, avec un littoral total de 6 400 km2 et un total de plate-forme continentale de 301 050 km2.

Trois pays sans littoral donc sans accès aux ressources marines : Burkina Faso, Niger, Mali

  • Pêche artisanale et exploitation des ressources

Production : 1,6 millions de tonnes par an de production globale dont plus de 70 % proviennent de la pêche artisanale (indicateurs de base de l’économie et des pêches de l’UE, 1995). Ce chiffre couvre les 16 pays de la région et ne tient pas compte des importants débarquements non enregistrés.

Zones de pêche : pêche continentale (eaux intérieures) et maritime.

Les zones de pêche en mer, selon la Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer vont de 3 à 12 miles selon les pays. La pêche artisanale évolue généralement dans cette zone, à cause de la faiblesse de ses équipements. Mais la ZEE (Zone Economique Exclusive) qui détermine les limites du droit des Etats côtiers sur la mer et ses ressources peut s’étendre jusqu’à 200 miles.

Les métiers : différents corps de métiers caractérisent le secteur de la pêche artisanale. De la capture du poisson jusqu’à sa consommation, on peut distinguer : les pêcheurs, les mareyeurs (ses), les transformateurs (trices) de poisson, les commerçants(tes) de poisson.

L’emploi : environ 912 000 pêcheurs artisans travaillent à plein temps dans la région, utilisant environ 135 000 pirogues, dont le taux de motorisation, bien que grandissant, se trouve encore à 32 % (projet Développement Intégré de la Pêche Artisanale- DIPA et Union Européenne, 1995). La pêche artisanale utilise pratiquement les mêmes engins à travers toute l’Afrique de l’Ouest : filets, lignes, seines tournantes, et palangres.

La pêche artisanale procure globalement du travail à plus de 4 millions de personnes (Indicateurs de base, UE, 1988)

Les activités de la pêche artisanale sont partagées entre hommes et femmes. Les hommes sont essentiellement impliqués dans l’action de pêche tandis que les femmes sont dans les activités post-captures à savoir la transformation et la vente du poisson.

Transformation artisanale : les femmes occupent une place importante dans la transformation (environ 90 %). Les méthodes de transformation utilisées dans le secteur pêche artisanale sont principalement traditionnelles, même si des technologies améliorées sont entrain d’être introduites et graduellement adoptées.

Pêche artisanale et sécurité alimentaire : poisson, une des denrées les moins chères, donc accessible à une large couche de la population.

Consommation par tête d’habitant : 9,2 kg (moyenne mondiale 13 kg).

Un des défis auxquels fait face la région est le développement de programmes qui pourraient permettre aux pêcheurs de capturer le stock abondant de petits pélagiques existant, à un coût bas, de telle sorte que cette espèce de poisson soit disponible à un prix raisonnable pour le consommateur. Même si les petits pélagiques tels que l’ethmalose et la sardinelle sont rapidement écoulées à travers la région, le problème majeur est qu’ils se détériorent vite. Ce qui pose des problèmes de conservation.

Par ailleurs, la pêche artisanale est menacée par les bateaux de pêche industriels, nationaux qu’internationaux qui évoluent dans le cadre des accords de pêche Ces bateaux qui ne se contentent plus des incursions dans les eaux réservées à la pêche artisanale, ciblent désormais les ressources pélagiques comme c’est le cas des Accords de pêche entre l’UE et le Sénégal.

  • Pêche artisanale et commercialisation des produits

Principaux flux de la région

Ghana - Togo - Bénin - Nigéria

Gambie - Ghana

Gambie - Guinée

Mopti (Mali) - Côte d’Ivoire - Burkina Faso

Côte d’Ivoire - Burkina Faso

Maiduguri (Nigeria) - autres états du Nigéria. Maiduguri, située au Nord du Nigéria près du Lac Tchad, produit à elle seule presque la totalité du poisson consommé dans le pays, soit au moins 400 000 tonnes par an.

La place des femmes dans la filière

Les femmes jouent un rôle prépondérant dans la filière, notamment dans le micro-mareyage.

Efforts en matière de normes pour se positionner sur le marché à l’export.

Cependant, difficultés dans la commercialisation à cause de l’analphabétisme (41 %). Difficulté d’accès aux informations d’import-export; barrières tarifaires et non tarifaires ; manque d’informations sur les disponibilités en poisson en dépit de quelques efforts fournis par le Programme Régional « Valorisation des captures de la pêche Artisanale » en Afrique de l’Ouest (PPAO) à travers son bulletin mensuel « Flash-Marché » et ses émissions radio rurale…

En plus de ces problèmes, il faut ajouter le crédit.

  • Pêche artisanale et Organisations Professionnelles

L’ambition du secteur de s’affirmer comme interlocuteur socio-professionnel face aux décideurs en ce qui concerne les politiques publiques le concernant, conduit aujourd’hui à l’émergence d’organisations professionnelles représentatives, de réseaux régionaux d’opérateurs privés, voire d’interprofessions.

Cela n’empêche qu’il reste encore beaucoup à faire sur le plan renforcement institutionnel de ces organisations.

Plusieurs illustrations de cette évolution seront données.

  • Pêche artisanale et coopération technique et financière

Il est envisagé de dresser un bref état de la coopération Europe / Afrique de l’Ouest, notamment les thématiques traités au plan régional. Ce sera l’occasion de constater le divorce existant entre l’importance économique du secteur de la pêche artisanale et la non prise en compte de ce dernier dans la succession des Programmes Indicatifs Régionaux (fonds FED).

Pêche artisanale et coopération régionale en Afrique de l’Ouest

1994-2000 : le cas du programme régional « Valorisation des captures de la pêche artisanale »

  • Diagnostic et enseignements

Un rappel : en 1992, les directeurs des pêches de la région et l’Union Européenne (bailleur de fonds-FED), confient l’exécution et la gestion du Programme Régional « Valorisation des Captures de la Pêche Artisanale » en Afrique de l’Ouest (PPAO) à l’Association Ouest africaine pour le Développement de la Pêche Artisanale (ADEPA). L’ADEPA est un collectif d’ONG investies de longue date dans le secteur des pêches et du développement rural (voir la fiche de présentation de l’ADEPA).

L’axe d’intervention au profit des opérateurs économiques de la filière pêche artisanale portait sur la « valorisation des produits après capture ».

La dimension régionale du Programme s’expliquait en ces termes :

  • Les problèmes des pertes après captures et tous les problèmes de base de la pêche à petite échelle sont les mêmes dans tous les pays de la région. L’approche régionale apparaît donc comme étant la plus pertinente pour résoudre les problèmes de pertes après captures dans la région.

  • Il existe en Afrique de l’Ouest une somme considérable de connaissances, d’expertise, capables d’être collecter et diffuser à grande échelle. Malheureusement, les Etats, pris individuellement, ne disposent pas de compétences humaines ni financières suffisantes pour résoudre leurs problèmes et en tirer des impacts significatifs. A l’échelle régionale, cela est possible et le PPAO l’a expérimenté.

  • Les tests de la Convention de Lomé sont favorables aux programmes à approche régionale.

L’exposé des attentes de ce programme sera l’occasion de se rappeler tout le lot d’interrogations et de scepticisme ayant accompagné sa mise en œuvre, compte tenu de l’hétérogénéité de la zone géographique tant au plan des métiers (pêche maritime, pêche continentale), qu’au plan linguistique (francophone, anglophone, lusophone).

L’ADEPA a tenu à organiser ce colloque pour, justement, capitaliser les enseignements d’une expérience témoignant de la faisabilité d’une coopération régionale, impliquant et responsabilisant les petits opérateurs économiques et leurs organisations professionnelles.

Quatre niveaux d’enseignement seront portés à la réflexion des participants :

  • les apprentissages collectifs (expériences partagées) au plan des technologies de valorisation des produits, de l’organisation de la mise en marché, des dispositifs de crédit pour les petits opérateurs, de l’accès à l’information économique, du renforcement des capacités d’initiatives des organisations professionnelles, etc. ;

  • l’émergence de réseaux structurés, de lieux d’échanges, impliquant et mobilisant les divers acteurs économiques et intervenants dans la filière : forums des organisations professionnelles de pêcheurs, de femmes transformatrices et commerçantes, cercles de qualité regroupant les compétences des institutions sectorielles de la région, de plusieurs réseaux bancaires mutualistes, des administrations des pêches, d’ONG d’appui-conseil, réseau de journalistes, etc. ;

  • la mobilisation de l’expertise ouest africaine, notamment au plan technologique et économique, au plan de la communication (média : presse écrite, radio, télévision), au plan bancaire (réseaux mutualistes) ;

  • l’inadéquation des procédures de bailleurs de fonds quant à la prise en compte, déterminante, des dynamiques socio-professionnelles, de l’appui institutionnel, du temps requis pour la concertation et le dialogue.

La pêche artisanale : un enjeu régional économique et social. Un pari sur l’avenir des politiques publiques d’accompagnement du secteur artisan

Éléments clés à mettre en exergue :

  • la contribution du secteur dans l’approvisionnement des populations en protéines animales.

  • la pêche à très petite échelle, maritime et continentale assure, souvent de manière essentielle, la production de base pour l’autoconsommation familiale (données rarement prises en compte dans les comptes nationaux) et fournit plus de la moitié du poisson vendu sur les marchés de la région

  • la rareté de la ressource : concurrence sur les zones de pêche entre flottes nationales et étrangères (accords de pêche sur les espèces démersales, les céphalopodes, voire sur certains pélagiques). Conséquence : problème de sécurité des pêcheurs artisans

  • urgence d’une autorégulation dans l’exploitation des stocks (importance de la formation), de l’implication des interprofessions dans les politiques de conservation de la ressource, de surveillance régionale des pêches côtières. Implication des professionnels artisans dans les négociations d’accords de pêche dans tous les pays de la région. Mais avec la globalisation, des sociétés mixtes commencent à remplacer les accords classiques, ce qui risque de remettre en cause la participation des pêcheurs artisans aux négociations sur les accords de pêche

  • le commerce interrégional des produits frais ou transformés. Les marchés régionaux des pays importateurs connaissent régulièrement des difficultés d’approvisionnement, en raison notamment de la persistance des barrières tarifaires et non tarifaires. C’est la situation qui prévaut, alors même que les organisations professionnelles, grâce aux réseaux qui se tissent dans la région, sont à même d’améliorer sensiblement la desserte des marchés dans les pays déficitaires en poisson.

Par rapport au commerce extérieur, des opérateurs artisanaux préfèrent depuis la dévaluation du franc cfa, exporter les poissons nobles vers les marchés occidentaux. Conséquence : la demande internationale concurrence la demande locale; ce qui n’est pas pour assurer la sécurité alimentaire de la population locale.

  • l’emploi généré par la filière, à tous les stades

La vitalité dont fait preuve la pêche artisanale, tant maritime que continentale, contribue à assurer une dynamique et une fixation de l’emploi, notamment dans les communautés littorales.

Le secteur détient encore des potentialités de développement. Là où se développe des dispositifs organisés de crédit mutuel, la pêche prouve sa capacité à être pourvoyeur de capitaux sur ses propres fonds ; ceci a été par trop masqué jusqu’à présent par l’injection de crédits externes aux effets plutôt pervers.

Autres données longtemps oubliées des statistiques et des plans de développement : la place des femmes dans la filière pêche à tous les niveaux. En Afrique subsaharienne, « les femmes représentent 80% de la force humaine utilisée pour la production alimentaire ; elles sont les mille et une petites mains qui nourrissent le continent » (E. Lequeret-RFI).

  • l’apport de la pêche artisanale au développement local

L’activité a évolué vers une économie marchande conséquente. La valorisation du produit à tous les stades contribue à dynamiser les ventes. La plus value dégagée, gérée par les femmes, engendre des effets immédiats, bien concrets, dans les domaines de : l’habitat, la santé, la scolarité des enfants, l’accès à l’information.

L’émergence des Collectivités Locales dans le champ des politiques de développement, l’implication des opérateurs privés et des organisations professionnelles dans la programmation d’opérations d’aménagement, engendrent des synergies nouvelles dont le secteur pêche n’est pas absent.

Il convient par conséquent de déterminer ce qu’il faut privilégier dans les politiques publiques d’accompagnement du secteur de la pêche artisanale. Deux aspects particuliers (interactifs) sont prioritairement pris en compte :

* le développement de capacités institutionnelles

La cible visée est celle des acteurs du développement. Le terme d’acteurs s’applique ici tout aussi bien au secteur informel, aux entreprises, aux organisations professionnelles, qu’aux collectivités locales et aux ONG d’appui conseil. Ce qui est revendiqué, c’est la reconnaissance, l’implication de ces acteurs dans les sphères locales, nationales, régionales, où se définissent, se déterminent les politiques publiques d’accompagnement du secteur des pêches.

En conséquence, notre propos vise l’instauration de politiques de moyens favorisant la « création d’acteurs ». Ceci vaut tout particulièrement pour les organisations professionnelles de la filière :

  • les aider à définir, consolider leur rôle dans les économies nationales, à développer des points de vue collectifs ;

  • les aider à participer, de concert avec les élus et les autorités administratives, à l’élaboration de politiques favorisant l’essor d’une coopération régionale pêche artisanale en Afrique de l’Ouest.

Nous rejoignons ici les termes du mandat de négociation de l’U.E pour Lomé V : « La nécessité d’appuyer l’émergence et l’organisation des acteurs économiques et sociaux, des processus plutôt que des projets ».

* une stratégie d’intervention centrée sur les acteurs et les processus de développement

Il convient de passer du concept de « projet » à celui « d’accompagnement des processus sociaux, des dynamiques socioprofessionnelles », ce au plan sectoriel (ensemble de la filière pêche) et du territoire (zones très dépendantes de la pêche artisanale).

Sur ce registre, il s’agit en fait de soutenir, du plan local au régional, les politiques d’accompagnement favorisant les « apprentissages collectifs », la mobilisation de l’expertise propres des ACP, l’un et l’autre trop souvent ignorés, peu ou pas considérés à leur juste valeur. C’est sur l’enseignement de ces apprentissages (expériences partagées, du local au régional) qu’émergeront des solidarités régionales, des réseaux professionnels, des programmes d’actions concertés, répondant aux réels besoins des opérateurs privés du secteur.

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