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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

La coopérative « Perou » : de l’occupation d’un immeuble de la Ville au lancement d’un projet de développement local à Buenos Aires, Argentine

Nestor JEIFETZ, Carla RODRIGUEZ

1999

Localisation de l’expérience : Quartier San Telmo (Zone de conservation historique), Buenos Aires, Argentine.

Le contexte politico-institutionnel local

Le quartier de San Telmo se trouve au sud de la ville de Buenos Aires. Il comprend un nombre important d’immeubles vides, beaucoup d’entre eux appartenant à la Ville.

Avec le retour de la démocratie dans les années 80, une grande partie de ces bâtiments furent occupés par des familles de squatters, une population estimée à 150 000 dans l’ensemble de la ville de Buenos Aires.

L’expérience de la Coopérative « Perou» s’est déroulé en plusieurs étapes :

  • Phase d’occupation de l’immeuble :

i) 1987 : Occupation de l’immeuble propriété de la municipalité (Ministère de l’Education).

  • Phase de résistance contre les expulsions :

ii) 1988-1993 : Différentes formes d’organisation internes informelles

iii) 1994 : intégration au MOI (Mouvement d’Occupants et de Locataires), en danger d’expulsion et création d’un groupe « précoopératif ».

  • Phase d’organisation autogestionnaire pour l’achat de l’immeuble

iv) 1995: Constitution d’une organisation coopérative autogestionnaire.

v) 1995-1996 : Lutte pour la régularisation foncière et pour la vente de l’immeuble aux occupants, sur la base de la législation locale.

vi) Décembre 1996 : Approbation de l’acte de vente de l’immeuble aux occupants. Il s’agit de la première expérience de ce type.

  • Phase de lancement d’un projet de développement local

vii) 1997 : Vote de l’ordonnance de l’exécutif local élu, reformulation de la proposition et obtention du concensus de l’exécutif et du législatif, nouvelle tentative d’expulsion.

viii) décembre 1997 : Approbation de la vente de l’immeuble, inscrite dans le cadre d’un Programme de développement local plus large qui implique la participation d’acteurs gouvernementaux (Ministère de l’éducation, Ministère de la Promotion Sociale, Commission Municipale du Logement) et non gouvernementaux (MOI, Réseau solidaire des organisations de San Telmo et Monserrat).

Caractéristiques des personnes concernées

La maison de la rue Perou est une construction ancienne de deux niveaux, avec des chambres contiguës situées sur un large dégagement ouvert mitoyen avec un immeuble voisin. 22 familles habitent cet immeuble soit au total 96 personnes. Il s’agit de familles jeunes parmi lesquelles 41 % sont des familles nombreuses.

Demandes des personnes concernées

La demande principale des familles face au danger d’expulsion est la nécessité de rester dans le quartier, sans avoir une idée claire de comment s’y prendre. Depuis la fin des années 80, la possibilité d’arrêter les expulsions grâce aux négociations et aux entretiens informels avec les fonctionnaires s’est peu à peu réduite. Avec la conscience d’être « en faute » à cause de leur situation de squatters, les familles ne sont pas pressées de se transformer en propriétaires et de revendiquer leur droit à rester dans la ville.

Processus d’organisation et stratégies

Lorsque les familles prennent contact avec le MOI en 1994, elles commencent par organiser une coopérative de logement, avec un objectif collectif : la recherche de la régularisation de la possession au moyen de l’achat de l’immeuble. Elles proposent une opération publique de réhabilitation, en recherchant l’intégration urbanistique, physique et sociale du quartier San Telmo tout en affirmant leur volonté de rester dans le quartier.

La stratégie s’oriente alors vers un processus d’organisation autogestionnaire, ce qui suppose une première organisation, la « précoopérative », au sein de laquelle les familles établissent un règlement interne de fonctionnement et commencent un processus d’épargne.

À travers ce processus, le groupe de familles de la rue Pérou s’intègre progressivement dans une organisation plus importante. Elles apportent leurs expériences et leurs contacts à partir desquels elle peuvent offrir une proposition spécifique qui alimente les deux processus : celui de la coopérative et ses nécessités spécifiques et celui du MOI en tant qu’acteur de la scène sociale urbaine.

La proposition élaborée dans ce cadre se concrétise ensuite par un projet d’aménagement qui permet de commencer un partenariat avec tous les représentants de l’appareil législatif local, les institutions et les habitants du quartier, en cherchant des concensus sur cette expérience et sur le futur du patrimoine municipal en tant qu’objectif stratégique.

La proposition de loi s’accompagne d’un projet concret qui propose la réhabilitation publique de l’immeuble avec des critères sociaux, prenant en compte les caractéristiques de la population qui habite aujourd’hui le quartier.

Après presque deux ans d’organisation et de négociation avec l’appareil législatif local, le projet de loi est enfin adopté, bien qu’il soit repoussé par l’exécutif élu et qu’il s’intègre dans les nouvelles réformes constitutionnelles. Ce refus, de manière officielle, s’appuie sur l’impossibilité de réhabiliter l’immeuble, pour ses conditions de dégradation, et à cause du besoin de l’utiliser avec les deux parcelles mitoyennes, qui appartiennent aussi au Ministère de l’Education de la Municipalité, pour réaliser un projet éducatif de quartier. Cependant, le motif réel semble être celui de n’avoir pas d’antécédents en matière de régularisation de biens publics. Néanmoins, reconnaissant la lutte des familles, on leur offre une solution de rechange dans un autre quartier de la ville à travers la Commission Municipale du Logement.

Finalement, la Municipalité est obligée de prendre en compte l’existence d’un immeuble vide depuis 15 ans lui appartenant, et sur lequel elle ne prenait aucun engagement. D’un autre côté, le refus des familles a permis de faire reconnaître le droit acquis par les familles en s’organisant, pour accéder à un logement dans la ville.

La Coopérative Perou, avec le MOI, n’a pas repoussé cette option, mais elle a décidé de faire une autre proposition : il s’agit d’élaborer un projet commun, en démontrant que les différents acteurs du quartier peuvent appréhender ensemble leurs besoins, sur la base d’un développement local.

En 1997, a commencé le partenariat avec les différentes instances de l’exécutif et la participation du MOI au sein du Mouvement pour le budget participatif, impulsant la Coopérative Perou comme une expérience pilote de développement local. Le processus s’est achevé avec l’accord du Chef du Gouvernement qui a revu sa position. La démarche a été conclue avec l’approbation du corps législatif

Impact sur la politique de rénovation

Le phénomène massif d’occupation des immeubles dans le centre ville, impliquant environ 150 000 personnes, et l’existence d’un stock important de logements vides — nombre d’entre eux appartenant à l’Etat — montre la nécessité de construire un mécanisme qui puisse les canaliser. Ce mécanisme, c’est la politique publique de réhabilitation pour les secteurs populaires de la ville.

Participation à la planification urbaine

En ce qui concerne l’utilisation du sol, les propositions d’habitat des secteurs populaires apportent un contenu social à la neutralité de l’affectation du sol. À partir de ses propres besoins, le groupe organisé lance la mise en place de mécanismes démocratiques de planification budgétaire prévus par la nouvelle législation.

Acteurs impliqués dans le processus et leurs rôles

  • La coopérative Perou : C’est le mode d’organisation des familles occupantes. Elle définit la proposition dans le cadre du MOI, lance et gère le projet de loi.

  • L’association MOI (Mouvement d’Occupants et de Locataires) : Elle accompagne le processus d’organisation en tant que membre solidaire pour la revendication des politiques populaires autogestionnaires de réhabilitation, elle fournit l’assistance technique, accompagne les démarches et lance la discussion dans le cadre plus large du Groupe de Travail avec la Municipalité, le réseau Solidaire des organisations de San Telmo et Monserrat et le Mouvement pour le budget participatif.

  • La Chambre des Députés de la Municipalité : C’est la première instance gouvernementale qui analyse et discute la proposition, trouve des concensus entre les différents partis et le vote.

  • Le Maire de la Ville : Dans un premier temps approuve la proposition. Après un processus de dialogue avec le MOI et avec les acteurs de l’exécutif apparemment affectés et dans le cadre du Mouvement pour le budget Participatif, il modifie son point vue, en suggérant la possibilité de réalisation d’un projet de Développement local.

  • Le Ministère de promotion sociale de la Municipalité : Acteur institutionnel, siège du Projet de développement local de San Telmo et membre du Groupe de travail avec le MOI. C’est l’un des acteurs qui devra lancer le projet.

  • Le Ministère de l’Education de la Municipalité : Acteur clef, pour dynamiser le Projet de développement local. Il doit changer l’affectation de l’immeuble.

  • La Commission municipale du logement : Elle fait partie du Groupe de travail avec le MOI. Elle est concernée par la possible destination d’une troisième parcelle comprise dans le projet et par le processus de vente de l’immeuble.

  • Réseau Solidaire des organisations de San Telmo et Monserrat : Il sera impliqué dans la définition du Projet de développement local de San Telmo qui prévoit l’installation d’un équipement communautaire de quartier. Il accompagne aussi le processus de gestion de la Coopérative Perou.

  • Bilance (Cooperation internationale) : Elle finance partiellement l’assistance technique que le MOI a développée dans ce procesus, et quelques coopératives du programme «Construire avec des briques ».

  • CTA (Centrale syndicale indépendante) : elle a lancé le Mouvement pour le Budget participatif. Elle appuie et facilite les gestions auprès de la Municipalité.

Réactions des différents secteurs

La Municipalité a développé un processus qui vient du refus initial de procéder à la légalisation des habitants en situation irrégulière et pour lequel elle a du remettre en cause un autre besoin — l’éducation — qui, pour ce qui concerne cet immeuble était « bloqué ». Face à la réponse de l’organisation, qui consiste à intégrer les deux besoins, la Municipalité a pu modifier son opinion en ouvrant un nouveau champ afin de créer une expérience de développement local.

Mots-clés

mobilisation des habitants, expulsion de logement, quartier populaire, coopérative de logement


, Argentine, Buenos Aires

dossier

Vivre dans les centres historiques : expériences et luttes des habitants pour rester dans les centres historiques

Commentaire

Avancer dans la réalisation des propositions dépend de la capacité de construction des alliances sociales qui lancent, avec une force positive, des projets de transformation physiques intégrés, qui répondent aux demandes sociales à l’échelon local. Pour cela, il faut dépasser la fragmentation des différents secteurs qui ne sont pas impliqués directement dans les processus de rénovation urbaine.

MOI (Movimiento de Ocupantes e Inquilinos) - Ramon Carrillo 578, 1275, Capital Federal, Buenos Aires, ARGENTINE - Tel : 943 62 85 - Fax : 325 77 12 - Argentine - www.moicoop.org.ar - info (@) moi.org.ar

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