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Un investissement en pompage solaire dans le Sahel malien

Les leçons de l’expérience du village de Tinkaré

Gilbert LÉONHARDT

04 / 2008

C’est le soleil qui actionne désormais les forages F4 et F5 du village de Tinkaré, rendant inutiles deux groupes électrogènes diésel, usés par six années de fonctionnement.

Le village de Tinkaré, avec une population de près de 6000 habitants, est l’un des plus importants de la commune de Diéma, à la limite de la zone sahélienne, à 280 km. à l’est de Kayes et à 350 km. au nord de Bamako. Sa diaspora de 800 ressortissants en France est regroupée dans l’association ODHT (Organisation pour le Développement Hydraulique de Tinkaré).

De tous temps, le village a assuré son alimentation en eau grâce à des puits de faible profondeur (environ 15m) qui s’asséchaient progressivement à la période chaude. Les creusements de ces puits étaient autofinancés par les habitants du village.

Une première étape : le tout thermique

Un premier système d’approvisionnement en eau, mis en œuvre au cours de la période 1999-2001, a été réalisé par l’ODHT avec l’assistance technique de la SAGEP-Société des eaux de Paris. Il comprend quatre forages équipés de pompes électriques actionnées par deux groupes électrogène diésel de 16 KVA, un château d’eau d’uns capacité de 100 M3 et un réseau de distribution permettant une consommation journalière maximale de 230 M3 avec un débit sur 18 heures compris entre 4 et 12,5 litres/seconde.

Le système de pompage, le château d’eau et le réseau de distribution ont représenté une dépense de 470 000 €, autofinancée à hauteur de 325 000 € par l’ODHT qui a en outre bénéficié de subventions de l’Agence Seine-Normandie et de la SAGEP.

Sur le plan financier cependant, le bilan de sa gestion au cours des premières années d’exploitation a révélé une augmentation considérable du prix de revient pour plusieurs raisons :

  • l’augmentation du prix du gaz oil,

  • les charges d’entretien des groupes électrogènes.

Au total, malgré une réévaluation du prix de l’eau en 2005 (trop faible cependant par rapport au prix de revient), la situation financière n’a cessé de se dégrader, le solde positif recettes–dépenses diminuant régulièrement pour devenir fortement négatif dans les prévisions de 2007, ainsi que le résultat après amortissement, déficitaire dés l’origine, passant de - 0,9 MFCFA en 2002 à - 2,9 MFCFA en 2006 et, selon les prévisions à – 5,3 MFCFA pour 2007.

Le pompage solaire

Il était apparu assez rapidement, compte tenu des habitudes nouvelles prises par la population, qu’un renforcement du système d’alimentation était souhaitable.

Dès 2003, l’ODHT avait décidé le principe de nouveaux forages et assez rapidement s’était posé la question d’un pompage solaire photovoltaïque, en raison des charges de fonctionnement du système thermique jugées très lourdes.

Après une période d’hésitation – le surcoût du voltaïque à l’investissement apparaissant un obstacle ainsi que le plafonnement du débit attendu – la décision en faveur d’un pompage solaire a en fin de compte été prise, après un accord avec la SAGEP précisant que l’expérience pouvait être tentée dès lors qu’il s’agissait d’un complément au système thermique de départ.

En l’absence d’aides financières espérées, l’ODHT a assuré seule les dépenses correspondant à l’équipement des deux anciens forages (24MFCFA ou 43 000 €) avec deux groupes de panneaux solaires (générateurs photovoltaïques de 24 modules).

Une cotisation spécifique de 100 € par adhérent a été demandée pour cela aux ressortissants de Tinkaré en région parisienne.

La nouvelle installation solaire était prévue pour assurer un débit entre 31 et 38m3/jour « pour un ensoleillement entre 5 et 6 KWh/m2/jour ». La production d’eau « solaire » effective pour l’année 2007 (11 mois) a été de 12 850 m3, soit 39 M3/jour.

Grâce à l’apport du solaire photovoltaïque et aussi à une amélioration du rendement du groupe électrogène :

  • la part des dépenses de gaz oil est passée de 74 % à 56 % en un an,

  • le solde des recettes/dépenses est le plus élevé jamais enregistré (+ 3MCFA),

  • le prix de revient moyen du m3 d’eau - hors amortissement – est de 235 FCFA contre 297 FCFA estimés à l’origine (avant l’introduction du solaire).

Compte tenu d’une augmentation prévue du prix de vente de l’eau, il est possible d’envisager de couvrir le prix de revient total, amortissement compris, avec un temps de retour estimé à 11 ans.

Notons que l’AGET (Association pour la Gestion des Eaux à Tinkaré), structure locale qui assure depuis l’origine avec compétence la gestion du système d’exhaure, doit pouvoir désormais se substituer progressivement à l’ODHT pour le financement et le développement de projets d’assainissement, voire d’éclairage public ou d’autres applications de l’énergie solaire.

Mots-clés

énergie solaire, eau, investissement


, Mali

dossier

Territoires et développement durable

Commentaire

L’investissement « pompage solaire » dans le Sahel constitue un facteur local de développement puissant à la double condition qu’il vienne en complément d’un système « thermique » bien rodé et que la structure locale applique des principes de bonne gestion.

L’investissement photovoltaïque entraîne un surcoût immédiat important ce qui justifie qu’une priorité soit donnée à ce secteur dans l’aide au développement car il contribue à créer un cercle vertueux de développement local.

Notes

Gilbert LÉONHARDT est un ancien directeur de société d’économie mixte d’aménagement. Il a successivement travaillé dans un BET d’urbanisme (Bureau d’étude technique), des sociétés d’économie mixte (SEM) de construction de logements sociaux et dans la gestion du patrimoine d’une SEM de la ville de Paris. Il est trésorier de l’association 4D et de l’Atelier Local d’Urbanisme du 3e arrondissement de Paris (ALU3). Il est également conseil de l’Organisation pour le Développement Hydraulique de Tinkaré (ODHT).

Source

Encyclopédie du développement durable 4D : www.encyclopedie-dd.org

Gilbert Léonhardt, Tinkaré, quelle énergie pour le pompage de l’eau, Revue Pour

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