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Le « Port 2000 » du Havre

Développement durable et démocratie de proximité

Jean-Luc MATHIEU

07 / 2007

La loi du 2 février 1995 « relative au renforcement de la protection de l’environnement » (modifiée en 2002) a prévu, en application de la Convention d’Aarhus, « la participation du public au processus d’élaboration des projets d’aménagement […] dès lors qu’ils présentent de forts enjeux socio-économiques ou ont des impacts significatifs sur l’environnement ou l’aménagement du territoire. La participation du public peut prendre la forme d’un débat public ».

Le débat public portant sur le projet « Le Havre, Port 2000 », a été le premier de tous ceux qui ont été organisés, à partir de 1997, par la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) et il fut dirigé par l’un de ses membres.

Le contexte

Situé sur la rive droite de l’estuaire de la Seine, au nord-ouest de la France, dans la région de Haute-Normandie, Le Havre avait été en grande partie détruit pendant la seconde guerre mondiale. Son centre-ville, reconstruit, a été inscrit par l’UNESCO au patrimoine mondial de l’humanité comme « exemple exceptionnel de l’architecture et de l’urbanisme de l’après-guerre ».

Le port du Havre est le deuxième port français après Marseille et le cinquième port nord européen avec près de 80 MT traités en 2007. Il s’étend sur 27 kilomètres d’ouest en est. C’est le premier port français pour le trafic des conteneurs.

Dans le courant des années 1990, il est apparu qu’aucun des ports maritimes français n’était apte à recevoir les grands navires porte-conteneurs, à fort tirant d’eau, assurant désormais l’essentiel du trafic maritime mondial non pétrolier et que, de ce fait, les échanges maritimes vers ou en provenance de France s’effectuaient par des ports de pays européens voisins, la richesse économique de ce trafic échappant à l’hexagone.

Sans conteste possible, il n’y avait, en France, qu’au Havre que des aménagements importants pouvaient être envisagés pour recevoir de tels navires, en eaux profondes, en se situant sur les grandes routes maritimes. Il n’y eut donc aucun combat franco-français à ce sujet.

Le Port Autonome du Havre (PAH), établissement public, élabora des projets qui donnèrent lieu à discussions, localement, en particulier au sein d’une structure associative dénommée « Maison de l’estuaire » qui, réunissant des personnes et des structures aux positions les plus diverses, de milieux économiques, syndicaux, universitaires (y compris recherche) et associatifs (défenseurs des riverains, de la nature, de la ressource halieutique, du développement des activités portuaires…).

Le débat public

Le débat public, qui eut lieu du 24.11.1997 au 23.03.1998, avait donc été précédé de longs et tumultueux échanges. Il constitua toutefois une novation profonde. Il fut organisé par une Commission Particulière de Débat Public (CPDP) de 5 personnes, indépendante et auxquelles il était interdit de prendre part dans le débat qui, pour l’essentiel :

  • fit produire par le PAH, sous son contrôle, un « dossier du débat » dans lequel le PAH présenta 7 projets alternatifs, en expliquant les raisons pour lesquelles il en écartait 6. Ce dossier connut une vaste diffusion au Havre et dans une vaste zone de Seine-Maritime et du Calvados ;

  • organisa de nombreuses réunions publiques au Havre, dans les localités voisines et même à Paris (eu égard à l’intérêt économique national du projet), au cours desquelles les projets étaient présentés, critiqués, objets de contre-projets exposés et eux-mêmes critiqués ;

  • et organisa une réunion finale au cours de laquelle le PAH présenta son projet amendé à la suite de certaines observations et de quelques travaux complémentaires effectués à la demande de la CPDP pendant la durée du débat.

L’objectivité du « tiers-garant », organisateur du débat qu’est la CPDP a été unanimement reconnue et la procédure du « débat public » appréciée.

Les suites du débat public

Le « compte-rendu » effectué par la CPDP qui n’est chargée de préconiser aucune solution, mais qui doit fidèlement retranscrire les grandes idées et les positions qui se sont exprimées lors du débat public, a fait apparaître un large consensus sur :

  • la nécessité de poursuivre la concertation afin d’aboutir à un meilleur projet ;

  • le besoin de structure durable de dialogue, la création d’organismes pérennes ayant été réclamée ;

  • la nécessité de définir un programme de recherches complémentaires sur l’estuaire de la Seine ;

  • et la nécessité, pour réaliser le projet, de coordonner de nombreux acteurs publics et privés, locaux et nationaux dont la SNCF et VNF (Voies Navigables de France). Il semblait qu’un organe étatique dût être chargé de cette fonction pour mener à bien un projet dont l’intérêt dépendait autant de ses liaisons (fluviales, ferroviaires, routières) avec l’hinterland que de ses qualités propres. Cette requête est la seule à n’avoir pas eu d’écho.

La première tranche du nouveau Port 2000 a été mise en service en 2006 ; l’extension est prévue. Le trafic et l’emploi ont nettement cru.

Cette phase, de plus d’un dizaine d’années, a été marquée par des débats locaux permanents entre personnes physiques et morales « contraintes de vivre ensemble » ce qui explique certainement la qualité du travail effectué en commun mais ne signifie nullement qu’il ne fut pas conflictuel.

Si la démocratie participative, au Havre, a gagné un titre de noblesse, des difficultés n’en pas moins apparues :

  • s‘il y a eu extension de la Réserve naturelle et de la Zone de protection spéciale (dans l’estuaire, en dehors de la limite du PAH) ainsi que l’édiction de mesures compensatoires des dégâts écologiques et d’accompagnement, leur effet et leur pérennité font l’objet de débats. Le bilan en termes de protection de l’environnement ne peut pas être définitivement tiré ;

  • les insuffisances de travaux ferrés et fluviaux ont eu pour conséquence une croissance importante des flux routiers pour une desserte qui laisse à désirer sur le plan du développement durable.

Mots-clés

protection de l’environnement, démocratie participative, gestion des ressources naturelles, développement économique


, France, Le Havre

dossier

Territoires et développement durable

Expériences de démocratie participative

Les Agendas 21 des villes en France

Notes

Jean-Luc MATHIEU, Conseiller-Maître Honoraire à la Cour des Comptes, est membre de la Commission Nationale du Débat Public. À ce titre, il a présidé le débat de la CNDP “Le Havre Port 2000” et le débat “Centrale électronucléaire EPR, tête de série, à Flamanville”. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont “La défense de l’environnement en France” et “La protection internationale de l’environnement”.

Source

Encyclopédie du développement durable 4D : www.encyclopedie-dd.org

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