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Pourquoi l’autoriser ?

Le gaz naturel compressé en Inde

Sunita NARAIN

10 / 2009

Si c’est cassé, ne le réparez pas. Voici la nouvelle devise du Gouvernement : n’y pensez plus et construisez du neuf. Ne vous préoccupez pas des détails. Je parle ici de ce que le Gouvernement considère comme l’épine dorsale de la régulation à l’avenir.

Le goût du jour est aux « autorités » : des institutions séparées, indépendantes du bourbier ministériel, des procédures administratives et de leur personnel – le soi-disant drame de toute initiative ou mise en œuvre de la régulation. Je pense qu’il est temps de revoir cette gouvernance actuelle.

Prenez une autorité créée explicitement pour accélérer la croissance : le Comité de Régulation du Pétrole et du Gaz Naturel (Petroleum and Natural Gas Regulatory Board). Son objet est de réguler le pétrole et le gaz naturel, indispensables à la croissance économique. L’objectif est clair : le Ministère, également du pétrole et du gaz naturel, n’est de toute évidence pas en mesure d’entreprendre des projets dans ce nouveau secteur de croissance, il a donc besoin d’une agence indépendante et spécialisée qui puisse développer des affaires florissantes sans confiscation par le monde des affaires ou autres intérêts puissants. Je peux difficilement parler du travail du Comité dans d’autres domaines, mais dans le secteur crucial de la croissance verte (par le développement d’un réseau de gaz naturel compressé dans tout le pays), il est en train de mettre en péril tout ce qui peut être atteint rapidement et facilement pour soulager les villes des polluants atmosphériques toxiques.

Je m’explique. Quand le gaz naturel compressé (GNC) a été introduit à Delhi pour combattre la pollution, c’était un nouveau concept. Quand nous nous prononcions pour le GNC, on nous disait qu’une transition à une telle échelle n’avait jamais été réalisée nulle part au monde. Des chiffres étaient brandis à l’appui pour faire échouer le projet : « seuls 800 véhicules fonctionnent au GNC à Los Angeles et c’est le programme le plus important au monde », avec l’affirmation haut et fort que le GNC ne marcherait jamais à Delhi. Nous avons insisté : le GNC est la méthode la plus scientifique pour réduire rapidement et efficacement l’extrême pollution atmosphérique de Delhi. Le diesel, rendu plus propre grâce à notre intervention, était toujours très toxique. Plutôt que d’aller progressivement vers un diesel plus propre (ce que, à propos, on attend toujours en Inde et qui ne devrait pas arriver même après que l’on soit passé aux normes Euro IV de carburant - étape Bharat IV- en avril 2010), changer de carburant était plus pertinent. Cela devait permettre, et a permis, un saut qualitatif important : nous sommes passés de normes d’émission en retard de 15 ans par rapport aux pays de l’Union européenne à leurs niveaux.

La transition était aussi considérée comme impossible à mettre en œuvre : absence de technologie de compression ou de distribution du gaz ; absence de savoir-faire dans la construction de véhicules sûrs et efficaces. Comment mener à bien un programme GNC face à l’opposition des groupes d’intérêt et à la résistance des autorités officielles, combinées à cette absence d’expérience ? Mais il s’agissait de combattre la pollution atmosphérique, et cela rapidement. Nous n’avions pas d’autres solutions que d’apprendre vite et sur le tas. En tant que militante j’ai appris que nous devions tout connaître en détails : de la pression du gaz, de la forme des embouts pour l’introduire rapidement dans les véhicules à l’organisation du réseau de distribution et, bien sûr, à l’argent et à comment les prix devaient être fixés dans un marché régulé par les autorités administratives. Le programme GNC de Delhi a conduit à des avancées importantes : un air plus propre pour tout le monde, et des innovations technologiques avec de nouveaux modèles de sécurité dans les véhicules pour les constructeurs. En seulement cinq ans, j’ai vu le marché se développer et j’ai eu la conviction que le GNC pouvait être le carburant pour les bus dans de nombreuses autres villes, avec le double avantage de transports publics fonctionnant avec un carburant propre, pour un air propre.

Entre temps, le Gouvernement mettait en place le Comité de Régulation du Pétrole et du Gaz naturel, avec comme objectif de faire bouger les choses. Mais au lieu d’aller rapidement de l’avant, nous sommes en fait en train de reculer. A un moment où le pays a, semble-t-il, découvert de gigantesques réserves de gaz, où il y a du gaz à utiliser, nous ne le réclamons pas, alors même que ce gaz peut apporter des bénéfices énormes en termes de santé publique.

Ainsi, au cours des trois dernières années, aucun nouveau projet GNC n’a été lancé. Le pire est que tout est apparemment entrepris pour faire avorter les projets en cours. L’une des premières actions du Comité a été de remettre en question l’« autorisation » des agences déjà existantes, comme l’Indraprastha Gas Limited, une joint-venture entre les compagnies publiques de gaz, le Gouvernement de Delhi et des agences de prêt institutionnelles. Après des mois de controverse, la question a finalement été résolue mais cela a conduit à des retards.

Aujourd’hui les difficultés concernent la distribution de gaz dans les villes extrêmement polluées de la Région de la Capitale nationale, qui ont aussi un impact sur la qualité de l’air de Delhi. D’après des données récentes, 1,2 millions de véhicules transitent chaque jour par Delhi et les villes avoisinantes. Nul besoin de la technologie spatiale pour savoir qu’il est impératif d’avoir un carburant propre pour faire marcher les transports publics. Au terme de longues négociations, les gouvernements d’Uttar Pradesh, d’Haryana, du Rajasthan et de Delhi ont donc conclu un accord autorisant un accès libre aux véhicules publics à condition qu’ils roulent au GNC. Ce programme, prêt à être démarré, est maintenant en danger. Le Comité lui met en effet des bâtons dans les roues, pour des raisons soi-disant de compétition et d’accaparement par les entreprises. L’affaire est au tribunal. Nous allons encore perdre du temps tandis que la santé publique est mise en danger.

Je me pose cette question : avons-nous créé le bon type d’institution future pour une régulation et un développement efficaces ? Voyons ce qu’il en est de deux autres instances : l’Autorité des Normes et de la Sécurité Alimentaires et les Autorités étatiques d’Evaluation de l’Impact Environnemental. La suite au prochain numéro.

Mots-clés

politique de l’énergie, pollution, pollution atmosphérique, lutte contre la pollution, gouvernance


, Inde

Notes

Traduction par Valérie FERNANDO

Lire l’original en anglais : Why authorize it?

Source

Articles et dossiers

Sunita NARAIN, « Why authorize it? », in Down To Earth, 15 Oct 2009.

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