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Abus de pouvoir

Sylvain LAVELLE

03 / 2010

La situation prend place dans la société DEVORA qui fabrique des composants électriques pour l’industrie ferroviaire. Le service de production comporte une équipe de nuit, à laquelle sont assignés des objectifs de production assez exigeants. Monsieur Brinks, qui travaille depuis quinze ans à DEVORA, dirige maintenant cette équipe, après avoir gravi plusieurs échelons. Il est fort apprécié de son responsable, Monsieur Martin, qui était préalablement un de ses collègues au sein d’un autre service.

 

Brinks vient de faire l’acquisition d’une vaste propriété qui nécessite certains travaux de remise en état. Travaillant de nuit à DEVORA, il y consacre une bonne part de son temps libre et de ses journées. Ayant fait part de cette activité aux membres de son équipe de nuit, il obtient bientôt des propositions d’aide de la part de plusieurs d’entre eux. Une petite équipe se retrouve donc dans la journée chez Brinks pour des travaux d’aménagement, faiblement rémunérés et hors de toute déclaration, puis la nuit pour le travail chez DEVORA.

 

Cette situation finit cependant par occasionner une certaine fatigue chez les employés faisant les deux travaux. Pour y pallier, Brinks accorde généreusement de grandes pauses aux employés travaillant pour lui lors de leur service de nuit, et leur permet même de quitter leur poste quelques heures pour dormir. Pour pouvoir tenir malgré tout les objectifs de l’équipe, il n’hésite pas à augmenter la charge des autres employés. Enfin, lorsqu’arrive la période des primes et augmentations au sein de DEVORA, il privilégie de façon manifeste les employés travaillant pour lui. Il suscite de ce fait une importante frustration chez les autres employés. En particulier l’un d’entre eux, Monsieur Muire, qui n’avait pas souhaité aider Brinks pour ses travaux personnels, mais qui s’était remarquablement acquitté de ses missions chez DEVORA en cours d’année et pouvait de ce fait prétendre à des perspectives d’évolution, se sent particulièrement lésé.

 

Dès lors, Muire va se demander quoi faire. Il ne peut se résoudre à baisser les yeux et renoncer à ses possibilités de carrière chez DEVORA. De même, il n’envisage pas un instant de tenter de rentrer dans la combine et d’aliéner ses espoirs professionnels au bon vouloir de son hiérarchique. Il craint que prendre rendez-vous avec Brinks pour aborder directement le sujet ne résolve pas grand-chose et ne fasse qu’encourager Brinks à se protéger davantage et, accessoirement, à bloquer son évolution. Faire une demande de changement de secteur signifierait devoir refaire ses preuves ailleurs et renoncer au bénéfice des efforts consentis jusque-là. Une autre solution, un instant envisagée, serait d’aller tout révéler au service des Ressources Humaines. Mais cette démarche mettrait en porte à faux aussi bien Brinks que Martin, son responsable. Elle pourrait occasionner tout autant le licenciement de Brinks que le blocage de la carrière de Muire, du fait de la solidarité bien connue des équipes de direction. Ne reste donc comme unique solution que d’aller contacter directement Martin, le supérieur de Brinks. Là encore, la démarche comporte des risques. Brinks et Martin se connaissent bien et s’apprécient ; si Martin veut « couvrir » Brinks, ce sera Muire qui, une fois encore, fera les frais de l’opération et qu’on cherchera à faire taire et à isoler. En ce cas, se dit Muire, il sera toujours temps d’avertir les Ressources Humaines, en espérant que la forme de chantage exercée alors sur Martin comme sur Brinks ne se retourne pas de la même façon contre lui.

 

Muire est finalement allé voir Martin. Celui-ci a pris la plainte très au sérieux et s’est fait confirmer les faits par d’autres membres de l’équipe. Il en a référé au service des Ressources Humaines en demandant une sanction contre Brinks. Celui-ci a été licencié sur le champ. L’entreprise a jugé ne plus pouvoir confier de responsabilité hiérarchique à un cadre s’étant manifesté si peu respectueux du travail, de l’intérêt collectif et de l’équité. Martin y a gagné une certaine estime en raison des capacités de décision mises en œuvre et Muire a été justement « réhabilité » et reconnu pour son travail.

Mots-clés

abus de pouvoir


, France

dossier

L’analyse techno-éthique

Source

Entretien

CETS - Groupe ICAM, Polytechnicum Lille (Centre Ethique, Technique & Société - Institut Catholique des Arts et Métiers) - 6 rue Auber, 59000 Lille, FRANCE - Tel : +33 (0)3.20.22.61.61 - Fax : +33 (0)3.20.93.14.89 - France - cets.groupe-icam.fr

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