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Les plantes génétiquement modifiées font peser une lourde menace pour l’agriculture biologique et la biodiversité

L’exemple des OGM Bt

Nolwenn WEILER

05 / 2009

Lilian Ceballos, écologue et scientifique indépendant, est l’auteur d’un précis scientifique intitulé Plantes Insecticides : évaluation de l’impact sur les insectes auxiliaires, et édité par le Rés-OGM. L’auteur y propose une synthèse d’études scientifiques dont les résultats mettent en doute l’innocuité des Plantes génétiquement modifiées. Ces études n’avaient jamais été portées à la connaissance du grand public.

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Bacillus Thuriengensis, ou Bacille de Thuringe, (BT) est le nom barbare d’une bactérie qui vit dans le sol et qui secrète toute une gamme de protéines insecticides (quatre au total). Isolées au début du 20e siècle, et pulvérisées sur les plantes attaquées, ces protéines ne sont activées par un mécanisme complexe seulement quand elles se trouvent dans l’intestin de l’insecte cible. Cela garantit un spectre d’action restreint, avantage significatif par rapport aux insecticides chimiques qui tuent sans distinction insectes en tout genre mais aussi petits vertébrés, et oiseaux. Cette spécificité d’action fait que l’utilisation de BT est autorisée en agriculture biologique depuis les années 1970.

Les fabricants de plantes génétiquement modifiées (PGM) se sont évidemment penchés sur les vertus du BT. Grâce au formidable concept de « l’équivalence en substance », ils ont pu créer et mettre sur le marché des PGM Bt (maïs, soja, coton) sans évaluation toxicologique. Dénoncé par Marie-Monique Robin dans son ouvrage Le monde selon Monsanto, mais aussi par de nombreux scientifiques, le principe d’équivalence en substance indique que, si un aliment ou un composé alimentaire est essentiellement semblable à un aliment ou à un composé alimentaire existant, il peut être traité de la même manière en ce qui concerne la sécurité. C’est ainsi que « l’utilisation des formulations BT en Agriculture biologique a permis d’exclure tout impact négatif sur la biodiversité sans effectuer de suivi environnemental », explique Lilian Ceballos.

Supercherie scientifique

Or, le postulat de départ, à savoir BT= PGM Bt est une supercherie. « L’assimilation des toxines transgéniques Bt aux préparations insecticides autorisées en agriculture biologique n’est absolument pas scientifique, poursuit Lilian Ceballos. Tout biochimiste honnête vous dira que deux molécules qui ne pèsent pas le même poids sont différentes. Or, les protéines des toxines transgéniques sont de plus petite taille que celles du BT. Et ce n’est pas la seule différence. Les PGM Bt produisent des toxines végétales sous forme soluble et active ce qui influe sur l’activité et la spécificité des protéines synthétisées puisque l’activation des toxines ne dépend plus des conditions intestinales spécifiques à l’insecte cible. Bref, ces toxines transgéniques ont une structure altérée, et leurs impacts sur l’environnement sont susceptibles d’être différents de ceux que provoquent la bactérie BT. » La suspension, en janvier 2008, de la culture en plein champ du maïs MON 810 en France a d’ailleurs été justifiée, entre autres, par cette différence : l’avis du 9 janvier 2008 du « Comité de préfiguration d’une haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés » stipule en effet que « la protéine produite par le transgène n’est pas identique à celle que produit le Bacille de Thuringe.(…) Seules les études à partir du maïs contenant l’évènement MON 810 sont pertinentes pour évaluer la toxicité humaine et environnementale. »

Eludées par les firmes qui commercialisent les OGM « Bt », ainsi que par les instances d’autorisation des PGM, diverses études, dont Lilian Ceballos fait la synthèse dans son ouvrage, semblent effectivement aller dans ce sens d’une différence d’effets, montrant que la toxicité des toxines transgéniques est supérieure à celle des protoxines sécrétées par la bactérie BT.

Toxicité élargie

Premièrement, les PGM produisent la toxine en permanence, que les ravageurs soient présents ou non, alors que les formulations à base de protoxine BT ne sont appliquées que sur les plantes attaquées. De plus, les préparations bios ne sont appliquées qu’à la surface des végétaux et les protoxines sont rapidement détruites pas les UV. Les plantes transgéniques synthétisent les toxines à l’intérieur des cellules, ce qui exclue la dégradation rapide par des UV. « Cette protection intracellulaire leur permet de conserver plus longtemps leur activité insecticide. Elles vont s’accumuler dans l’environnement et en particulier dans le sol, qui vont conserver une activité insecticide plusieurs mois après la fin des cultures transgéniques », avertit Lilian Ceballos.

« Cette diffusion dans l’écosystème suggère que certains organismes non cibles pourraient être exposés avec des conséquences méconnues sur le fonctionnement des services écosystémiques qui en dépendent. », note-il encore. L’élargissement du spectre d’activité des toxines Bt et leurs répercutions sur l’abondance des groupes d’insectes non cibles dans les champs ont notamment été étudiés par Michelle Marvier en 2007. Son étude, publiée dans la revue Science, montre que « les hyménoptères auxquels appartiennent les abeilles voient leur abondance relative fortement diminuée dans les champs de maïs ou de coton Bt ». Rappelons que les abeilles sont essentielles à la pollinisation de 90 cultures fruitières et maraîchères dans le monde !

Résistance des ravageurs

Outre ces risques associés à la perte de biodiversité, la diffusion massive de toxines Bt va entraîner, irrémédiablement, une résistance des insectes cibles. On connaît déjà ce problème avec les pesticides. « En 1934, 236 espèces étaient classées comme parasites des cultures. Parmi elles : des virus, des bactéries, des champignons, des insectes, des mollusques, des oiseaux, des mammifères, des nématodes, des acariens. 236 au total, dont 140 espèces d’insectes. En 1972, Elles étaient 643 au total, soit environ trois fois plus. Dont 278 espèces d’insectes ! », avertissent ainsi François Veillerette et Fabrice Nicolino dans leur ouvrage Pesticides : révélations sur un scandale français. « La résistance aux toxines Bt a été documentée dans plus de 17 espèces d’insectes, alors que ces plantes ne sont dans la nature que depuis une dizaine d’années », rapporte Lilian Ceballos.

Les firmes créatrices et vendeuses de PGM ne nient pas ce risque d’apparition de résistance, qui, en plus d’une prolifération d’insectes ravageurs, rendrait inutilisable la bactérie BT par les producteurs bios. Ils ont même mis en place des stratégies de lutte contre l’apparition de résistance. L’un des axes de cette stratégie conseille la mise en place d’une zone refuge. D’une surface indéterminée, et non obligatoire d’un point de vue légal, cette zone est plantée de plantes non OGM, afin d’éviter que les insectes résistants ne se croisent entre eux. L’efficacité de ces zones refuges, et la possibilité de les mettre en place suscitent la controverse. En Europe, où les parcelles agricoles sont bien plus réduites qu’aux États-Unis, la mise en place d’une zone refuge est parfois simplement impossible. Quoi qu’il en soit, cette stratégie n’est qu’un retardateur de catastrophe puisque tôt ou tard les insectes deviendront résistants. « Dans deux ou trois dizaines d’années au mieux. Demain, au pire », selon Lilian Ceballos. Voilà qui est rassurant ! Espérons que le haut Conseil aux biotechnologies, nommé le 22 mars 2009 ramènera un peu, de rigueur scientifique dans ce dossier très brûlant.

Mots-clés

OGM et agriculture, Organisme génétiquement modifié (OGM), traitement phytosanitaire, santé et environnement, biodiversité, agriculture biologique


, France

dossier

Filières durables : l’agriculture

Notes

Publié initialement par Basta! : www.bastamag.net/spip.php?article567

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