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Effet des normes réglementaires européennes, agriculture biologique et commerce équitable sur les systèmes de production d’ananas au Bénin et au Togo

ISF - Ingénieurs sans frontières

07 / 2011

Cette étude de cas souhaite interroger l’effet des normes volontaires et sanitaires sur les acteurs de la filière ananas au Bénin et au Togo. Le premier objectif était d’identifier les forces ou les défaillances issues des processus de normalisation pour les acteurs de la filière ananas. Le second était de dégager des pistes de réflexions pour améliorer les normes, suggérées (explicitement ou implicitement) par les acteurs de la filière eux-mêmes.

 

Toutes les « normes » de production liées à l’ananas frais ont été étudiées (sanitaires, de qualité…), mais les normes récentes et « volontaires » ont été plus particulièrement analysées :

  • Celles dites LMR, limites maximales de résidus qui sont les seuils de tolérance de résidus de produits phytosanitaires déterminés pour accéder au marché français.

  • L’agriculture biologique

  • Le commerce équitable selon le cahier des charges de FLO

  • Le commerce équitable selon le standard d’Artisans du Monde (ADM)

Les filières de production d’ananas au Bénin et au Togo

Pays historiquement exportateurs de coton, le Bénin et le Togo ont vu se développer une petite filière d’exportation d’ananas frais. Au Togo comme au Bénin, il s’exporte annuellement quelques centaines de tonnes d’ananas de variété Cayenne lisse ou Pain de sucre. L’export se réalise par avion car ces ananas sont destinés à un marché de fruit de qualité.

A la naissance de la filière d’exportation, dans les années 70, il y avait plusieurs plantations de taille conséquente gérées par l’État. Privatisées dans les années 90, ces plantations n’ont pour la plupart pas réussi à se maintenir. Aujourd’hui, l’essentiel de l’approvisionnement des ananas d’exportation se fait par des producteurs familiaux possédants moins de deux hectares d’ananas et regroupés dans des coopératives.

Figure 1 : Filière ananas au Bénin et au Togo

Figure 1 : Filière ananas au Bénin et au Togo

Il y a quelques différences à noter entre le Bénin et le Togo. Si les organisations de producteurs ont plus de capacités au Bénin pour organiser l’encadrement technique de la production, le Togo présente, lui, une filière AB relativement développée.

Une étude qui part de la parole des acteurs de la filière

Pour évaluer l’effet des normes (cf fiche 6) citées précédemment, un travail bibliographique a été réalisé sur les filières ananas au Bénin et au Togo et sur l’effet des normes dans d’autres situations pour ensuite formuler des hypothèses a priori sur l’effet des différentes normes.

Le parti pris de cette étude était de donner la parole aux acteurs de la filière. Elle se distingue ainsi d’une étude d’impact qui s’appuie sur des données uniquement quantitatives.

Ensuite des guides d’entretien ont été élaborés pour les différents acteurs de la filière afin d’obtenir une analyse détaillée des filières ananas au Bénin et au Togo et de tester les hypothèses formulées.

Les guides d’entretien et les entretiens semi-directifs ont été réalisés par deux élèves-ingénieurs en agronomie avec l’appui scientifique du CIRAD.

L’effet des normes a été évalué sur les aspects suivants :

  • le capital économique lié au revenu, au niveau de dépendance économique, au risque économique, aux inégalités de revenu dans les zones d’études et aux effets d’entrainements économiques.

  • le capital social en tenant compte du bien-être familial, des ressources cognitives (éducation générale, connaissances des techniques de production…), de l’insertion dans les réseaux et le renforcement des capacités (connaissance de l’aval de la filière, rapport de force dans les négociations commerciales…).

  • le capital environnemental. Étant donné que les normes concernées par l’étude incluent des normes environnementales, une évaluation du niveau de sensibilisation des populations aux questions environnementales a aussi été menée.

L’ échantillon représente une grande diversité de producteurs par rapport aux normes qu’ils appliquent. Cela était essentiel pour pouvoir faire des comparaisons pour tester les différentes hypothèses.

Nous avons interrogé 50 producteurs, 6 organisations de producteurs, 4 exportateurs, 7 personnes de structures institutionnelles, 3 transformateurs. La moitié des entretiens ont été réalisés au Bénin et l’autre moitié au Togo.

Hypothèses de travail

Les hypothèses sur l’effet des normes ont été formulées sur la base des impacts des normes sur la production d’ananas au Costa Rica (Veerabadren, 2005) et sur la production de mangue et de haricot au Sénégal (Blondeau, 2006).

A partir de ces deux études et d’entretiens préalables avec des personnes connaissant le terrain d’étude (notamment l’association Tech-dev), les hypothèses suivantes ont été émises :

  • La norme diminue le revenu de l’exploitation ou accroît le travail sur l’exploitation sans augmentation de revenu

  • La norme rend l’activité plus risquée.

  • La norme renforce la coopération entre les producteurs et leurs clients.

  • La norme renforce la coopération entre les producteurs.

  • La norme affaiblit le pouvoir de l’aval.

  • La norme se traduit par des coûts supplémentaires pour les producteurs liés : à la mise en place de nouvelles pratiques, à de nouveaux investissements, aux procédures administratives, à l’acquisition de compétences et d’information, etc.

  • Avec la norme, l’appui technique et les formations ont augmenté.

  • La norme permet aux producteurs d’accroître leur maîtrise technique de la culture de l’ananas et de sa commercialisation car elle exige ces maîtrises.

  • Le Commerce Équitable rempli ses objectifs, en termes de revenu, d’impact environnemental et social.

Résultats de l’étude

Perception et application des normes

Pour les normes réglementaires d’exportation vers l’Europe, aucun producteur rencontré ne connait véritablement ce que sont les LMR. La traduction pratique de ces normes est la date limite du dernier traitement de maturation avant la récolte, imposée par l’aval de la filière, c’est-à-dire les exportateurs.

Pour le commerce équitable, environ une moitié des producteurs connaissent les principes de base du commerce équitable avec le prix plancher bord champ et l’existence de la prime de développement des organisations de producteurs. Par contre, pratiquement aucun d’entre eux ne maitrise le rôle des différentes structures du commerce équitable ainsi que leur fonctionnement.

Nous retrouvons la même situation pour la production en agriculture biologique. Il y a un point de confusion important entre le client et les organismes de certification car pour l’agriculture biologique, il y a souvent certification en présence de l’entreprise de commercialisation car c’est elle qui tient les documents de traçabilité.

Sur l’application des normes du commerce équitable, nous avons observé certains dysfonctionnements par rapport au standard. En effet, les prix d’achat de l’ananas en bord champ sont inférieurs au prix d’achat sur le marché conventionnel, il est resté au niveau du prix plancher au Bénin. De plus, il n’y pas de versement de prime de développement à l’organisation de producteurs. De même, des problèmes de transparence sur l’aval de la filière ont été détectés suite à des sollicitations des producteurs sur les prix de commercialisation des produits finis.

Par contre, la certification FLO a entrainé des améliorations démocratiques dans les organisations de producteurs en augmentant l’implication des femmes.

Au Togo, des dysfonctionnements ont été relevés dans les organisations de producteurs avec très peu de participation des membres. Ce sont parfois des structures qui ont été montées par des organismes d’appui pour accéder au débouché commercial qu’offre le commerce équitable et qui sont vécues comme de simples partenaires commerciaux par les producteurs.

Effet des normes

L’exportation pose des contraintes aux producteurs qui les poussent à la coopération entre eux, avec les ONG et avec leurs clients. Ceci aboutit à une meilleure maîtrise de la production et de la commercialisation.

Le Commerce Équitable est une démarche qui demande beaucoup d’investissements en temps et en argent de la part des Organisations de Producteurs (OP).

Les effets observés sont une meilleure maîtrise de la commercialisation et l’ouverture de débouchés stables. De plus, les acteurs du Commerce Équitable respectent la plupart de ses objectifs de base.

La contrainte notamment financière (certification chère) de l’Agriculture biologique ne peut être supportée en totalité ni par le producteur ni par l’OP. C’est donc le client qui la prend en charge. Il s’ensuit une verticalisation de la filière.

La double certification permet uniquement l’augmentation du prix de vente.

En termes d’effet sur l’environnement, les producteurs sont encouragés à produire en biologique, cependant, même en conventionnel, les producteurs n’ont pas les moyens d’utiliser beaucoup de produits interdits en agriculture biologique.

Tableau 1 : Synthèse de l’effet des normes

Tableau 1 : Synthèse de l’effet des normes

Mots-clés

normalisation, agriculture biologique, commerce équitable, association de producteurs


, Bénin, Togo

dossier

La normalisation et ses effets sur les producteurs du Sud

Commentaire

1 On entend par verticalisation de la filière, la polarisation autour de la relation formelle OP-client, excluant tout autre acteur important et menant à un début d’intégration de la filière.
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