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Prix agricoles chinois et marché international dix ans après les réformes économiques du début des années 1980

Sylvie DIDERON

04 / 1993

1. Trois types de prix existent actuellement en Chine pour les produits agricoles.

- Les prix de marché concernent actuellement la majorité des produits. En effet, depuis les réformes du début des années 1980, le marché des produits agricoles a été libéralisé. Selon le gouvernement, les prix de 90% des produits de consommation étaient, fin 1992, régulés par les lois du marché. Le secteur commercial privé est actuellement devenu le plus important notamment pour la vente des fruits, légumes, poissons et autres produits d’origine animale.

-Seuls deux types de produits voient leurs prix fixés par l’Etat: certains produits "précieux" dont le commerce demeure monopole d’Etat (coton, tabac et soie principalement)et les "quotas" de grains vendus au gouvernement par les paysans dans le cadre des contrats de production. Le prix déterminé pour les "quotas" de grains reste 30 à 50% moins élevé que le prix du marché.

-Enfin, les prix dits négociés sont des prix intermédiaires. Ils concernent les produits vendus par les paysans aux organismes d’Etat plutôt que sur le marché. Les prix d’achat sont dans ce dernier cas 10 à 20% inférieurs à ceux du marché. Ce sont en général des produits qui doivent subir une transformation avant d’être consommés.

Tianchang est un canton où l’agriculture est spécialisée dans la production de riz, blé et colza. Les rendements sont élevés et les surplus de plus en plus importants ces dernières années. Les quotas représentent 10 à 15% de la production de grains. Les prix des quotas étaient en 1989 respectivement de 448, 500 et 1320 Yuans/tonne (1 yuan= 0,2 US$)pour le riz, le blé et le colza. Une fois qu’ils ont été vendus à l’Etat et que la consommation familiale a été satisfaite, restent d’importantes quantités de grains. Les agriculteurs préfèrent vendre à l’Etat, même pour des prix inférieurs de 5 à 10% ici à ceux du marché: respectivement, toujours en 1989, 780, 800 et 1700 yuans/tonne. En effet, bien que des moulins et huileries privées existent, il n’est possible de leur vendre que de petites quantités, leur capacité étant très réduite. Par contre, vendre à l’Etat signifie un seul voyage et des débouchés assurés.

Bozhou est par contre un canton plus enclavé, aux cultures très diversifiées, aux faibles surplus. Les paysans préfèrent vendre leurs faibles excédents sur le marché au fur et à mesure et en fonction de leurs besoins monétaires ce qui leur permet de choisir le moment où les prix locaux sont les plus élevés.

Etant donné que la production nationale de grains excède à présent la demande, le rôle des quotas pour assurer l’approvisionnement des villes devient limité. Par conséquent, il est question de supprimer le système des prix multiples. Un des risques majeurs dans ce cas de figure serait une inflation importante. Alors, plus aucun garde-fou ne garantirait un approvisionnement à bas prix.

2. En considérant l’évolution des prix constants sur le marché à Bozhou ces 10 dernières années, il apparaît qu’après une hausse de 25% en 1985 dûe à la fin du monopole d’Etat sur le commerce des grains, le prix du blé a régulièrement baissé entre 1985 et 1989 pour atteindre un prix inférieur à celui de 1984: une baisse de 25% en 5 ans le fait passer de 380 yuans/tonne à 272 en 1989, contre 307 en 1984. Par contre, depuis 1990, les prix courants semblent se stabiliser.

Le calcul des prix de parité du riz et du maïs dans d’autres régions (Yunnan, Tianchang)montre qu’ils sont sensiblement équivalents aux prix mondiaux, le facteur de conversion pour ces deux produits étant de 1,06. Sur le marché mondial, les produits chinois apparaissent directement en concurrence avec les produits issus des agricultures les plus productives du monde. La grande majorité des produits chinois ne bénéficient pas de protection commerciale. Les mêmes calculs de prix de parité pour les viandes de porc et de boeuf suggèrent, avec un facteur de conversion d’environ 1,5, que celles-ci sont concurrentielles.

Depuis plus de 10 ans et même avant pendant la collectivisation, tous les efforts de vulgarisation, de politiques de développement et d’investissements à Tianchang ont visé à faire du canton un grenier à grains pour les zones industrielles voisines de Nankin, Shanghai et des provinces côtières. Ces objectifs ont été atteints. Avec des rendements très élevés (70 qx/ha pour le riz et 40 pour le blé avec deux cultures/an), la région est actuellemnt largement excédentaire. Pourtant, si ces productions ont toujours trouvé des débouchés, ce n’est plus le cas en 1990 où les responsables agricoles et les paysans commencent à s’inquiéter!

Avec des prix d’achat aux producteurs équivalents aux prix mondiaux, se pose la question des marges dégagées. En effet, si le prix constant du blé a baissé de 25% à Bozhou de 1985 à 1989, le prix des engrais azotés (carbonate d’ammonium local)est resté sensiblement le même!

... Un autre calcul montre que la marge brute agricole à Bozhou a augmenté de 30% environ en moyenne entre 1982 et 1986 en prix constants juste après les réformes. Par contre, elle a baissé de près de 40% entre 1986 et 1990.

Mots-clés

agriculture, paysan, commercialisation, marché mondial, politique économique, politique de développement, agriculture paysanne, développement alternatif, transfert de connaissances, céréale, prix, commerce, développement économique, économie mixte, globalisation économique, politique agricole, intervention de l’Etat dans l’agriculture


, Asie, Chine, Anhui, Yunnan

Commentaire

Ces exemples illustrent les problèmes économiques qui apparaissent quelques années après les réformes. Après la croissance agricole rapide obtenue immédiatement après la libéralisation et suite aux gigantesques investissements entrepris pendant la période précédente, la Chine se trouve face à de nouveaux choix. Les anciens pays socialistes d’Europe de l’Est ou d’Asie du Sud-Est qui ont entrepris des réformes économiques à la fin des années 1990, dix ans après la Chine, se trouvent également devant des alternatives et des situations nouvelles. Les conséquences des actions entreprises sont difficiles à appréhender.

Notes

Ma thèse (Institut National Agronomique Paris-Grignon; en cours)résulte d’un travail de recherche de terrain, d’observations et d’enquêtes menées auprès des acteurs de l’agriculture locaux: paysans, cadres,...dans plusieurs districts chinois.

Source

Thèse et mémoire

DIDERON, Sylvie, INSTITUT NATIONAL AGRONOMIQUE PARIS-GRIGNON, 1993/00/00 (Suisse)

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