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De l’usage des engrais chimiques en Chine : marchés, disponibilités et place dans le mode de reproduction de la fertilité, à partir des exemples de Bozhou et de Tianchang (districts de la province du Anhui)

Sylvie DIDERON

04 / 1993

1. L’utilisation des engrais chimiques est relativement récente en Chine puisqu’elle date des années 1970 et ne s’est développée qu’après les réformes du début des années 1980. Actuellement, la production nationale d’engrais ne satisfait pas la demande interne et les importations d’engrais -principalement urée et engrais complets- représentent un poste important des dépenses en devises de la nation.

A Tianchang, près de la moitié des engrais complets vendus par la compagnie d’approvisionnement sont importés. La potasse est introuvable à Bozhou comme à Tianchang.

Pourtant, un réel effort de développement de la production a été fait depuis 20 ans. La majorité des quelques 3000 districts chinois possède sa petite usine d’engrais azotés. Ces unités produisent principalement du carbonate d’ammonium. Cet engrais contient peu de produit actif (17% annoncés), sa dégradation est lente et les pertes par évaporation sont très importantes. Quoiqu’il en soit de la qualité de ces engrais, la production locale n’est pas suffisante et des achats doivent être effectués dans les régions industrielles de la côte est et du nord.

2. Cependant, la reproduction de la fertilité à Bozhou repose encore largement sur l’emploi des déjections animales et humaines comme de tous les résidus et déchets possibles sous forme de compost. La cherté des engrais chimiques est souvent prohibitive. Les achats d’engrais représentent en effet 40 à 60% des charges proportionnelles des exploitations.

La famille Wei cultive 1 hectare. Dans le cadre de son contrat de production avec l’Etat, elle a chaque année le droit d’acheter 30 à 40 kg d’urée à prix subventionné soit 58 au lieu de 136 Yuans/quintal (1 yuan= 0,2 US$). Or, cette quantité est largement insuffisante pour fumer un hectare supportant deux cycles de culture par an. En 1990, Monsieur Wei a en fait acheté au total 50 kg d’urée, 250 de carbonate d’ammonium, 150 de phosphates et 50 d’engrais composés. Ses dépenses totales en engrais se sont élevées à environ 600 yuans dont seulement 10% correspondent aux achats à prix subventionné. La famille est aisée et n’hésite pas à faire des dizaines de kilomètres en bicyclette pour acheter dans la province voisine des engrais complets 15/15/15 garantis d’origine italienne et vendus plus de 120 yuans/quintal. Ce type d’engrais N/P/K est rare, difficile à trouver et très cher. En comparaison, le carbonate d’ammonium coûte 3 à 4 fois moins cher, soit 35 à 40 yuans/quintal. Il en est de même pour les engrais phosphatés (12 à 16% de matière active)dont le prix de marché est aux alentours de 34 yuans/quintal. Même si leur efficience est moindre, plus de 80% des agriculteurs de Bozhou utilisent ces types d’engrais exclusivement en dehors des quelques kilogrammes d’urée qu’ils peuvent acheter à prix subventionné. Précieuse, cette dernière est réservée à être épandue en engrais de couverture sur le blé.

L’utilisation des amendements organiques continue par conséquent à jouer un rôle fondamental dans la reproduction de la fertilité. Les éléments actifs qu’ils apportent représentent en moyenne 40% (et jusqu’à 80%)du total des éléments actifs apportés dans les exploitations agricoles à Bozhou. Seules une ou deux familles sur dix, comme les Wei, dégagent des surplus suffisants et disposent d’argent au bon moment pour pouvoir se procurer plus d’engrais chimiques.

3. Les quantités d’engrais achetées dépendent d’autant plus des capacités d’épargne des familles que les prix connaissent des variations très importantes au cours de l’année. En effet, en situation de pénurie, les revendeurs jouent sur leurs stocks.

Le cas est évident à Bozhou pour les engrais azotés épandus en couverture sur le maïs. La période où l’engrais est nécessaire est très précise puisqu’elle correspond à la floraison mâle. Or, quasiment tous les agriculteurs cultivent du maïs et pratiquent le même système de culture. Si bien qu’en l’espace d’un dizaine de jours, 200.000 foyers vont acheter du carbonate d’ammonium. Les prix montent alors en flèche et vont atteindre jusqu’à 50 yuans/quintal. Monsieur Wei qui a une petite capacité d’épargne a pu acheter son engrais plusieurs mois plus tôt à 35 yuans/quintal, soit 30% moins cher. Mais, encore une fois, rares sont les agriculteurs pouvant disposer d’avances monétaires. La majorité est plutôt obligée de vendre du blé fraîchement récolté pour se procurer l’engrais.

Un autre facteur de différenciation des prix est le coût du transport. A Bozhou, dans les villages situés à 10 ou 20 kilomètres du centre du district, les prix sont d’environ 10% plus élevés.

Mots-clés

agriculture, paysan, politique des prix, intervention de l’Etat dans l’agriculture, fertilisation du sol, agriculture et élevage, système de production, système agraire, commercialisation, prix


, Asie, Chine, Anhui

Commentaire

Bien que l’utilisation d’engrais chimiques ait explosé ces dernières années, l’agriculture chinoise apparaît toujours tributaire de l’élevage. Cette étroite association cultures/élevage est un frein à la spécialisation régionale...est-ce un bien, est-ce un mal?...

Notes

Ma thèse (Institut National Agronomique Paris-Grignon; en cours)résulte d’un travail de recherche de terrain, d’observations et d’enquêtes menées auprès des acteurs de l’agriculture locaux: paysans, cadres,...dans plusieurs districts chinois.

Source

Thèse et mémoire

DIDERON, Sylvie, INSTITUT NATIONAL AGRONOMIQUE PARIS-GRIGNON, 1993/00/00 (Suisse)

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