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Regard sur l’évolution des formes d’organisation en agriculture

Entretien avec un technicien agricole chargé de l’appui aux GAEC

Betty WAMPFLER

05 / 1994

" Le groupement agricole d’exploitation en commun, (GAEC), est une forme originale d’exploitation agricole que beaucoup de pays européens par exemple, ne connaissent pas. Les sociétés de capitaux, ou les coopératives de production qui, dans ces pays, permettent l’agriculture de groupe, ont des objectifs essentiellement économiques, mais n’ont pas la dimension humaine que permet le GAEC.

Dans un GAEC, les capitaux, les terres, les moyens de production sont mis en commun par plusieurs associés qui travaillent ensemble et partagent le revenu. Quand la formule a été créee, en 1960, l’objectif était de développer l’agriculture en permettant aux hommes de travailler autrement. D’un point de vue économique, cela permet d’avoir des exploitations mieux dimensionnées, dans lesquelles les économies d’échelle sont possibles, le matériel est mieux employé. Sur le plan humain, il y a partage du travail et des responsabilités, et le GAEC permet de briser l’isolement de l’exploitation individuelle.

L’Aveyron est l’un des premiers départements à s’être lancé, dans les années 60, dans une politique active en faveur des GAEC. Aujourd’hui, nous avons plus de 1000 GAEC en activité. C’est dans le Sud-Aveyron qu’il y en a le plus. La production de lait de brebis qui y faite est très exigeante en travail, et la faible densité de la population incite les agriculteurs à se regrouper pour faire face à l’isolement. Et puis, cette région a une tradition de mobilisation collective. A l’inverse, c’est dans le Nord-Aveyron qu’il y a le moins de GAEC. La montagne, la production de viande, une tradition très individualiste freinent sans doute l’agriculture de groupe.

Un quart des GAEC qui sont aujourd’hui en activité en Aveyron ont plus de 10 ans, la moitié a moins de 5 ans. Au delà des chiffres, il y a eu des évolutions profondes dans le mouvement des GAEC, des évolutions qui ont transformé aussi mon métier de conseiller.

Quand j’ai commencé à travailler comme technicien, le GAEC, c’était une aventure, un idéal...Les GAEC étaient surtout le fait de voisins, ou de frères qui avaient envie d’essayer de travailler autrement. Au fil des années, les GAEC entre père et fils se sont multipliés. L’idéal des débuts a beaucoup évolué, le GAEC devenant au bout du compte un simple moyen de transmettre l’exploitation du père au fils, plus en douceur et avec moins de frais.

Les organisations agricoles majoritaires ont longtemps été très réservées par rapport aux GAEC entre voisins qui avaient pour elles, des relents de gauchisme. Par contre, les GAEC père-fils ont été encouragés...

Depuis un an ou deux, avec la crise agricole, les quotas et la réforme de la PAC, on voit de nouveaux changements : les GAEC entre voisins sont beaucoup plus nombreux , et on commence à parler de GAEC partiels, dans lesquels seul un atelier de chaque exploitation serait mis en commun, les vaches laitières ou les cochons par exemple. L’esprit de ces GAEC a beaucoup changé: il s’agit bien plus de regrouper des capitaux ou de contourner la législation sur les quotas que de travailler ensemble. On me dit que c’est bien, que ces GAEC là deviendront des vraies entreprises agricoles et les agriculteurs entrent enfin vraiment dans l’Economie...Peut-être...Mais je ne suis pas sûr que ces GAEC-là seront bien durables. Ils ont été faits trop rapidement, ils ont uniquement des objectifs économiques...A mon avis, ils ne résisteront pas aux conflits qui finissent toujours par surgir dans un groupe qui travaille ensemble au quotidien. Ou alors ils deviendront effectivement des entreprises et emploieront des salariés. Mais il faut avoir les reins solides pour réussir ce genre de pari, ce qui n’est pas le cas de beaucoup d’entre eux...

Globalement, à travers mon métier de conseiller, j’ai l’impression que la crise de l’agriculture a contribué à développer l’individualisme et que l’idée de GAEC s’est progressivement vidée de son contenu. Pourtant les GAEC pourraient répondre à beaucoup d’exigences actuelles dans l’agriculture: gèrer des espaces plus importants, diversifier les productions et les activités, résoudre les problèmes de travail et d’isolement et surtout améliorer la qualité de la vie...

Mots-clés

milieu rural, organisation paysanne


, France, Aveyron

Commentaire

Si les agriculteurs ont si fortement adhéré au projet de la modernisation agricole dans les années 60, c’est sans doute parce que ce projet combinait deux objectifs: l’un économique, améliorer le revenu, l’autre social, améliorer le statut et la qualité de vie de l’agriculteur.

Face à la crise, un nouveau projet agricole est en gestation. Quelles seront, dans ce projet, la part de l’économique et la part du social? L’exemple de ce témoignage sur l’évolution des GAEC tend à faire penser que l’un prendra le pas sur l’autre...

Source

Entretien

ENSAM (Ecole Nationale Supérieure d’Agronomie de Montpellier) - L’ENSAM fait partie depuis janvier 2007 de Montpellier SupAgro qui est née de la fusion de 4 établissements : ENSAM, Centre national d’études agronomiques des régions chaudes (CNEARC), Département industries agroalimentaires régions chaudes de l’École nationale supérieure des industries agricoles et alimentaires (ENSIA-SIARC) et Centre d’expérimentations pédagogiques de Florac (CEP Florac). 2 place Pierre Viala, 34060 Montpellier Cedex 1, FRANCE - Tél. 33 (0)4 99 61 22 00 - Fax 33 (0)4 99 61 29 00 - France - www.agro-montpellier.fr - contact (@) supagro.inra.fr

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