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Finalités, logiques, stratégies

Un essai de modélisation des logiques paysannes

Frédéric LANDY

06 / 1994

Toutes les exploitations agricoles du "Sud" (voire des pays développés)n’ont pas le profit pour seul objectif. C’est ainsi que M. Dufumier distingue trois autres objectifs possibles : l’autosuffisance, la marge brute à l’hectare (cas courant en Asie des moussons), et la rémunération du travail familial (cas de l’agriculture extensive en Afrique subsaharienne). On pourrait en ajouter d’autres, comme le prestige : mais l’important est d’avoir conscience de la diversité des objectifs et des stratégies mises en oeuvre.

Reste que demeurent imprécis dans le langage courant des termes tels que "stratégies" ou "objectifs", et qu’il conviendrait de les définir en décrivant les trois niveaux dans la prise de décision du paysan.

Par "finalité" (ou "objectif"), on entendra le but vers lequel tend le fonctionnement de toute l’exploitation. Une fois la survie de la famille assurée, la "finalité" varie en effet. S’enrichir est une finalité possible (parfois un rêve), acquérir du prestige (politique, religieux...)en est une autre, tout comme ce qu’on pourrait appeler l’hédonisme, une volonté de plaisir qui fait passer au second plan travail ardu et investissement.

Ces finalités sont mises en oeuvre par les "logiques" : c’est ainsi qu’il existe des logiques d’autosuffisance, de maximisation du profit, de maximisation du produit brut, etc. Il importe de distinguer "finalité" et "logique" car elles ne se situent pas au même niveau : c’est ainsi que la sécurité est une finalité, non une logique, puisque pour l’obtenir une exploitation dispose de plusieurs logiques possibles (autosuffisance, diversification...).

Enfin, c’est en fonction de sa finalité et de sa logique que le paysan mènera une "stratégie" : une finalité d’enrichissement pourra être atteinte par l’achat de terres, ou de bétail, ou l’investissement dans une rizerie, ou l’éducation d’un fils... Au total, la stratégie est le moyen, la logique est le mode, la finalité est le but :trois niveaux différents expliquant les modes de décision et concourant à la grande diversité des exploitations. Une même stratégie peut correspondre à des logiques différentes chez deux agriculteurs. On peut rencontrer aussi une même logique, mais des stratégies et des finalités différentes. Ainsi, à Mottahalli, un village irrigué de l’Inde du sud, deux exploitations de même taille peuvent avoir une même logique de maximisation du revenu, mais mener pour l’une une stratégie de développement par la canne à sucre (achat de terre, construction d’un moulin artisanal), et pour l’autre une stratégie de diversification par l’élevage laitier... tout en ayant des finalités différentes : l’enrichissement (par capitalisation des revenus et réinvestissement immédiat)pour l’une, le prestige pour l’autre (si les revenus sont ultérieurement dépensés pour un mariage somptueux ou l’achat d’un scooter).

Mots-clés

agriculture paysanne, différenciation sociale


, Inde

Commentaire

Les paysans ne peuvent choisir en toute liberté leurs finalités ou leurs stratégies. C’est ainsi que les finalités du prestige, de l’enrichissement et de l’hédonisme sont inaccessibles aux classes sociales les plus pauvres, qui n’ont pour finalité que la simple survie à tout prix. Il existe donc bien sûr un déterminisme social : reste que celui-ci n’est pas rigide, et qu’à l’intérieur de ce cadre le paysan garde une certaine marge de liberté.

Ajoutons pour finir que cette diversité des logiques et des finalités n’est pas propre aux agricultures du Sud : dans les pays développés, le jeune cadre dynamique n’a pas la même finalité que le fonctionnaire... En fait, si les stratégies varient énormément selon les pays et les secteurs économiques, il semble bien que dans le monde les logiques et surtout les finalités puissent presque se compter sur les doigts d’une main : sécurité, richesse, prestige, hédonisme... Telles sont sans doute les "passions" pascaliennes qui dirigent 90 % de l’humanité.

Notes

Cette fiche a été élaborée à partir de ma thèse qui doit être publiée en 1994 sous le titre : "Paysans de l’Inde du Sud", chez Karthala.

Source

Thèse et mémoire

LANDY, Frédéric

Université de Paris 10 (Centre d’étyudes de l’Inde et de l’Asie du sud) - 59 Rue Bazire, 76300 SOTTEVILLE LES ROUEN. FRANCE. Tel 33 (0) 140 97 75 58. Fax 33 (0) 140 97 70 86 - France - frederic.landy (@) wanadoo.fr

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