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La vulgarisation agricole, un problème de communication

Leçons d’une expérience de terrain de Baradji, vulgarisateur agricole à l’ORDIK

David GAKUNZI

04 / 1993

Issu d’une école d’ingénieur agricoles, Baradji travaille à la vulgarisation des techniques agricoles modernes dans les villages ORDIK (Organisation Rurale pour le Développement Intégré de la Kolimbine)depuis trois ans. Les villages de l’Ordik sont situés à Kayes la deuxième région du Mali. Le rôle de Baradji est d’adapter et transmettre aux paysans les acquis de la recherche agricole sous une forme compréhensible et applicable. Il est aussi de montrer aux paysans qu’il existe plusieurs solutions à leurs problèmes. A l’école on lui avait raconté que les paysans sont récalcitrants au progrès. Sur le terrain il a appris qu’ils ne sont imperméables qu’aux innovations qui leur paraissent contraires à leurs intérêts, que c’est moins leur esprit conservateur que la balance inconvénient/avantages qui est à la source des acceptations/rejets des innovations. Et que c’est surtout la façon, la manière,le langage dans lequel ces innovations sont présentées qui déterminent leur acceptation ou leur rejet. Autrement dit la vulgarisation dépend du type de communication qui s’établit entre les paysans et le vulgarisateur agricole. Selon son expérience de terrain, pour Baradji la première des choses qu’un vulgarisateur agricole doit éviter c’est d’aller prêcher aux paysans ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire. Il doit d’abord humblement aller à leur école. Des paysans peuvent avoir des pratiques agricoles qui peuvent paraître dépassées. La réalité, c’est qu’il y a toujours une certaine rationalité- technologique, écologique ou culturelle- derrière ces pratiques qu’on ne peut découvrir qu’en allant à leur écoute. C’est la leçon principale que Baradji retient de sa tentative de vulgarisation de semences améliorées à l’Ordik. Pour améliorer la situation alimentaire des villageois l’ ORDIK a confié à Baradji la mission d’introduire des semences améliorées de variétés de céréales adaptées aux conditions climatiques locales et capables d’améliorer la productivité tout en ne contrariant pas l’attente des villageois quant au goût dans les assiettes. La première année Baradji a distribué, à chacune des 24 familles qui se sont portées volontaires pour tester les nouvelles semences proposées, 1 kg de chacune des 6 variétés à tester. Les méthodes culturales étaient laissées au choix des familles ; la seule exigence étant de semer dans un emplacement situé au milieu des champs. Au bout d’un an, le maïs blanc fut vite adopté. Parce que plus productif et précoce, Baradji croyait que la première variété de sorgho allait être adoptée sans problème car présentant l’avantage d’être à terme seulement au bout de deux mois. Elle fut rejetée pour son goût. "Pas même bon pour les animaux " disaient les paysans. La deuxième variété de sorgho, elle, fut acceptée pour sa précocité, son rendement plus important que la variété locale et son bon goût. Même si elle donnait moins de farine que la variété locale. Des trois variétés de haricots introduites les réactions ont été diverses. La variété TN a été rejetée parce que, cultivée en association avec le maïs ou le mil, il s’enroulait autour des tiges et les parasitait. En outre sa conservation était difficile. Par contre la TBX a été vite adoptée pour sa bonne rentabilité, sa capacité de pousser en période de faible pluviométrie, la bonne conservation de ses graines et aussi à cause du fait qu’il ne s’enroulait pas autour des plantes. "Si je n’avais pas eu la modestie d’être à l’écoute des villageois je n’aurais jamais compris pourquoi ils ont accepté telle variété et pas telle autre. Leur réaction, je l’aurais analysée en terme d’esprit conservateur ou de superstition". Le succès de son expérience de vulgarisation, Baradji l’explique par le fait qu’il a pu établir une communication "troc de connaissances" avec les villageois. Dans les champs il était à la fois maître et élève. Et il a beaucoup appris. A l’école, Baradji avait appris à reconnaître la nature des sols en analysant leur contenu en argile. Les paysans des villages Ordik lui ont appris à reconnaître la nature des sols seulement en observant leur couverture végétale.

Mots-clés

culture populaire, changement culturel, histoire du développement, identité culturelle, interdépendance culturelle, participation populaire, innovation, technicien et paysan, savoir traditionnel, semence, tradition et modernité, valorisation des savoirs traditionnels, transfert de connaissances


, Mali, Kayes

Commentaire

C’est en reconnaissant d’abord,selon Baradji, la valeur de ce savoir ancien que l’on peut gagner la confiance des paysans et initier des innovations. Car l’adoption ou le rejet d’une innovation peut être aussi motivé par le degré de confiance du paysan dans l’innovateur. Pour gagner cette confiance le vulgarisateur doit être capable d’établir un rapport d’égal à égal avec les paysans. S’il débarque en missionnaire, il échouera. Les paysans n’écoutant que ceux qui les écoutent et ne respectant que ceux qui les respectent.

Source

Entretien

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