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Rwanda : les difficiles relations de partenariat entre le gouvernement et les ONG

Le contrat d’agrément entre les ONG et le gouvernement rwandais

Florence DA SILVA

03 / 1996

Le contrat d’agrément, qui est en fait composé d’un enregistrement, d’un accord de base et d’un certificat d’enregistrement est signé entre le gouvernement rwandais et une ONG sur la base du document "Procédures de travail des ONG locales et Internationales" établi par le Ministère de la Réhabilitation et de l’Intégration Sociale (MINIREISO)en décembre 1994. Parmi ces procédures on trouve : les obligations de rapports d’activités narratifs et financier, l’approbation du personnel expatrié par les autorités, l’approbation du projet et de la procédure d éxécution du projet, les procédures de révision du projet, les modalités de remise de tout équipement au gouvernement suite au départ de l ONG, les procédures d évaluation. Ces procédures font l’objet d’un débat parmi les ONG, certaines ONG les trouvant trop dures et nuisibles à leur liberté d action.

Ce document de procédures est actuellement en cours de révision. Jusqu’en février 1996 les ONG devaient présenter un dossier de demande d’enregistrement complet au MINIREISO. Ce dernier se chargeait ensuite de contacter tous les ministères techniques dont relevait le projet et de recueillir leur avis. Créé dans l’urgence après la guerre d’Avril 1994, ce Ministère prenait en charge tous les aspects de la reconstruction du pays, en particulier l’aide aux rescapés, aux victimes des massacres et du génocide. Les priorités du gouvernement listées dans le document des procédures étaient (et restent)les suivantes : le rapatriement ou la réinstallation des réfugiés, des déplacés ou des personnes nouvellement entrées; la réhabilitation des victimes de guerre ou du génocide; la réhabilitation et l’amélioration des infrastructures et des services socio-économiques; l’amélioration de la condition féminine; l’éducation et la formation; la protection et l’amélioration du milieu environnemental. Notons cependant que sur le terrain, la priorité est partout la reconstruction des maisons.

Aujourd’hui les ministères techniques sont redevenus opérationnels et récupèrent progressivement les tâches qui sont de leur compétence propre. Ainsi, alors que c’est le MINIREISO qui, en collaboration avec l UNICEF, a créé le Centre National du Traumatisme, celui-ci revient désormais sous la responsabilité du Ministère de la Santé, qui a d’ailleurs créé une Coordination en santé mentale. De la même façon, les centres d’enfants non-accompagnés entrent désormais sous la tutelle du Ministère du Travail et des Affaires Sociales. Cette remise en route du système ministériel rwandais n’est pas sans conséquences sur les relations ONG

autorités. Désormais, pour obtenir l’agrément, une ONG doit s’adresser elle-même à tous les ministères techniques dont relève sont projet, obtenir de chacun de ces ministère une lettre spécifique de reconnaissance et d’acceptation du projet et de présenter ensuite ces lettres au MINIREISO qui assure qu’alors l’enregistrement sera automatique.

Le système en lui-même n’est pas mauvais, mais il était fort pratique pour les ONG de n’avoir qu’un seul intermédiaire priviligié : le MINIREISO. Les démarches qu’il fallait faire avec ce dernier sont désormais multipliées par le nombre de ministères techniques dont relève le projet. Pour certaines ONG cette procédure devient un véritable parcours du combattant quand les projets intègrent des volets différents mais complémentaires (santé, sanitation, reconstruction, familles d’accueil, soutien psychologique...). Or chaque ministère fonctionne à son rythme et est parcouru par des logiques de pouvoir propres. De plus, se pose cruellement le problème des chevauchements de compétences entre les différents ministères : le tracing, qui est l’ensemble des méthode de recherche des familles dont les membres ont été séparés, relève du Ministère du travail et des Affaires sociales. Mais la plupart du temps le tracing s’accompagne de réunification familiale ce qui suppose de travailler avec le Ministère de la Famille et de la Promotion de la Femme. De manière générale, tous les projets à orientation psychosociale sont complexes et supposent des compétences très diversifiées.

Les ONG demandent donc que soit clarifiée par écrit la répartition des compétences des différents ministères, pour ne pas être prises dans des jeux à somme nulle. Il semble que la tâche d’orienter les ONG vers les ministères techniques dont relève les projets appartienne au MINIREISO, qui garde ainsi un rôle de coordination.

Une fois résolu ce problème de chevauchement, la démarche peut être considérée comme claire : les projets sont jugés d’un point de vue technique et en fonction des priorités établies par les ministères. Pour les ONG qui veulent aujourd hui proposer un projet au Rwanda il est assez simple de suivre ces directives. Pour celles qui sont là depuis peu et qui avaient commencé leurs démarches sous l’ancien système,la procédure est fastidieuse. On ne peut s’empêcher de remarquer que les ONG sont censées présenter ce dossier au MINIREISO et obtenir l’agrément avant le début de leurs activités, mais que pour défendre son projet il faut être sur place, qu’il est très difficile d’être vu sur place sans être opérationnel. Dans les faits il est demandé aux ONG de travailler en attendant que la procédure d’enregistrement aboutisse, ce qui permet aux autorités de juger in situ le projet, quoiqu’on ne puisse pas travailler vraiment efficacement sans les autorisations officielles écrites.

Ce simple exemple montre la complexité des relations entre les autorités et les ONG, complexité qui plonge souvent les ONG dans des contradictions insolubles et des impasses. Une seule solution : patience et persévérance.

Mots-clés

conflit ethnique, ONG, Etat et société civile, relations internationales


, Rwanda

Notes

Contact personnel Florence DA SILVA : 89-91 rue Pelleport 75020 Paris, France.

Source

Document de travail ; Texte original

ERM (Enfants Réfugiés du Monde) - 34 rue Gaston Lauriau, 93512 Montreuil cedex, FRANCE - Tél. : 33 (0)1 48 59 60 29 - France - erm (@) erm.asso.fr

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