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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Des paysans cinéastes ou comment de petits agriculteurs mis au défi de participer à la réalisation d’une vidéo se découvrent une histoire, font entendre leur voix et révisent leur jugement sur les chaines de télévision nationales

Cristiana TRAMONTE

03 / 1993

La vidéo "Memoires paysannes de Bocaina do Sul"est un exemple de la façon dont le travail de communication populaire au Brésil peut aider à promouvoir la parole de ceux qui ne l’ont pas.

C’est a partir d’un séminaire sur l’histoire de la région, que les treize communautés rurales qui participaient à cette rencontre ont décidé qu’il était très important d’en diffuser les résultats. En discutant avec un groupe de "communicateurs"* les participants ont émis l’idée de produire un "film" sur la Bocaina. "Parce que nous avons des choses a transmettre à nos fils, à nos petits enfants. Et puis un film c’est agréable, ça sert à ceux qui ne savent pas lire, aux vieux qui n’y voient plus très bien, aux enfants qui n’ont pas encore été à l’ecole".

Une fois décidés les objectifs restait une question: comment faire? Chacune communaute sera responsable de l’organisation des prises de vue sur son propre terrain: retrouver les photographies anciennes, aller trouver les vieux les témoignages, retrouver les objets significatifs, etc. Quand le travail a été achevé dans quelques unes des communautés, une première présentation a été faite au cours d’une fête traditionelle: près de 400 personnes se sont retrouvées dans la petite salle de cinéma improvisée, et la vidéo est passée de façon initeroompue pendant toute la journée.

Le sentiment géneral fut celui de la surprise: chacun voyait des scènes, des lieux et de personnes qu’il ne connaissait pas alors qu’il habitait tout près. Ensuite, ce fut l’émotion: revoir des personnes que l’on n’avait pas vues depuis un temps fou (parents, voisins...), des lieux dont on avait entendu parler par les anciens, mais qu’on n’avait encore jamais visités (par example, une ancienne fabrique de papier dans laquelle les parents et grands-parents avaient travaillé). Après vint le sentiment d’identité. Entre tous ces gens- là, il y avait une histoire en commun.

Puis le tournage a continué. A la demande des communautés, copies de la vidéo a l’état brut ont été faites, ont circulé de main en main, comme un symbole du travail éffectué par chaque communauté et comme l’affirmation de son importance historique. La cassete était, pour certains habitants qui n’imaginaient pas que l’on puisse s’intéresser a leur histoire, la preuve que "cette histoire de film sur la Bocaina n’était pas une blague" Lorsque tout fut terminé, une réunion s’est tenue avec les paysans pour décider de la suite des évenements. Visionner les bandes vidéos avec eux a duré presque une journée entière. Il était fort difficile de savoir ce qu’il faudrait retenir dans la vidéo. Bien sûr, il y avait des images qui, quoiqu’il en soit, ne devaient pas être supprimées. Mais, même si les agriculteurs convenaient que, pour la vidéo ne soit pas "barbante" pour les gens de l’extérieur, il faudrait bien faire des coupes, la volonté générale était, dans le fond, de tout garder. S’est alors engagé un bien intéressant exercice de démocratie: il était clair que chacune des communautés filmées devait apparaître dans la vidéo, mais aucune compétition ne s’est instaurée entre elles pour leur temps de passage et leur importance dans le film. Après accord sur les idées principales qui devraient apparaître, quatre agriculteurs ont été elus "realisateurs" pour monter le scénario, décider du texte et du découpage.

Un premier enseignement de cet aprentissage collectif est la démystification de la télévision. Au Brésil, c’est tout a fait fondamental. Les paysans disent: "Si moi je peux passer à la TV et y dire ce que je veux, cela veut dire qu’un présentateur de TV peut, lui, me raconter des histoires". Et voici la magie rompue! Dès lors, il est plus facile de reconsidérer les valeurs transmises par les toutes puissantes chaînes de télévision.

La deuxième leçon c’est la récupération et la valorisation de l’histoire des communautés. Auparavant, les agriculteurs pensaient que l’histoire ne peut être découverte que dans les manuels scolaires: l’empereur Pedro I, ça c’est de l’Histoire. Mais le passé des communautés rurales, non. Commencer à retrouver sa propre histoire, c’est retrouver son identité culturelle.

Egalement, cette éxperience montre bien des choses sur les possibilités mobilisatrices du tournage vidéo. La fascination qu’exerce sur les gens le fait de participer à la production d`un film, d’apparaître sur l’écran et d’y voir sa propre communauté, est un élement mobilisateur extraordinaire.

Enfin, agriculteurs et communicateurs/éducateurs, ont fait ensemble un véritage apprentissage réciproque.

*equipe actuel de DIALOGO.

Mots-clés

méthode pédagogique, éducation et changement social, éducation populaire, vidéo, télévision, culture et technique


, Brésil, Bocaina do Sul, Planalto Serrano de Santa Catarina

Commentaire

Les agriculteurs ont choisi le thème du "message final" de la vidéo de façon tout a fait inattendue. Plus généralement, les "communicateurs" ont fourni des indications techniques et méthodologiques et les agriculteurs ont aporté des informations culturelles, historiques, des leçons de vie. Cela ne veut pas dire que les premiers n’ont eu aucun rôle dans l’orientation du tournage, mais que le travail participatif est générateur d’autonomie individuelle et collective. Un des enjeux de ces processus pédagogiques est l’exercice de la démocratie dans la conception et l’éxecution des outils de communication. Un exercice qui demande beaucoup de négociation et de dialogue. Ce n’est pas nous qui devons déterminer les besoins et les centres d’intérêt des populations et nous mettre "à leur service". Si nous faisons cela, nous continuos à agir de façon verticale. Ce qui est important, des objectifs, et de réfléchir ensemble aux meilleures façons de favoriser une expression libre et démocratique.

Notes

Bocaina do Sul est une localité de Santa Catarina, au sud du Brésil: une région pauvre, avec de vastes domaines agraire improdutifs, où l’on trouve les hivers les plus rigoureux du pays. Depuis deux siècles et demi, sa population a souffert d’une extrême misère sociale et domination politica et culturel.

Source

Document vidéo

TRAMONTE, Cristiana, VIEIRA DE SOUZA, Marcio, DIALOGO CULTURA E COMUNICACAO, CIEDEL in. HISTOIRES DE DEVELOPPEMENT, 1992/06 (France), N.18

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