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L’agriculture à tout prix ?

L’Arabie saoudite privilégie l’agriculture au détriment de ses réserves d’eau

Angélique KHALED

10 / 1995

Dans la péninsule arabique, les retombées des revenus du pétrole après la crise de 1973 ont permis de faire du développement agricole une priorité.

On est passé d’une agriculture vivrière organisée autour des oasis, avec une exploitation très modérée des nappes d’eau souterraines, à une agriculture industrielle aux moyens financiers et technologiques énormes (multiplication des centres de recherche agronomique, généralisation de la gestion par informatique, surveillance de l’évolution des cultures par satellites).

Les raisons d’un tel changement sont multiples :

- Créer un secteur agricole moderne pour diminuer la dépendance par rapport au pétrole.

- Investir l’argent servant à payer les importations dans la mise en place des capacités de production et, par là, créer des emplois.

- En assurant l’autosuffisance alimentaire, échapper à un chantage alimentaire potentiel de la part des pays occidentaux.

- Assurer la stabilité intérieure du royaume en sédentarisant les tribus nomades et en les associant au développement du pays.

- Faire du secteur agricole un instrument de leadership sur d’autres pays islamiques. C’est, en effet, un secteur qui permet de se montrer généreux par la distribution de produits alimentaires et dont les revenus pourraient aider à financer les projets de développement de pays amis.

L’exemple de la culture du blé en Arabie saoudite illustre également les limites d’un tel développement. On peut effectivement parler de miracle quand on voit que, de 1978 à 1991, la production annuelle de blé est passée de 175 000 à 4 millions de tonnes (ce pays est aujourd’hui le sixième exportateur mondial de blé). Mais le prix écologique est très lourd à payer.

L’eau servant à irriguer les champs de blé provient pour 80 % de nappes souterraines non renouvelables. D’après les scientifiques, le tarissement complet des réserves sera atteint d’ici cent ans, trente pour les plus pessimistes. Un hydro-géologue français a pu constater que le niveau de certaines nappes baissait à un rythme de dix mètres par an, phénomène unique dans le monde. Enfin, l’emploi important d’engrais chimiques a des conséquences négatives sur la qualité de l’eau des nappes souterraines.

Au niveau économique également, tout n’est pas positif. Malgré les efforts du gouvernement, l’avenir d’un tel développement agricole est irrémédiablement lié aux revenus du pétrole. En outre, cette évolution n’a été possible qu’avec le soutien artificiel des cours du blé : en 1991, les producteurs ont vendu leur récolte à l’agence gouvernementale entre 400 et 500 dollars la tonne alors que les cours mondiaux atteignaient à peine 100 dollars. Paradoxalement, la dépendance par rapport à l’étranger s’est accrue : la main d’oeuvre agricole vient des pays asiatiques, les fermes ultra-modernes sont gérées par des techniciens anglo-saxons, le matériel, les semences et les engrais sont importés.

Les autorités saoudiennes ont pris conscience de ces limites. En effet, dans le Vème Plan (1990-1995), on encourage une gestion plus rationnelle de l’eau et le recyclage des eaux usées. On commence également à limiter les subventions aux producteurs de blé. Mais ces directives sont mal accueillies par un lobby agricole devenu très puissant. Enfin, on pousse à diversifier les cultures (orge, maïs, légumes). or, elles sont moins subventionnées alors que le blé apporte des revenus assurés.

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