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Décloisonnement des institutions scolaires et culturelles : quelles chances, quelles limites ? : entretien avec la présidente de l’association Une Ville se Raconte

Hélène BOISSIERE

02 / 1993

Encouragés par un groupe de professeurs, des comédiens viennent à Châtenay-Malabry, une ville de la banlieue parisienne, pour y mener des activités théâtrales.

Certaines activités viennent, tout naturellement, s’inscrire dans le milieu éducatif et scolaire. Or cette articulation est sous-tendue par certains présupposés, qui méritent d’être explicités. Liliane Mayerovitz était alors professeur d’espagnol en 1978 du Lycée Mounier ; elle a donc pu se former aux techniques théâtrales avec les comédiens nouveaux venus, puis participer aux animations diverses sur la ville et enfin fut élue présidente de l’association "Une ville se raconte", dont la création répondait à des besoins et des désirs culturels dans la ville.

Le rapport école-vie culturelle, pour avoir été vécu intensément par la responsable d’"Une Ville se Raconte" constitue non seulement un héritage, à travers le témoignage de Liliane Mayerovitz, mais aussi un axe privilégié dans le travail de l’association, par exemple sous la forme de partenariat ou de tournée dans les écoles, par des activités théâtrales menées au sein même de l’institution scolaire. Laissons à ce sujet la parole à Liliane Mayerovitz.

Hélène BOISSIERE : Quels sont les objectifs que vous vous êtes donnés à vous-même et comment sont-ils perçus par les élèves auprès de qui vous intervenez ?

Liliane MAYEROVITZ : Mes objectifs sont ceux des élèves ; j’essaie d’être à l’écoute de leurs désirs, leurs aspirations. C’est dans cette atmosphère d’écoute que j’ai été moi-même formée ; je tiens ainsi à conserver ce qui est à mes yeux essentiel. La culture par la rencontre, telle que nous la pratiquions dans les premières années de l’association, supposait que l’on aille au devant des désirs, qu’on éveille des besoins culturels, qu’on sache saisir les occasions là où elles se trouvaient ; cela supposait que l’on sorte du cadre institutionnel d’où l’on venait. Il s’agissait d’avoir le courage d’explorer ensemble un terrain relativement pauvre et peu stimulant. J’ai pu ainsi constituer en 1981, un atelier d’animation enfant justement grâce à la rencontre d’une ancienne élève qui s’occupait d’un jardin d’enfant, et d’enfants désoeuvrés dans la rue. Il y a échange à parité.

La vie des lycéens au lycée me tient particulièrement à coeur - il fallait prendre les motivations, les aspirations dans le quotidien des participants tout en évitant le psychodrame ou de blesser les gens. C’est ainsi qu’on favorise les médiations de la culture dominante et dominée, les grands textes, mais aussi qu’on valorise les ressources des cultures dominées, des histoires de vie.

Hélène BOISSIERE : comment ces objectifs sont-ils perçus par les élèves auprès de qui vous intervenez ?

Liliane MAYEROVITZ : Les premières années de ma pratique d’animation ont été marquées par l’enthousiasme qui suivit 68.

Certains collègues étaient sensibles particulièrement aux méthodes d’A. Boal qui consistent à visualiser les rituels de la vie sociale, à les mettre en image, à figer les scènes et à briser les oppressions que ces images mettent en lumière. Appliquées à l’école, ces pratiques peuvent parfois permettre un utile décentrement mais elles ouvrent la voie à toute forme de mise en cause et nous-même n’étions pas épargnés.

Nous avons exploré ensemble plusieurs pratiques théâtrales. Les élèves se sentaient libérés des présupposés pédagogiques qui soutiennent la logique d’enseignement en général. C’était à nous de nous y adapter lorsque nous revenions aux cours dits "traditionnels".

Il s’agit de considérer notre action dans le long terme, c’est-à-dire au niveau de la formation d’un projet de vie personnel. Quand un projet ou un atelier arrivent à un certain déploiement, on voit que ces activités permettent de réveiller un certain nombre de questions fondamentales sur l’école, sur sa dimension sociale, sa dimension culturelle, sur la position du maître, sur la revendication nécessaire de rythmes mieux adaptés à l’école, sur la dimension de l’imaginaire collectif ou individuel de l’élève.

Hélène BOISSIERE : Quelle est la place de financement ministériel de vos activités ?

Liliane MAYEROVITZ : J’ai assumé toutes ces activités en tant que bénévole ; la réalisation du projet était le fruit d’une rencontre entre des demandes et des désirs. Une cagnotte gérée par le foyer socio-éducatif, donc par les élèves, nous permet de financer décors et accessoires. Les liens étroits qui sont établis entre le Lycée et "Une ville se raconte" permet l’échange de service : le prêt de la salle et l’échange de savoir-faire.

Mots-clés

autoévaluation, décloisonnement des disciplines, école, éducation, changement culturel, développement autonome


, France, Châtenay-Malabry

Commentaire

Pour percevoir positivement le décloisonnement des institutions, scolaires et culturelles, une condition paraît nécessaire et suffisante: le théâtre doit être désiré, demandé, parce qu’il y a quelque chose qui interroge les professeurs dans leur pratique avec les adolescents.

Source

Entretien

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