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La responsabilisation des organisations non gouvernementales africaines par l’apprentissage de la gestion

Sophie NICK

02 / 1996

Jackie Dussaux est chargée de gestion à l’association pour le développement des activités maritimes (CEASM). Un des objectifs de cette ONG est de favoriser l’émergence des ONG du Sud dans le domaine maritime, comme Défi-Sud au Sénégal.

- L’argent est considéré comme un problème du Nord : "Au début, j’avais tendance à penser que les Africains ont le même mode de réflexion que nous. J’avais fait l’erreur de croire, qu’une fois un service administratif mis en place au Sénégal, il allait fonctionner comme ça se passe en France. J’ai vite réalisé qu’il est très difficile de faire comprendre la notion de gestion, de prévision ou d’échéance. Cela m’a amené à réfléchir à une méthode qui parte de leur fonctionnement et non du mien.

Je me souviens d’un séminaire à Abidjan qui m’a donné de grandes émotions. Deux ou trois jours avant cette rencontre, j’ai téléphoné aux responsables ivoiriens (nous étions co-organisateurs)pour savoir s’ils avaient bien mis les systèmes financiers nécessaires en place. Ce n’était pas le cas et cela compromettait complètement le séminaire. Leur argument était : "Nous savons bien que tu feras en sorte que l’argent arrive à temps". Officiellement, j’ai dit : "C’est de votre responsabilité, donc à vous de vous débrouiller" mais j’ai quand même contacté officieusement le banquier pour que les fonds soient virés dans les délais. Ce n’était pas le premier séminaire que nous mettions sur pieds et j’avais pensé qu’ils avaient intégré tous les paramètres de l’organisation. Pour eux, l’argent était notre problème, pas le leur. Leur réaction était de penser que les problèmes allaient s’arranger et que tout le monde allait faire preuve de souplesse. Le même incident en France est vécu comme un échec."

- Gérer soi-même l’argent : "L’aspect financier est directement lié à la responsabilisation des ONG du Sud. Le CEASM a soutenu le projet PAMEZ (Pêche Artisanale Maritime dans la rEgion de Ziguinchor)qui a été prolongé par un second projet de développement de la pêche géré par Défi-Sud. Cette ONG sénégalaise est dirigée par Aboubacar Doucouré qui travaillait auparavant au PAMEZ en tant qu’administrateur. A l’époque, je n’avais pas réussi à lui faire comprendre que le téléphone doit être utilisé avec discernement parce que cela peut avoir des répercussions financières énormes. Or, j’imagine que Monsieur Doucouré a du se trouver devant cette difficulté puisque qu’il a fait couper la ligne internationale à Défi-Sud. Nous n’aurions jamais pu prendre une telle décision au PAMEZ, il nous aurait dit (comme je l’ai déjà entendu): "vous nous prenez pour des enfants, vous pensez que nous ne pouvons pas gérer nous-mêmes ce genre de problème." D’une manière générale, les Africains en charge de gestion d’organisations considèrent que l’argent issu des fonds publics n’est pas le même que celui qui est gagné à la sueur de leur front. Ainsi, dans les séminaires, quand on a 20 invités officiels, on peut facilement en voir 35. C’est aussi ce qu’il se passe en France. Un fabricant en papeterie me disait, qu’au moment de la rentrée scolaire, ses commandes augmentent de 30% à 35% auprès des administrations. A l’époque du PAMEZ, l’argent des bailleurs de fonds étant filtrée par une ONG française (le CEASM), Monsieur Doucouré était moins réceptif aux conseils que je lui donnais. Maintenant il se rend compte que cela devient important, c’est sa responsabilité."

- Un tabou des ONG : "Au CEASM, quand je suis arrivée, il n’y avait jamais eu auparavant de chargé de gestion. Dans le domaine associatif, ça a longtemps été quelque chose de secondaire. Souvent, les salariés travaillent sur le fond avec un côté militant mais la gestion n’est pas une activité noble. Quand je suis arrivée, il y avait des différences importantes entre les services administratifs (nous faisons partie d’un collectif d’associations)et les techniciens. Les premiers avaient un demi-mois de salaire de prime et les seconds un mois. Idem pour les vacances. Quand je suis passée au poste de cadre où je suis actuellement, ça a fait scandale car il était inconcevable qu’une personne ayant une fonction administrative puisse avoir un salaire plus important qu’un technicien qui a une fonction intellectuelle."

Mots-clés

pêche artisanale, mer, coopération, ONG, prise de participation, financement du développement


, Sénégal

Commentaire

"Je ne dirai pas que l’on retrouve forcément cet état d’esprit dans les ONG du Sud mais le manque de formation n’explique pas tout."

Notes

Entretien réalisé par Sophie Nick au CEASM dans le cadre de la capitalisation d’expérience de cette association.

Entretien avec DUSSAUX, Jackie

Source

Entretien

CEASM (Association pour le Développement des Activités Maritimes) - Le CEASM a arrêté ses activités en 2001. - France

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