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La gestion et la prévention des conflits dans un projet de développement

Sophie NICK

02 / 1996

Cornélia Nauen est chargée de la coopération maritime à la Direction Générale du Développement de la Commission des Communautés Européennes. Ses réflexions sont le fruit de plus de 20 ans d’expérience dans ce domaine.

- L’aide extérieure peut aider à la résolution de conflits. "Les personnes qui viennent de l’extérieur peuvent aider à résoudre les litiges que l’on trouve souvent dans la pêche en créant des plates formes où les gens viennent régler leurs différents sans qu’on le fasse à leur place. Nous n’avons pas suffisamment d’institutions, de structures, de processus qui facilitent la résolution des conflits sans qu’il y ait confrontation. Quelqu’un qui vient de l’extérieur pourrait jouer le rôle d’un médiateur. Ne pouvant pas être soupçonné d’être partie prenante des jeux de pouvoirs, il pourrait servir à débloquer des situations.

Un de mes collègues travaille actuellement aux Philippines dans une zone où les gens pratiquent à la fois l’agriculture sur les collines avec une pente très forte (où l’on devrait laisser normalement la forêt vierge pousser)et la pêche pendant la nuit. Les phénomènes d’érosion et de sédimentation dus aux cultures portent également atteinte à la pêche car le corail est détruit sur des zones étendues. C’est une situation qui peut se comprendre par le manque d’information des paysans. Il y a un projet extérieur qui aide à la préservation des forêts en expérimentant avec les agriculteurs différents modèles d’exploitation. De l’autre côté, on travaille avec les pêcheurs en découvrant que ce sont les mêmes personnes. Le fait d’avoir des intermédiaires a complètement débloqué la situation. En effet, ceux-ci pouvaient aussi bien s’adresser au gouvernement qu’aux paysans ou aux pêcheurs et cela a permis d’établir le dialogue. Les problèmes, reconnus par tout le monde depuis longtemps, ont été abordés différemment. Il manquait des mécanismes pour les résoudre. L’ancien chef de projet n’a pas pu avoir ce rôle car il était trop associé au pouvoir en place.

Beaucoup de mécanismes ancestraux de gestion de conflits ont été abandonnés avec la remise en cause des façons traditionnelles de gérer les sociétés et, par extension, les ressources naturelles. Par conséquent, les connaissances sur l’écologie ou la gestion des ressources sont transmises de moins en moins des vieux aux jeunes parce qu’il y a une mise en cause de cette autorité sans que les systèmes modernes soient suffisamment subtils pour les remplacer. En même temps, la monétarisation dans tous les domaines provoque des conflits de plus en plus forts sans qu’il y ait des mécanismes pour les gérer. Je ne dis pas cela pour faire un retour vers le passé ou imaginer un monde sans conflit. Il faut voir ce qu’il y a d’intéressant à préserver et saisir les opportunités liées au changement pour ne pas seulement en avoir les aspects négatifs. On ne peut pas rêver, avec un petit projet, de changer ces évolutions. Tout dépendra de la capacité des pêcheurs et des paysans à s’organiser et à anticiper ces changements pour ne pas en subir les conséquences néfastes."

- Les projets dans un contexte d’insécurité nationale. "Dans un projet, il ne faut pas sous-évaluer le contexte macro-économique. Certains pays arrivent maintenant à un seuil où l’insécurité, la circulation des armes et les abus de toutes sortes sont tels que l’on a beau vouloir appuyer les pêcheurs dans leur développement, le succès de toute action est compromis. Une démarche de coopération demande un niveau de confiance suffisant pour évaluer les capacités d’investissement ou comprendre les besoins des pêcheurs. Si l’on doit craindre que les données récoltées soient utilisées contre les pêcheurs, cela peut être très dangereux. C’est ce qui se passe au Tchad, au Libéria ou en Somalie. Je ne dis pas que nous ne pouvons pas y travailler mais la dimension d’insécurité ou de violence peut remettre en cause la capacité d’appui réel que nous pouvons avoir. Il faut que cela s’accompagne d’une politique d’apaisement, de dialogue, des actions qui visent à créer de l’emploi pacifique pour que les gens n’utilisent pas les armes facilement pour gagner leur vie. Souvent, ce n’est pas leur premier choix mais il n’y a pas d’autre alternative pour eux. C’est un domaine extrêmement complexe où on a toutes les chances d’avoir des intérêts opposés et où rares sont les cas où l’on peut imaginer une solution facile et rapide."

Mots-clés

pêche, mer, coopération, prévention des conflits, médiation, conflit, résolution traditionnelle des conflits


, Europe

Commentaire

Il est ici question de deux types de conflits : celui qu’une personne extérieure peut aider à résoudre et celui qui, à une autre échelle, empêche une action de développement efficace.

Notes

Entretien réalisé par Sophie Nick à Bruxelles dans le cadre de la capitalisation d’expérience du CEASM.

Contact : Commission des Communautés Européennes, Direction Générale du Développement, DG VIII-D-5, 200 rue de la Loi, 1049 Bruxelles, Belgique.

Entretien avec NAUEN, Cornelia

Source

Entretien

CEASM (Association pour le Développement des Activités Maritimes) - Le CEASM a arrêté ses activités en 2001. - France

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