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ETATS-UNIS : médiation côté cour... de récréation

04 / 1996

En pleurant à chaudes larmes, Véronica, 7 ans, se relève du goudron de la cour de récréation et se dirige vers son amie Ayesha. "Pourquoi tu m’as fait un croche-pied ?" lui crie-t-elle

"Je ne t’ai pas fait de croche-pied !"

"Si tu m’as fait un croche-pied, et je vais t’en faire un aussi !"

"Essaye, tu vas voir ce qui va t’arriver"

Tout d’un coup, deux enfants de onze ans arrivent. Ils portent des T-shirts jaune clair avec le mot "médiateur" imprimé devant et derrière. "Je m’appelle Tenesha" dit l’un. "Et moi, je m’appelle Chris, nous sommes médiateurs. Voulez-vous que nous vous aidions à régler votre problème ?".

Les filles ont hésité. Tenesha et Chris ont finalement obtenu leur accord et leur ont proposé d’aller dans un endroit plus calme de la cour pour discuter de tout cela.

"Tu parleras en premier Veronica" dit Tenesha, "mais ne t’inquiète pas Ayesha, après ce sera ton tour. Alors, Veronica, que s’est-il passé ?"

Chris et Tenesha sont élèves dans une école publique de Brooklyn, à New-York. Dans le cadre de programmes de formation à la médiation scolaire, ils sont devenus médiateurs pour aider à résoudre les disputes qui peuvent se produire entre écoliers. Cette médiation "par les pairs" (menée par les élèves eux-mêmes)est en plein développement aux Etats-Unis. Ce travail suscite un vif intérêt ces dernières années, sous l’impulsion des éducateurs confrontés à la recrudescence de la violence.

Le programme de résolution créative des conflits (RCCP), financé par les écoles publiques de New-York et par une organisation indépendante sans but lucratif, Educateurs à la responsabilité sociale en métropole (ESR Metro)est l’un des plus importants. En 1985, au moment de sa mise en place, il y avait une vingtaine d’enseignants concernés sur trois écoles primaires de Brooklyn. Le programme implique maintenant 1500 enseignants et 45 000 étudiants, dans 120 écoles de New-York. Nous essayons d’inclure la résolution des conflits dans les programmes scolaires. Les enseignants bénéficient de 20 heures de formation de base à la résolution des conflits, ils reçoivent des manuels avec des plans de leçons détaillés, et ont la possibilité de se faire assister par un spécialiste lors de leurs premiers cours. Ces programmes de médiation "par les pairs" sont plus efficaces quand ils font partie d’une démarche globale de l’école, quand la résolution non-violente des conflits devient l’"âme" de l’école. C’est pourquoi nous proposons la médiation par les pairs seulement quand l’enseignement scolaire est bien rodé.

Comment fonctionnent les programmes de médiation "par les pairs" ? A l’école primaire, les écoliers médiateurs interviennent habituellement à la cantine ou dans la cour de récréation. Ils sont en équipe de deux, vêtus de "T-shirts médiateurs" et aident leurs camarades à résoudre leurs conflits sur le champ. Dans les écoles moyennes et secondaires, il y a une pièce où l’on peut consulter les médiateurs. C’est une procédure volontaire. Les médiateurs ne sont pas des juges mais essaient d’aider ceux qui se disputent à trouver une solution satisfaisante pour les deux parties. Une école peut avoir 20 à 40 médiateurs disponibles à tout moment. Ils prennent leur fonction à tour de rôle selon un planning établi avec des conseillers adultes. Ils sont sélectionnés selon une procédure qui combine une désignation par les pairs et une sélection finale par les adultes de l’école. Un grand effort est fait pour s’assurer que le groupe de médiateurs est bien représentatif de la population de l’école. Cela signifie que le groupe de médiateurs comprend aussi ceux que l’on appelle les "leaders négatifs" (ceux qui créent des problèmes)tout comme des étudiants qui se conduisent "bien" et vers lesquels les enseignants se tournent spontanément pour demander de l’aide.

Les médiateurs reçoivent au minimum trois jours de formation. Par des activités comme les jeux de rôles, la discussion en petits groupes, ils apprennent l’écoute active, l’affirmation de soi, la coopération, et ensuite les techniques de médiation. Ils doivent connaître parfaitement les différentes étapes du processus. Ils apprennent à poser des questions créatives quand ceux qui se disputent semblent coincés, et à les amener à une solution juste et réaliste. Les médiateurs en fonction sont suivis par des adultes. Dans les écoles primaires, un adulte (quelques fois un parent)est désigné pour contrôler leurs activités. Les médiateurs reçoivent comme instructions de ne jamais s’interposer au milieu d’une bagarre physique. Ils peuvent intervenir soit avant que les écoliers en viennent aux mains ou après que la bagarre ait été interrompue par un enseignant. En école moyenne et secondaire, un enseignant est toujours présent quand les médiateurs-étudiants interviennent dans une dispute, bien que généralement l’enseignant reste discret et laisse les étudiants faire leur travail.

Quel est l’impact de la médiation "par les pairs" ? Les programmes de médiation par les pairs étant encore peu nombreux, peu d’études systématiques sur leur efficacité ont été faites. Cependant, un rapport publié en mai 1990 par un institut de sondage indépendant souligne l’intérêt de la médiation par les pairs et donne un éclairage intéressant sur les effets de tels programmes. 98% des enseignants interrogés pensent que le programme de médiation donne aux enfants un outil important pour résoudre les conflits de tous les jours et 84% des étudiants-médiateurs interrogés reconnaissent que le fait d’être médiateurs leur a donné des capacités qu’ils pourront utiliser toute leur vie.

Mais ce qui est ressorti de cette enquête sur la médiation par les pairs vient des histoires entendues ici ou là dans les écoles. Comme un jeune l’a dit : "C’est une nouvelle façon de se battre". Et les jeunes, surtout ceux qui ont été élevés dans les banlieues où règne la violence, ont souvent besoin d’être vraiment convaincus avant d’imaginer que cette nouvelle façon de se battre peut les concerner."

Mots-clés

école, médiation, médiation scolaire, violence sociale, éducation à la non violence


, Etats-Unis

Commentaire

Après sept années d’enseignement, j’en arrive à la conclusion que la résolution non-violente des conflits est une technique et une façon d’être que tout enfant devrait apprendre à l’école. Mais il est important de considérer ces programmes pour ce qu’ils sont : des programmes d’éducation dont le but premier n’est pas d’empêcher le crime mais de donner à tous les jeunes des capacités qui leur seront essentielles durant toute leur vie de citoyens. Ils ne sont pas la panacée pour réduire la violence, que ce soit dans l’école ou à l’extérieur.

Notes

T. Roderick est directeur exécutif de "Educateurs à la Responsabilité Sociale en métropole" (ESR Metro), une organisation indépendante d’éducateurs qui finance les programmes de résolution créative des conflits en collaboration avec les écoles publiques de la ville de New-York.

Source

Articles et dossiers

RODERICK, Tom in. Non violence actualité, 1993/01 (France), 165

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