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Petits entrepreneurs et dispositifs d’appui : une rencontre difficile

Anne LE BISSONNAIS

1996

Réalisée conjointement par le GRET et l’IRAM en mai 1995, cette étude a porté à la fois sur l’évaluation de projets d’appui aux petites entreprises (au Sénégal, Côte d’Ivoire, Ghana, Congo, Madagascar et Kenya) et sur une série d’entretiens avec des entrepreneurs (Sénégal et Côte d’Ivoire). Il s’agissait de dégager un certain nombre de lignes directrices à partir d’un travail d’analyse reposant à la fois sur les dispositifs eux-mêmes et sur le point de vue des petits entrepreneurs. L’objectif était de susciter un débat autour des hypothèses soulevées par cette étude afin de déboucher sur des orientations opérationnelles.

1. Le travail de terrain et l’analyse bibliographique ont permis tout d’abord d’établir un certain nombre de constats portant sur l’environnement des petites entreprises.

Ces dernières en effet constituent un ensemble diversifié. Elles sont le fruit de l’histoire régionale ou nationale ; leurs potentialités d’émergence, de croissance et de développement sont déterminées par l’économie dans laquelle elles évoluent et les marchés sur lesquels elles sont en concurrence.

Elles partagent cependant des caractéristiques communes : proportion importante des entreprises de petite taille -non déclarées ou individuelles lorsqu’elles le sont (au détriment des sociétés)-, diversification horizontale des activités pour une plus grande pondération des risques, faiblesse de l’accumulation financière -mais relative importance de l’autofinancement au départ-, faiblesse des fonds de roulement, difficulté à passer à une taille supérieure, conception particulière des techniques de gestion -mais qui n’est pas forcément absence de gestion-.

Elles sont soumises à des contraintes sociologiques et culturelles fortes, comme le rôle de la parentèle et les fortes interconnexions entre l’entreprise et le milieu familial (même si ce rôle est nuancé dans certains contextes), ou les nécessaires arbitrages entre le respect des obligations sociales et l’intériorisation des impératifs de rentabilité de leurs affaires.

Elles évoluent dans des environnements économiques et politiques contraignants qui se caractérisent notamment par des marchés incertains, fluctuants et fortement concurrentiels, des problèmes d’approvisionnement, une fréquente instabilité politique néfaste à l’accumulation et un cadre fiscal et réglementaire rigide et souvent inadapté à la réalité.

2. Le travail sur les différents dispositifs d’appui dans les pays étudiés a permis un classement en quatre grandes catégories :

- les dispositifs dont les interventions visent à modifier l’environnement institutionnel et économique des entreprises en améliorant le cadre législatif et réglementaire ou en facilitant l’accès des petites entreprises aux marchés publics (AGETIP au Sénégal)

- les dispositifs polyvalents cherchant à impliquer les banques qui estiment que les entreprises ont des besoins différenciés d’appui et que le financement doit être laissé au secteur bancaire (Entreprendre à Madagascar, EMPRETEC au Ghana). Cette approche a donné des résultats décevants (taux d’impayés élevés, coût des projets disproportionné par rapport au nombre de dossiers financés, etc.)

- les dispositifs polyvalents intégrant une composante financière qui, face à la carence des banques, pensent qu’il faut apporter l’outil crédit à côté des autres services tels que la formation ou l’animation du milieu. Cette approche généraliste, qui a inspiré les projets FED au Mali et au Sénégal, est confrontée à un problème de pérennisation lié à la variété des tâches (qui nécessitent des métiers différents) et au coût des structures

- les institutions financières spécialisées (ACEP au Sénégal, K.REP au Kenya, PASI en Côte d’Ivoire) qui limitent leurs interventions au financement des petites entreprises, laissant à d’autres le soin d’assurer les fonctions d’accompagnement, de formation ou d’animation économique du milieu. Même si les dispositifs sont variés, ils sont en général spécialisés sur les petits crédits, les secteurs à faible risque (commerce de détail notamment) et financent davantage les entreprises existantes que celles en création.

3. L’étude tire de cette analyse un certain nombre de conclusions :

* Les dispositifs d’appui ont un impact faible et des résultats relativement décevants, qu’il s’agisse de la proportion d’entreprises appuyées, du taux de mortalité des entreprises, des taux de remboursement ou du rapport coût/bénéfices des interventions

* L’objectif de pérennisation et d’institutionnalisation des systèmes d’appui est souvent négligé ; le manque de rigueur dans la gestion des dispositifs est préjudiciable à cette pérennisation ainsi que le manque d’implication des bénéficiaires dans la conception, la gestion et l’évolution de ces dispositifs.

Or, ces dispositifs, notamment financiers, sont essentiels dans la mesure où il est illusoire d’espérer aujourd’hui que le secteur bancaire s’investisse durablement dans le financement des petites entreprises.

La question est donc de savoir quel peut être le rôle et l’avenir de ces dispositifs d’appui, leurs liens avec l’environnement et les politiques de l’Etat, et comment articuler les différentes fonctions de l’appui à la micro-entreprise.

Une des hypothèses essentielles que soulève l’étude porte sur la nécessité de distinguer clairement les fonctions financières des fonctions de suivi/conseil/formation. En effet, le besoin en financement, pour structurel qu’il soit, n’est pas le seul appui nécessaire à l’entreprise. Des institututions intermédiaires représentatives du milieu et susceptibles de prendre en charge des fonctions telles que la formation ou l’appui-conseil doivent devenir permanentes.

Or, les institutions financières spécialisées peuvent atteindre l’équilibre financier (sachant que les dispositifs financiers ont pris peu de risques et ont peu expérimenté sur le financement de l’investissement et sur celui de la création d’entreprises). En revanche, l’équilibre financier des centres de services qui doivent assurer les autres fonctions (conseil, formations…) reste incertain. Une des solutions est à rechercher dans la combinaison d’une part de facturation des services aux clients et d’une part de subvention contractuelle et modulable. Leur pérennisation sera également liée à une rigueur de gestion que l’on exige des dispositifs de financement. Il est clair, enfin, qu’il convient d’adapter les types d’appui en fonction du contexte (c’est-à-dire du marché et des caractéristiques des entreprises existantes). Le petit commerce de détail, par exemple, exige principalement du crédit en fonds de roulement et, éventuellement, de petites sessions de formation adaptées (sur l’utilisation du crédit notamment), alors que les petites unités de production peuvent demander du crédit à l’investissement ou des avances sur marché ainsi que des formations à la gestion susceptibles d’améliorer leurs performances.

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