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Le développement du plateau Dogon

Quand le Molibémo devient incontournable

Tobéré TESSOUGUE, Marie Laure DE NORAY

08 / 1995

L’association « Molibémo », signifiant en langue dogon « Unissons-nous », regroupe une centaine de villages du plateau dogon. Son objectif est d’améliorer les conditions de vie des Dogons du plateau, en menant des actions collectives.

Dès sa création, Molibémo a lutté contre la calamité naturelle en répondant vivement aux besoins de la population qui souffrait alors de la disette, due à la grande sécheresse de 1984. L’association a tenté d’apporter des soutiens de diverses natures : matériel, financier, moral, organisationnel,… Une fois la famine disparue, Molibémo s’est attelé au développement durable du plateau dogon à travers des réalisations d’intérêt collectif. Pour commencer, et avec l’appui de divers bailleurs de fonds (Oxfam, DED,…) les groupements villageois, organes de base de Molibémo, ont construit ou restauré des routes reliant chaque village à son chef-lieu de secteur (un secteur est un ensemble d’environ 5 villages), et chaque chef-lieu à Bandiagara, ville principale du plateau dogon abritant le siège de Molibémo. Cette première opération a permis le désenclavement des villages-membres de Molibémo. Ainsi les personnes et les biens circulent sans trop de difficultés, multipliant les échanges d’idées et d’expériences vécues par les uns et les autres. Les marchandises produites localement peuvent être distribuées sur tout le plateau dogon à moindre frais car le transport en est largement facilité. La diminution des coûts de transport permet aux groupements villageois d’augmenter sensiblement leurs revenus. Avant la création de Molibémo, il fallait deux heures pour parcourir dix kilomètres, quel que soit le véhicule ! Une partie de la production transportée pourrissait avant d’arriver à bon port, surtout pour les produits maraîchers.

La mise en place d’un réseau routier a eu des conséquences sur l’activité agricole du plateau dogon. Peu à peu les cultures vivrières (principalement mil et sorgho) ont laissé place aux cultures de rente telles que l’oignon, le tabac, les produits maraîchers.

Le maraîchage a vite pris de l’importance grâce à l’introduction de nouvelles variétés et à l’utilisation de techniques modernes. Des séchoirs solaires ont été installés au niveau des secteurs, ce qui a permis de limiter le gâchis des récoltes par un système de conservation. Ces séchoirs sont aussi utilisés par des villages non-membres de Molibémo, mais ces services sont alors rémunérés. La recette va dans la caisse du secteur. Molibémo mène bon nombre d’activités communautaires. L’organisation du plateau dogon a notamment mis en place des greniers améliorés pour le stockage des semences et des produits maraîchers. Il s’agit d’une nouvelle technique de construction des greniers intégrant un système simple d’aération, ce qui permet une meilleure conservation.

Des banques de céréales ont été montées au niveau de certains villages et secteurs. Il s’agit d’un système de prêt et d’emprunt de céréales, avec des taux d’intérêt et des délais de remboursement, assurant une certaine sécurité alimentaire. Sur la trentaine de banques de céréales mise en place, deux tiers sont opérationnels, le tiers restant demande à être redynamisé par un système plus efficace de recouvrement.

Molibémo a aussi construit des magasins d’approvisionnement (réservés à ses membres) au niveau des secteurs ainsi qu’à Bandiagara. Avec l’appui ponctuel d’organismes de développement, des caisses d’épargne et de crédit ont été créées. Des centres de formation ont vu le jour. Grâce à des sessions d’alphabétisation et de formation à la gestion, les responsables de Molibémo ont pu utiliser avec succès des fonds provenant de la gestion des équipements collectifs, en assurant notamment leur maintenance.

Pour mener à bien toutes ses activités, Molibémo bénéficie d’aide provenant de diverses ONG. Ainsi, par exemple, a-t-il eu une dotation importante en matériel agricole, dont tous les groupements villageois ont bénéficié.

Grâce à son importance, à son étendue géographique et à sa rigueur, Molibémo a acquis une réputation faisant de cet organisme le point incontournable pour tous ceux qui veulent participer au développement du plateau dogon, qu’il s’agisse de l’Etat, d’ONG ou même de particuliers.

Mots-clés

organisation paysanne, décentralisation, développement régional, développement autonome, milieu rural


, Mali, Pays Dogon

dossier

« On ne ramasse pas une pierre avec un seul doigt » : organisations sociales au Mali, un atout pour la décentralisation

Commentaire

La colonisation a favorisé l’urbanisation du Cercle de Bandiagara en y mettant en place des structures administratives et politiques. L’administration coloniale y résidait et tous les cantons payaient leurs impôts à ce niveau.

Depuis l’époque coloniale, Bandiagara a toujours été considéré comme la plaque tournante du développement du pays dogon. De nos jours, Bandiagara est le cercle le plus fourni en organismes de développement en tout genre, de la région de Mopti. C’est là que l’on retrouve le plus de coopératives, de tons villageois (ensembles des associations d’un village), de groupements, de toute la cinquième région du Mali. Toutes ces structures modernes oeuvrent pour le même motif : le développement du plateau dogon, mais sont toutes appuyées par des organismes des plus divers. Cela créait, sur l’ensemble du cercle, une situation « cacophonique », parfois contradictoire.

Mais, Molibémo a su inverser cet état de fait dans sa zone d’intervention (qui couvre environ les deux tiers du cercle). Aujourd’hui, aucun organisme de développement ne peut évoluer dans la zone « contrôlée » par Molibémo sans l’accord préalable de ses responsables, et même de l’ensemble de ses membres. Des négociations sont alors engagées entre les responsables de Molibémo et ceux de l’organisme désireux d’intervenir dans la région désormais nommée « zone Molibémo ». Des engagements sont alors pris par les deux parties en présence, afin que toutes les actions au sein du Molibémo puissent être coordonnées. Cela garantit un développement harmonieux de la zone. « Aucune intervention d’ONG ou de la puissance publique n’est possible, et le cas échéant, ne réussira, sans le consentement des membres et des responsables de Molibémo », explique un animateur. Ce « passage obligé » a su imposer Molibémo est certainement un des principaux critères de sa réussite. Néanmoins, ne traduit-il pas une situation de monopole ? Ce qui irait à l’encontre de la mouvance démocratique qui embrasse tout le pays….

Le découpage territorial envisagé par l’Etat malien dans le cadre de la décentralisation, ne va-t-il pas diviser Molibémo ? En effet, la zone Molibémo (couvrant 102 villages) est trop vaste pour constituer une seule commune rurale (collectivité territoriale de base). La division géographique va-t-elle engendrer une division des idées ? On ne le souhaite vraiment pas.

Notes

Cette fiche a été réalisée sur la base d’une enquête effectuée entre 1994 et 1995. L’ensemble dans lequel elle s’inscrit a fait l’objet par la suite d’une publication séparée, sous le titre : On ne ramasse pas une pierre avec un seul doigt : organisations sociales au Mali, un apport pour la décentralisation, FPH; Centre Djoliba, juillet 1996. S’adresser à la Librairie Fph, 38 rue Saint-Sabin, 75011 Paris.

Source

Enquête ; Présentation d’organisme

Centre Djoliba - BP 298, Bamako. MALI. Tél. : (223) 222 83 32 - Fax : (223) 222 46 50 - Mali - centredjoliba (@) afribone.net.ml

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