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Agir pour le quartier : les limites de la participation

Betsam ES SASSI

08 / 1996

Le comité de quartier de Croix-Luizet à Villeurbanne doit son existence à une démarche croisée entre des professionnels de l’office Hlm de Villeurbanne et du centre d’animation de Croix-Luizet. Ils souhaitaient favoriser le rapprochement entre les personnes et entre les générations. Dès 1993, des rencontres ont été mises en place ; tous les publics étaient représentés y compris des commerçants du quartier.

Elles ont abouti à la création de quatre groupes de travail : toxicomanie, urbanisme et liens avec le bailleur, groupe jeunes et comité des fêtes. Salah A. est un jeune adulte militant dans ce comité. Responsable de la commission toxicomanie, il est également impliqué dans les autres commissions. Après trois ans d’engagement au comité, il affirme les avancées et les limites de son action.

Une volonté d’agir

Le brassage des générations constitue la réussite majeure de l’expérience puisque petit à petit les a priori des uns et des autres se sont progressivement envolés ou estompés : « Les plus âgés étaient sensibles aux problèmes des jeunes. Ils se rendaient compte que les jeunes sont plus victimes de la crise économique qu’autre chose … Je retiens les bonnes relations entre les habitants, quels que soient l’âge ou l’origine ethnique. On a pu se connaître et casser les appréhensions. Ça nous a aidés à avoir une nouvelle approche de chacun vis à vis des autres ». Il évoque les avancées mais aussi le désenchantement quand les efforts des commissions ne sont pas récompensés : « Par exemple quand la commission Urbanisme défendait quelque chose, tout le monde était là. à force de combat on a obtenu que deux ménages soient aidés au relogement, une diminution des charges … Mais sur les aménagements des espaces extérieurs on s’est sentis lésés, on n’a pas été consultés ».

Des opportunités telles que la rencontre provoquée à Marseille avec les « Femmes de l’espoir » ont fasciné Salah. Ce groupe réunit essentiellement des mères de familles marseillaises de la première génération. Elles mènent une action de lutte contre la drogue. Salah avoue sa « satisfaction d’avoir rencontré de telles personnes. De voir ces mères de familles, ça m’a bouleversé ! C’est une rencontre qui ne vous laisse pas indifférent. Elles s’occupent vraiment des toxicomanes. Nous à côté, on fait rien. Mais il faut dire qu’elles ont eu dix cas d’overdose en une année. Dans les quartiers nord de Marseille, je comprends que les gens « virent la carafe » ! Vous voyez le contexte, vous comprenez. Mais ce qui fait aussi la différence entre nous et les femmes de Marseille c’est qu’elles ont monté leur association toutes seules »

Nous, on fait le jeu des professionnels

Un rien désabusé, il analyse l’action du comité et tient à en expliquer les limites, dues en partie à la place des habitants par rapport aux professionnels et aux politiques. « La toxico c’est l’hypocrisie totale. Les institutions partenaires de notre action, en théorie, on leur demandait de nous aider par exemple, à trouver un petit job à un toxico … Et là, il n’y avait plus personne. Un toxico c’est sur le moment qu’il faut le prendre en charge, quand il est demandeur. Quand il attend un sevrage, il n’y a pas toujours de place alors que c’est tout de suite ou vous le renvoyez à son délire ».

Il hésite entre présent et passé pour parler de l’essoufflement que vit actuellement le comité, et qui serait dû à « la soif de s’attaquer à trop de choses d’un coup et on ne peut pas tout assurer. C’était toujours les mêmes personnes qui gravitaient autour des quatre commissions soit une quinzaine de personnes. Les professionnels étaient trop près de nous, ils avaient trop de pouvoir. On n’avait pas de logistique et les dossiers passaient forcément par eux. Même si les habitants sont plus nombreux, ce sont les professionnels qui animent le débat. En fait c’est un semblant de démocratie puisque les décisions sont déjà prises… Ce que je reproche le plus aux professionnels c’est de ne pas écouter. Nous, en tant que bénévoles, on s’investit peut-être plus. Et en nous investissant on fait le jeu des professionnels, on fait façade. Et surtout, si on a un vrai problème on ne peut pas compter sur les professionnels ou le politique pour le régler. Moi je voudrais que notre action serve plus aux gens du quartier qu’aux professionnels. Pour moi, il existe des institutions qui se créent des emplois avec la misère sociale. Nous on est là pour servir d’alibi… »

Ses qualités de père de famille et de salarié confèrent à Salah une position statutaire d’adulte. Bien qu’établi, il reste proche des préoccupations des jeunes, en particulier ceux de son quartier. Il émane de lui un souci de mobilisation de l’individu dans son environnement direct. Incontestablement acteur, il s’inscrit dans un processus participatif continu qui favorise la création d’une dynamique collective, et renvoie à la possibilité d’être un élément influent sur les décisions « politiques ».

Il n’est pas dupe des réalités complexes qui s’entrecroisent. C’est pour cela qu’il ne souhaite plus être identifié à un système institutionnel. Les motifs qui fondent sa participation l’amènent à continuer l’action mais à distance des institutions, sans recourir forcément à leur aide.

Son témoignage interroge sur la capacité des opérateurs à permettre l’autonomie des espaces de débats qu’ils ont initiés et l’autonomie laissée aux habitants.

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