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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Des femmes assurent une table d’hôte et retrouvent une position sociale

Le Resto d’Eugénie, Quartier des Minguettes à Vénissieux (Rhône)

Christiane ZIMMER

03 / 1996

Une pincée d’observation et d’écoute, une bonne mesure d’initiative, un mélange savant de différences ...

Deux fois par mois, il est possible de déjeuner au Centre Social Eugénie Cotton à Vénissieux. Ce service s’adresse à toute personne qui habite ou travaille dans le quartier.

La proposition d’ouvrir une table d’hôtes est venue de la conseillère en Economie Sociale et Familiale du secteur "adulte" du centre social, qui avait remarqué que pour une partie des femmes fréquentant l’atelier de couture et déjà anciennes dans le centre social, c’était le besoin de rencontre qui prévalait. Elle a pensé que, de la rencontre amicale à l’initiative collective, le pas pouvait être franchi à condition de proposer un outil support qui le permette. C’est ainsi que la proposition d’ouvrir une table d’hôtes a été faite en octobre 1995, lors de la réunion de rentrée des usagers du centre social.

Le groupe qui s’est ainsi constitué et qui s’est attelé à ce projet est composé des personnes repérées la saison précédente en atelier de couture mais également d’autres femmes, usagères du centre et intéressées par l’initiative. Le groupe est stabilisé depuis octobre 1995, il est composé de treize membre et la moyenne de participation aux différents temps (réunions de préparation, table d’hôtes ...)est de huit à neuf personnes.

La situation des membres de ce groupe est contrastée. Six personnes ne rencontrent pas de difficultés particulières ; en revanche sept se trouvent dans des situations personnelles difficiles.

Depuis octobre 1995, trois personnes en situation difficile ont manifesté le désir d’intégrer le projet, mais les professionnelles n’y ont pas été favorables sachant par expérience que l’équilibre et la cohérence du groupe dépendaient de sa composition.

Réguler les conflits

Deux fois par mois, ce groupe assure donc sous forme de tables d’hôtes la confection et le service d’une bonne quarantaine de repas. Ce travail collectif et le contact avec le "public/client" ne vont pas sans poser de problèmes. Les situations de conflits existent. Elles sont en règle générale provoquées par le comportement de l’une des personnes que d’autres ne tolèrent pas (attitude lors du service du repas, par exemple). C’est alors vers les professionnelles que l’on se retourne. C’est à elles que l’on dit bien souvent, en privé, ce qui ne va pas dans le groupe, ce que l’on ne supporte pas de telle ou telle autre personne. Elles doivent alors assurer une régulation et permettre aux différentes questions d’être traitées par le groupe. Il est rare que la même difficulté se présente plusieurs fois, aussi il est possible de dire que ce groupe est dans une réelle dynamique de construction et de progression.

Ce résultat demande aux professionnelles un investissement personnel important, elles disent que ce projet leur demande " ... de donner un bout d’elles-mêmes, qu’il fait appel à leur engagement et conviction personnelle ...".

Depuis le démarrage de cette action, les personnes qui la mènent ont eu l’occasion d’exprimer ce que ce projet leur apporte : leurs savoir-faire sont valorisés et reconnus, elles se retrouvent dans la dimension collective de ce projet, elles occupent, durant les tables d’hôtes, une position différente de leur quotidien et ressentie par elles comme gratifiante, elles trouvent ou retrouvent une position sociale, une place, un rôle "pour une fois, c’est nous qui rendons service, nous ne faisons pas que recevoir" ... Cette remarque a été faite par les personnes qui sont dans les situations les plus difficiles.

L’action provoque des changements ...

D’autre part, les animatrices ont relevé des changements et des progressions qu’elles expriment de la façon suivante :

- avec des graduations selon les personnes, on remarque une plus grande prise de responsabilité et d’initiative, surtout au niveau matériel

- une plus grande ouverture et tolérance du groupe, vis à vis de ses membres, au fur et à mesure qu’il "vieillit" ensemble

- pour l’une des participante, une grande transformation dans son apparence, le soin à sa personne.

... mais la participation dépend des conditions de vie

Une moins grande régularité dans l’action est perceptible chez les personnes les plus en difficulté. Elles sont plus fragiles et le moindre accroc supplémentaire dans leur vie personnelle se répercute sur leur présence dans le groupe. L’investissement dans le projet collectif varie en fonction de la pression exercée sur les personnes par les difficultés qu’elles rencontrent. Plus ces dernières sont prégnantes, plus le champ d’initiative se restreint. L’impossibilité à s’investir durablement dans une action collective est moins à imputer à la personne qu’aux conditions de vie qui lui sont faites.

Actuellement, deux des personnes du groupe vivent une aggravation de leur situation, elles désertent le projet, et les professionnelles ne voient pas comment elles pourraient inverser la tendance.

Certains groupes se forment avec des personnes qui rencontrent une difficulté commune (chômage, pauvreté... par exemple). La motivation du groupe est alors de lutter, de s’activer pour que la situation s’améliore.

Les individus, le groupe qu’ils forment, les actions qu’ils mènent tous, tendent à améliorer une situation problématique clairement identifiée. Ils peuvent alors être repérés comme des personnes agissantes, l’extérieur peut les percevoir comme des "citoyens-acteurs", la dimension collective facilitant le repérage de l’initiative.

L’action répond à une volonté d’intégrer sans stigmatiser

Le "Resto d’Eugénie" ne s’est pas constitué à partir d’une dynamique de ce genre. Le projet a précédé la constitution du groupe et ce dernier ne prétend pas résoudre une situation problématique commune à ses membres. Il répond à une volonté d’intégrer sans stigmatiser.

Mots-clés

femme, création d’activité, pédagogie, service de proximité, travail, valorisation du savoir faire


, France, Rhône-Alpes, Vénissieux

Commentaire

Cette action est nouvelle et ses effets, ses impacts et ses développements ne sont pas encore totalement visibles, la reconnaissance de l’extérieur se précisera certainement avec le temps. Pourtant, la qualité de la prestation est réelle, le taux de fréquentation et l’assiduité de certains clients en témoignent, ainsi que le nombre de demandes de confection de buffets ou pique-nique émanant de l’extérieur et qui se rajoutent à l’activité de table d’hôtes. On peut ainsi dire que l’initiative "Resto Eugénie" tire sa reconnaissance des clients fréquentant assidûment le service et qui donnent du sens à une expérience dont ils ignorent les préalables.

Notes

C. ZIMMER représente la Fédération des Centres sociaux. C. FAUVET travaille au Centre Social Eugénie Cotton, tél. 04 78 70 19 78. Des bénévoles du "Resto d’Eugénie" ont également été interviewés pour cette fiche.

Texte mis en fiche et diffusé par le CR-DSU=CENTRE DE RESSOURCES SUR LE DEVELOPPEMENT SOCIAL URBAIN, 4 rue de Narvik, BP 8054, 69351 Lyon cedex 08, FRANCE. Tel 78 77 01 43. Fax 78 77 51 79

Entretien avec FAUVET, Claire

Source

Document interne ; Entretien

MRIE RHONE ALPES=Mission régionale d'information sur l'exclusion, Agir avec les plus défavorisés, MRIE RHONE ALPES, 1996 (France)

MRIE RHONE ALPES (Mission Régionale d'Information sur l'Exclusion) - 14 rue Passet, 69007 Lyon, FRANCE - Tél. 33 (0)4 37 65 01 93 - Fax 33 (0)4 37 65 01 94 - France - www.mrie.org - mrie (@) mrie.org

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