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L’Afrique côté cuisines

L’évolution de l’alimentation : une donnée indispensable pour connaître, comprendre et accompagner l’évolution de l’Afrique

Frédéric PRAT

04 / 1996

Le développement doit être centré autour de l’homme. Son alimentation étant une de ses nécessités vitales, comprendre comment et pourquoi elle a évolué en Afrique est au moins aussi pertinent que tous les diagnostics socio-économiques effectués ces dernières années sur ce continent. D’où l’intérêt de ces regards africains sur l’alimentation, extraits d’articles publiés dans la presse africaine, rassemblés dans un ouvrage co-publié par la FPH. Il ne s’agit pas, dans cette petite note, de résumer l’étonnante diversité de l’alimentation africaine décrite ici, dont on ne retrouvera la saveur qu’en lisant le livre, ou mieux, en allant la déguster sur place. Il s’agit plutôt de rendre compte de l’intéressante préface de José Muchnik, responsable du laboratoire "Système techniques agro-alimentaires et sciences de la consommation" au CIRAD. Celui-ci relève en effet plusieurs caractéristiques de l’évolution récente de l’alimentation africaine.

En Afrique, comme ailleurs, on retrouve la règle universelle de la composition d’un repas ordinaire : un aliment de base, qui apporte l’essentiel de la nourriture (riz, maïs, manioc...), combiné à une "sauce" (viande, poisson, laitage, légumes...), qui relève la saveur de l’aliment de base, souvent fade. Mais dans le cas africain, l’aliment de base est très varié (manioc, banane, riz...), et en évolution : le riz n’a été introduit qu’à la fin du XIXème siècle, et l’irruption du pain est encore plus récente. Pourtant, allant contre les idées reçues, Muchnik souligne qu’il est faux d’affirmer que l’Afrique veut mimer l’alimentation occidentale : l’Afrique mange africain, même si elle incorpore des baguettes françaises ou des spaghettis italiens. De plus, au-delà de la simple fonction de se nourrir, l’alimentation en Afrique garde une haute valeur symbolique, liée à un système de valeurs et à une culture alimentaire locale. Même si les régimes alimentaires évoluent, on sait bien souvent qui a produit la nourriture, et à quel groupe ethnique elle est liée.

Certes, l’évolution des modes de vie (travail des femmes, journée continue...)bouleverse souvent les habitudes alimentaires : davantage de repas pris en dehors des foyers, nécessité d’une restauration rapide, produits plus faciles à préparer. Mais il est rassurant de constater que, loin des projets d’experts, les hommes et surtout les femmes africaines, ont su faire preuve d’une imagination débordante pour s’adapter à cette évolution, répondre à cette nouvelle demande. Les savoirs ancestraux de recettes souvent compliquées (bière de banane, fonio...)sont transmis oralement et sans cesse améliorés. Cette richesse technique locale est souvent méconnue. La reconnaître est le premier pas, indispensable, vers son amélioration. Mais cette amélioration des savoirs-faire locaux passe inévitablement par une organisation socialement maîtrisable et une reconnaissance de la dimension culturelle du fait technique. Les échecs d’implantation de certaines nouvelles usines en Afrique sont souvent liés en effet à une mauvaise articulation de l’industrie avec le tissu socio-économique : mauvais approvisionnement en matières premières, prix final du produit trop cher, goût non accepté... A l’inverse, les succès, comme Uncle Soyo à Lagos, repose sur un principe simple : l’entreprise n’est pas une machine à sous, c’est une organisation socio-économique productive, avec des règles et des fonctionnements internes, articulés avec d’autres espaces sociaux et économiques à diverses échelles. Ce sont toutes ces composantes qu’il faut prendre en compte avant de prétendre "aider au développement". Joseph Ki-Zerbo le rappelle : "Ce que nous demandons, c’est qu’on nous aide à nous accomplir par nous-mêmes. Comme un arbre qu’on aiderait à se développer en l’arrosant. Mais il pousse de l’intérieur. On ne peut pas faire grandir un arbre en tirant dessus".

Mots-clés

souveraineté alimentaire, petite et moyenne industrie, développement culturel, culture et développement


, Afrique

Source

Livre

SYFIA=Système francophone d'information agricole, L'Afrique côté cuisine. Regards africains sur l'alimentation., SYROS ALTERNATIVESFPH, 1994 (France)

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