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La CSCE et la question des minorités nationales en Europe

Claudio CRATCHLEY

04 / 1998

La question des minorités nationales a été posée à la CSCE par la Yougoslavie lors des négociations de Genève portant sur l’élaboration de l’Acte final d’Helsinki (1973-1975), avec la présentation d’un "Projet de résolution tendant à promouvoir le respect des droits des minorités". Cette proposition souleva de fortes objections de la part de plusieurs pays membres, aussi bien d’EUROPE OCCIDENTALE comme de l’Est.

L’idée de la protection des minorités nationales fut retenue dans l’une des dispositions du Principe traitant du respect des droits de l’homme, en des termes assez restrictifs : "Les États participants sur le territoire desquels existent des minorités nationales respectent le droit des personnes appartenant à ces minorités à l’égalité devant la loi, leur donnent l’entière possibilité de jouir effectivement des droits de l’homme et des libertés fondamentales et, de cette manière, protègent leurs intérêts dans ce domaine". Cette approche restrictive fut réaffirmée dans le Document de clôture de la Réunion de Madrid sur les Suites de la CSCE (1983).

Le Document de clôture de la Réunion de Vienne sur les Suites de la CSCE apporta trois éléments nouveaux : reconnaissance de la nécessité de mesures concrètes en vue d’assurer aux personnes appartenant à des minorités nationales la jouissance des droits inhérents aux droits de l’homme en général ; la possibilité de maintenir des contacts avec des citoyens d’autres États qui ont une origine nationale ou un patrimoine culturel commun, de diffuser des informations dans leur langue maternelle, de conserver et de développer leur propre culture, y compris la langue, la littérature et la religion, de préserver leurs monuments et objets culturels et historiques, de disposer d’un enseignement portant sur leur propre culture ; engagement des États de la CSCE à la protection des "identités ethnique, culturelle, linguistique et religieuse" des minorités en tant que telles.

Le Document de Copenhague (juin 1990)attribua à la protection des minorités nationales toute une section. Mais, surtout, la réunion donne lieu à la naissance d’un clivage entre les États qui préconisaient l’adoption d’un régime de protection des minorités et ceux qui considèrent un tel régime inopportun.

Le rapport de la Réunion d’experts sur les minorités nationales (Genève 1991)n’a guère fait que réaffirmer les éléments fondamentaux du Document de Copenhague et de la Charte de Paris, en ne se référant qu’à l’exercice de droits individuels. Par ailleurs, il n’y a aucune référence aux droits des personnes appartenant à des minorités nationales en matière linguistique et d’éducation, ni d’accord sur la nécessité d’un mécanisme spécialisé de protection des minorités. L’approche de la CSCE commença à évoluer au début de 1992, parallèlement à l’exacerbation de la guerre en Yougoslavie : le Conseil des Ministres des Affaires étrangères de la CSCE (Prague, janvier 1992)posa que l’exécution des engagements de la CSCE concernant les minorités nationales constituait un apport direct à la prévention des conflits. La Déclaration politique émise à l’issue du Sommet d’Helsinki (juillet 1992)affirma que le respect des droits des personnes appartenant à des minorités nationales faisait partie du corpus de valeurs fondamentales de la CSCE.

Mots-clés

minorité nationale, droits des minorités, protection des minorités, prévention des conflits, conflit ethnique


, Europe

Commentaire

L’effondrement de l’URSS et l’éclatement de la guerre en Yougoslavie ont été deux facteurs déterminants dans l’évolution de la position de la CSCE en matière de minorités nationales en Europe. Toutefois, au niveau des droits de l’homme, la situation n’a pas évolué du fait de la persistance des différences politiques entre partisans et adversaires d’un statut des minorités nationales. En fin de compte, la protection des minorités dépend en bonne partie du degré de démocratie dans chaque État, ainsi que la bonne volonté du chaque gouvernement.

La guerre en Yougoslavie, et la situation générale des Balkans, apportent la preuve que les questions des minorités peuvent déboucher sur des conflits impliquant plusieurs États en même temps, et donc extrêmement difficiles à maîtriser. Le chemin parcouru par la CSCE dans le domaine de la protection des minorités nationales est considérable ; il reste cependant nettement insuffisant dans la perspective d’une véritable politique de prévention des conflits en Europe.

Notes

C.Cratchley est un sociologue chilien, spécialiste des questions touchant les minorités ethniques.

Source

Livre

GHEBALI, Victor Yves, L'Europe centrale et ses minorités : vers une solution européenne ?, PUF, 1993 (France)

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