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Au Royaume-Uni, la télévision d’accès public locale est à la remorque des chaînes privées du cable

Nick HUNT

09 / 1994

Le développement de la télévision en Grande Bretagne est passé principalement par des structures nationales basées sur un système de télédiffusion terrestre. Par conséquent, la question de la télévision locale et son rôle dans la communauté n’a surgi que récemment. Cela ne signifie pas pour autant que les soucis d’auto-représentation démocratique de la communauté furent ignorés; l’arène des revendications pour une télévision d’accès public fut plutôt la télévision nationale. Les pressions sur la British Broadcasting Corporation (BBC)portèrent fruit en 1973 avec la création de l’émission The Open Door (la porte ouverte). Celle-ci constitua une percée pour la télévision d’accès public. Dans le cadre de cette série, qui fut sur les ondes pendant dix ans, les participants avaient carte blanche et pouvaient dire n’importe quoi dans les limites de la loi.

En outre, l’introduction de cette série mena à l’établissement du département des programmes communautaires au sein de la BBC. Cette instance s’est chargée du développement de plusieurs séries de télé d’accès public dont Write On et Video Diaries. Si la BBC peut se vanter de son rôle de pionnier en matière de télévision d’accès public au Royaume-Uni, ce fut en fait la fondation du Channel 4 en 1982 qui donna l’impulsion à son développement. Avec son mandat de servir des "auditoires restreints", ce poste développa des séries telles People to People et Opinions.

C’est en finançant le mouvement Workshops (ateliers), que Channel 4 ouvrit véritablement la porte à la télé d’accès public locale. Ces "ateliers", qui firent tache d’huile, facilitaient des processus de travail collectifs entre les communautés et les travailleurs de la télévision. Dès 1985, plus de vingt groupes diffusaient sur Channel 4. Ce fut l’apogée du mouvement pour la télévision communautaire, mais cela n’a pas fait long feu. Durant la période précédant l’adoption de la "Loi sur la radiodiffusion et la télévision" (vue par plusieurs comme un travail préparatoire pour l’expansion de la télévision commerciale à travers la privatisation)Channel 4 mit fin au financement des Workshops. Une crise profonde s’ensuivit parmi ceux partageant des soucis d’ordre démocratiques et socialistes sur l’accès à la télévision.

La télévision locale a été liée à un autre système de diffusion : la câblodiffusion. Cette dernière a connu un développement plutôt lent. Une poignée d’expériences initiales réglementées par le ministère de l’Intérieur virent le jour vers le milieu des années 70. Deux d’entre elles mirent en onde des canaux de télé d’accès public. Cependant, ceux-ci firent l’objet de nombreuses critiques, y compris de la part de leurs propres employés et participants. Les problèmes découlaient de divergences sur le sens des termes "accès" et "communauté". Sous l’égide du ministère de l’Intérieur, dont les règlements de l’époque étaient jugés plus sévères que ceux régissant la télédiffusion terrestre, l’accès fut dans les faits assujetti à l’idéologie de la "neutralité". Ainsi, les prises de position radicales n’avaient pas droit de cité. Bref, cela donnait lieu à une forme de censure. Dans son rapport sur les perspectives d’une programmation communautaire publié en 1983, le groupe Sheffield TV conclut que la structure politique de la câblodiffusion britannique limiterait la participation des usagers surtout lorsqu’il s’agit de matériel "engagé". Il y a trois explications à cela : l’absence de toute obligation de réserver des postes et des ressources pour la télévision d’accès public, l’existence de monopoles locaux barrant la route à d’éventuelles autorisations de postes communautaires autonomes et l’exigence de la neutralité évoquée ci-haut.

L’envol de la câblodiffusion britannique n’est qu’un phénomène récent. Avec l’assouplissement des restrictions sur les investissements privés à la fin des années 80, les vannes s’ouvrent à des flux de capitaux en provenance de l’Amérique du Nord. D’ailleurs, cette région reste la principale source d’investissement du secteur. L’instance gouvernementale chargée d’y veiller constate que, dès 1993, 62 franchises sont déjà en exploitation. Cette expansion procède sur fond de déréglementation. En effet, il n’existe aucune exigence en matière de services locaux ou de télé d’accès public. Cela dit, 23 de ces franchises ont fondé des services locaux. Bien que certaines d’entre elles ne se soucient guère de la télé d’accès public, la plupart ne fonctionnent qu’à l’aide de groupes restreints de bénévoles et quelques employés mal-rémunérés. La Guilde de la télévision locale assure la représentation du réseau regroupant ces postes. Ses membres sont, pour l’essentiel, des éducateurs qui enseignent par correspondance et des producteurs de télévision locale.

Le vide réglementaire et l’absence de financement font en sorte que le combat pour la télé d’accès public reste centré sur les structures nationales de la BBC et du Channel 4. Or, la privatisation amène à la fois une baisse du financement public de la production et un rétrécissement des droits du public dans le domaine de la télévision. Quant au secteur de la câblodiffusion, il ne fournit pas le financement autonome réclamé par le mouvement pour la télévision communautaire. La télévision d’accès public émerge actuellement d’un autre secteur. Certaines compagnies branchent gratuitement des écoles et des universités. De plus, elles développent des liens avec des institutions d’éducation dotées d’installations de production. Là encore, c’est le vide réglementaire. Il en résulte un développement inégal risquant d’accoucher de systèmes différents selon les régions. Une chose est certaine, au Royaume-Uni, la télévision d’accès public locale sera à la remorque des objectifs commerciaux des compagnies de câble tant dans le domaine de l’éducation que dans les communautés. A l’époque d’une expansion mondiale de la télévision commerciale, on assiste à une érosion de la volonté d’assurer un régime de réglementation favorisant la télévision d’accès public.

Mots-clés

communication, télévision, télécommunications


, Royaume-Uni

Notes

Nick Hunt est vidéaste indépendant et professeur de communications et de production vidéo au Mid Warwickshire College, Royaume-Uni.

Voir traduction de cette fiche en espagnol et en anglais dans la base de données (recherche par le nom de l’auteur).

Source

Articles et dossiers

Videazimut, TÉLÉVISION LOCALE, COMMUNAUTAIRE ET D'ACCèS PUBLIC in. Clips, 1994 (Canada), 6

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