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Les producteurs de pommes de terre péruviens dans un contexte néolibéral

Marguerite BEY

03 / 1996

Ce texte présente l’intérêt d’analyser à la fois les relations entre petits producteurs de pommes de terre, marché et Etat et les comportements de chacun d’eux. Dans le contexte d’ajustement structurel et de libéralisation des échanges des années quatre-vingt-dix, l’analyse se concentre sur la dernière campagne agricole de 1994-95.

La pomme de terre est produite par de petits producteurs (au-dessus de 3 ou 5 hectares selon l’auteur, les producteurs sont qualifiés de " grands "). Ce qui fait la différence, plus que les superficies cultivées ou le type de tenure (propriété communale andine, propriété privée, location ou métayage), semble résider dans l’accès aux ressources hydraulogiques et au capital, qui permettent des rendements à l’hectare supérieurs à la moyenne. Celle-ci est d’ailleurs assez basse, avec 10,5 kg/ha, alors que la moyenne européenne est de 40 kg/ha. Mais la pomme de terre est aussi l’aliment de base des populations andines, alors qu’elle entre en concurrence, en ville, avec les produits à base de céréales et laitiers.

Après une augmentation progressive de la production de pommes de terre depuis des siècles, les dernières décennies ont connu une stagnation relative de la production, l’accroissement de la productivité ne suivant pas celui de la population. De plus, la consommation, surtout urbaine, s’est déplacée vers des produits importés (riz, blé, produits laitiers, etc.). Enfin, à partir de la seconde moitié de la dernière décennie, des mesures économiques telles que la hausse des taux d’intérêt, la suppression des subventions aux intrants et les prix défavorables pour les producteurs, ont provoqué une baisse de la production.

A partir de 1990, la politique s’oriente résolument vers une libéralisation de l’économie. L’Etat abandonne son rôle d’intermédiaire commercial pour les intrants et produits agricoles, le système de vulgarisation agricole et la recherche appliquée, réduisant la bureaucratie, et le crédit. Les importations agro-alimentaires augmentent, favorisées par les tarifs douaniers. Parallèlement, l’élimination du contrôle des prix, des intrants comme des produits agricoles, se révèle être le seul avantage pour les producteurs. En effet, le modèle, appliqué pendant quarante ans, d’industrialisation par substitution des importations visait à favoriser un accès aux aliments à bon marché pour les travailleurs urbains.

En 1992, les conditions climatiques ont contribué à la chute de la production de pommes de terre. A partir de cette date, les prix vont augmenter, suscitant une progression des superficies cultivées. Cette réaction des producteurs s’explique d’une part par la conjonction de facteurs favorables (climat, récupération économique après la récession du début de la décennie et réorganisation du crédit)et d’autre part par un manque d’information des producteurs nationaux sur les marchés, qui les conduit à appuyer massivement leurs décisions sur les niveaux de prix atteints l’année précédente.

Dans l’approvisionnement national en pomme de terre, les importations de pays voisins font une concurrence d’autant plus déloyale que les exportations (de la variété andine " amarilla ")et l’agroindustrie de transformation n’en sont encore qu’à leurs débuts. Les fluctuations mensuelles caractéristiques dans l’approvisionnement de ce produit andin, ajoutées au manque d’information des producteurs, ont conduit les producteurs à abandonner les plantes sur pied, ce qui favorise la prolifération de parasites pour la prochaine campagne agricole.

La chute des prix réels, qui accompagne la surproduction de pommes de terre, a impliqué une réduction des revenus des producteurs. La campagne de 1995-96 a démarré avec 27

de réduction de la production sur les parcelles précédemment cultivées en pommes de terre. Les problèmes de qualité des semences (qui devraient, de surcroît, correspondre aux variétés demandées par les consommateurs), ajoutés à la méconnaissance des tendances du marché, rendent une accumulation soutenue d’autant plus hypothétique dans le contexte néolibéral.

Mots-clés

agriculture familiale, intervention de l’Etat, prix, crédit rural, importation agricole, libéralisme, information, consommateur, pomme de terre, approvisionnement alimentaire


, Pérou, Andes, Cote

Commentaire

Le choix d’un seul produit agricole, la pomme de terre, n’est pas anodin dans le contexte péruvien : la pomme de terre n’est pas seulement importante pour la sécurité alimentaire, c’est un aliment symbolique.

Un juste milieu devrait être trouvé dans l’intervention de l’Etat (qui, d’aucune façon, ne peut se dégager de ses responsabilités), entre un soutien des prix aux producteurs, qui les incite à produire davantage, tandis que les consommateurs se tourneraient vers des produits importés ou de substitution moins onéreux, et un soutien des prix aux consommateurs, qui décourage les producteurs et finit donc par susciter une augmentation des importations.

Notes

Colloque "Agriculture paysanne et question alimentaire". Chantilly, 20-23 février 1996.

Source

Compte rendu de colloque, conférence, séminaire,…

VALCARCEL, Marcel, Perú : los productores de papa en un contexto neoliberal

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